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Arc-en-ciel à Mossoul, en Irak. Arc-en-ciel à Mossoul, en Irak.  Les dossiers de Radio Vatican

Mgr Gollnisch: dans les Églises orientales, un œcuménisme de vie

À l'occasion de la semaine de prière pour l'unité des chrétiens, nous revenons avec le directeur de l'Œuvre d'Orient sur l'œcuménisme vécu au quotidien par des familles composées, souvent au Moyen-Orient, de membres de différentes Églises chrétiennes, catholique et orthodoxe. Le dialogue de vie se heurtent parfois aux "appareils ecclésiastiques", explique Mgr Gollnish qui analyse également les effets de la guerre sur les communautés chrétiennes orientales.

Entretien réalisé par Marie Duhamel - Cité du Vatican

Le dialogue œcuménique, s’il a pris un élan déterminant au lendemain du Concile Vatican II, est vécu par les Églises orientales depuis toujours, et les Églises catholiques issues de la tradition orthodoxe le pratiquent en premier lieu. Si ce ne fut pas nécessairement facile, toutes ces Églises partagent un même credo et sont issues du premier concile œcuménique de Nicée, réuni par Constantin du 20 mai au 25 juillet 325.

Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L’Œuvre d’Orient, revient sur ce dialogue de plusieurs siècles et sur la réalité qu'il recouvre aujourd’hui.

Entretien avec Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L'Œuvre d'Orient

Au moment où ces communautés orientales ont rejoint la communion avec Rome, cela a parfois été perçu comme une sorte de trahison et aujourd'hui, il existe des situations qui demeurent difficiles, tendues, surtout entre les appareils ecclésiastiques. Mais dans certains cas, les relations sont bonnes. Ce qu'il faut comprendre, c'est que chaque Église orientale catholique a une sœur qui était une Église orthodoxe, à l’exception des Maronites qui ne sont que catholiques et latins. Les gens se connaissent ainsi, des prêtres, évêques et patriarches parfois depuis l'enfance. Il existe des relations qui peuvent être apaisées entre ces communautés catholiques et ces communautés orthodoxes. Il peut y avoir des différences qui ne sont pas forcément des divisions.

Cela se vit parfois dans un village, où l'on peut avoir un prêtre catholique et pas de prêtre orthodoxe, ou l’inverse, et à ce moment-là, les fidèles suivent le rite célébré dans le village. Il y a une hospitalité eucharistique validée par les évêques respectifs. Dans sa grande encyclique post synodale, Ecclesia in Media Oriente, rédigée en 2010, le Pape Benoît XVI évoque la question de l'œcuménisme et dit que l'Intercommunion est non seulement possible, mais qu’elle est souhaitable.

L'œcuménisme est donc vécu au quotidien par les Églises orientales?

Dans une famille, il arrive qu'il ait deux beaux-frères, l'un catholique, l'autre orthodoxe. Parfois, des fidèles ont un père orthodoxe, une mère catholique ou inversement. Il existe une réalité d'œcuménisme qui se vit de manière concrète. C'est à prendre en considération.

L’œcuménisme ne consiste pas simplement en des échanges entre théologiens. Il s'agit de relations, le fait de se reconnaître ensemble chrétiens dans l'unité de baptême, l'unité de foi et donc de prière. Des choses se vivent et dans un Moyen-Orient où les chrétiens sont minoritaires, il est clair que cela doit les conduire à s'unir pour affronter les difficultés qu'ils rencontrent, à la fois sur le plan social, sur le plan politique et sécuritaire. En restant divisés, ils n'y arriveront pas.

D'autant qu'ils se trouvent, en tout cas en ce moment, dans des zones de fortes tensions, voire de guerre. On imagine que ce n’est d’ailleurs pas sans effet sur l'œcuménisme.

En Ukraine ou en Éthiopie, il s’agit de guerres entre chrétiens, ce qui est difficile. Vous connaissez la situation du monde orthodoxe en Ukraine: une partie prend ses distances vis à vis de Moscou pour se rapprocher de Constantinople et sans doute l'Église catholique qui certes ne se mêle pas des questions orthodoxes -et ça c'est très important- joue un rôle positif d'un point de vue spirituel, théologique, un rôle également de médiation pour encourager des évolutions heureuses de ce monde orthodoxe.

Après si on regarde aujourd'hui la bande de Gaza par exemple, il est certain qu’entre la paroisse orthodoxe qui a été durement touchée par des obus, l'hôpital protestant, la paroisse catholique, de toute évidence, les liens ont été resserrés, mais ils étaient étroits depuis longtemps.

Tout comme en Syrie, il est clair que toute l'Église catholique a prié pour deux évêques orthodoxes enlevés et tués par les islamistes. Elle a prié pour leur libération puis pour leurs familles et leurs communautés. Donc, oui, il y a certainement des liens resserrés devant les difficultés, ce qui malheureusement n'a pas fonctionné lors de la chute de l'Union soviétique. Qu'ils soient orthodoxes ou catholiques, les chrétiens qui furent tous victimes de persécution ne se sont pas rapproché alors. La chute de l’URSS n'a pas favorisé l'œcuménisme. Vous savez, il y a l'œcuménisme du sang, et puis après ça, il y a le travail des appareils ecclésiastiques, et ça n'a pas toujours fonctionné harmonieusement. Il y a aussi, pour les pays d'Europe de l'Est, le fait que pendant la période communiste, les Églises catholiques ont été rayées de la carte et que parfois les comités orthodoxes qui avaient bénéficié de confiscation des églises catholiques et ne les rendent pas les biens. Les relations peuvent demeurer difficile en Europe de l'Est. Mais au Proche-Orient, il me semble que cela fonctionne mieux.

Quel peut être le rôle des Églises orientales dans le dialogue œcuménique? Ce n’était pas certes l'objet du décret Orientalium Ecclesiarium issu de Vatican II, mais il me semble qu’à ce moment-là, on espérait que l’apport des Églises orientales crée pour les orthodoxes l'idée d'un climat viable en vue de l'unité…

Cela suppose qu'il y a un dépassement de ce soupçon de traîtrise que parfois l'orthodoxie peut porter sur des communautés catholiques orientales, mais aussi parfois le constat que les églises catholiques orientales seraient elles-mêmes un frein à l'œcuménisme.

Si on veut l'unité, le fait qu'il y ait dans l'Église catholique ces communautés qui apportent leur expérience orientale, leurs traditions, leur patristique, leur théologie, leur liturgie, doit être perçu comme un chemin d'unité, comme une pierre d'attente vers l'unité. Mais pour le moment, dans le dialogue œcuménique, c'est vrai qu'il n'y a pas beaucoup de choses qui sont réalisées et parfois le dialogue œcuménique entre les réalités orientales et l'Église latine est souvent le fait de religieux latins, dominicains, jésuites ou autres.

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25 janvier 2024, 16:45