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Le cardinal Fridolin Ambongo, au cours du point de presse du 7 octobre 2023, dans la Salle de Presse du Saint-Siège Le cardinal Fridolin Ambongo, au cours du point de presse du 7 octobre 2023, dans la Salle de Presse du Saint-Siège 

Cardinal Ambongo: la synodalité est une nouvelle manière d’être Église

La synodalité est une «réflexion sur une nouvelle manière d’être Église», sans rien laisser de côté de ce qui est essentiel à la foi catholique. C’est une manière de se mettre ensemble à l’écoute de l’Esprit Saint et des uns des autres, afin de savoir comment mieux aborder les défis pastoraux et sociaux. Le Synode sur la Synodalité portera à la conversion, a déclaré le cardinal Fridolin Ambongo, dans un entretien accordé à Vatican News.

Entretien réalisé par Stanislas Kambashi, SJ - Cité du Vatican

Au terme des travaux du synode, le cardinal Ambongo, qui a participé à l’assemblée synodale comme président du Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), a accordé un entretien à Radio Vatican – Vatican News. Le cardinal a tout d’abord exprimé sa satisfaction de cette expérience synodale. Il s’est ensuite prononcé sur le rapport de synthèse final, sur ce que ce synode apporte à l’Église, sur la participation de l’Afrique et sur la restitution dans les Églises locales de la part des délégués. Nous vous proposons l’intégralité de cet entretien.

Comment pouvez-vous décrire votre expérience, au terme de ce synode?

Au terme de ce synode, c’est d'abord un sentiment de gratitude au Seigneur qui m'a fait vivre une expérience exceptionnelle. C'est le quatrième synode auquel je participe, mais je dois dire, ce synode sur la synodalité est exceptionnel.

En quoi est-il exceptionnel?

Exceptionnel d’abord dans sa composition, on dit synode des évêques, mais nous n’étions pas que des évêques. Il y a eu de laïcs, il y a eu des femmes, des jeunes, des délégués des Églises sœurs, et ça a créé un climat inhabituel. Un autre fait est que nous étions deux fois plus nombreux que d’habitude. Au lieu de nous réunir dans la nouvelle salle du synode, nous avons tenu nos assises dans la Salle Paul VI. Mais je dois dire que ce qui a caractérisé le plus ce synode, c’est la méthode utilisée, la méthode de la conversation dans l’Esprit, des rencontres, des échanges jalonnés de moments de prière, de moments de méditation, de silence, ce qui n'a jamais été le cas avant. Et ça nous a mis vraiment en condition de nous mettre à l'écoute de l'Esprit Saint tout en étant aussi à l'écoute de l'écoute des autres.

Vous avez activement participé à cette assemblée synodale. Qu’est-ce que ce synode apporte de nouveau à l’Église ou pourra apporter à la vie de l’Église?

Ce synode, d'après mon analyse, ouvre des perspectives nouvelles à notre Église. C'est un synode, comme le nom le dit, sur la synodalité. Cela signifie que l'Église a pris conscience qu'il faut changer quelque chose dans sa manière d'être. Et le synode sur la synodalité, c'est comment chercher ensemble, comment nous mettre à l'écoute de l'Esprit Saint aujourd'hui pour être une Église différente, tout en conservant l'essentiel de ce qui fait qu’elle soit Église; c'est à dire, comment chercher ensemble comment nous tenir main dans la main et marcher ensemble guidés par l'Esprit Saint, pour être une Église différente, une Église qui ne laisse personne au bord de la route, mais qui aborde les grands défis pastoraux qui se présentent, qui est à l'écoute les uns des autres et à l'écoute de l'Esprit Saint. Ce genre de synode nous mènera nécessairement à une conversion individuelle, mais aussi à une conversion collective en tant qu’Église. Ce synode changera radicalement la manière de faire et la manière d'être de l'Église.

Vous êtes l’un des rédacteurs du rapport de synthèse, première étape vers une éventuelle exhortation post-synodale. Quelle valeur, quelle importance doit-on accorder à ce texte? Est-ce seulement un texte qui doit accompagner l’Église jusqu’à la prochaine session, celle d’octobre 2024?

Le rapport de synthèse que nous venons d’adopter a deux destinataires. Le premier, c'est le peuple de Dieu qui nous a vu nous enfermés à Rome, au Vatican pendant un mois. Il a le droit de savoir ce que nous avons fait, de quoi nous avons parlé, quel est le fruit de cette rencontre qui a duré si longtemps… Nous avons pris le soin d'informer le peuple de ce qui s'est passé à travers ce contenu. Mais le deuxième destinataire, c'est nous qui avons participé à la première session du Synode. Ce document va nous aider à bien passer cette période, à partir de maintenant, jusqu'en octobre 2024, à nous préparer à la deuxième session. Cependant, ce document a un caractère transitoire. Ce n'est pas encore le document final du synode, parce qu'il y a encore la deuxième session, mais c'est un document à caractère transitoire pour nous aider à vivre cette période transitoire, pour nous aider à mieux informer le peuple de Dieu de ce qui s'est passé et avec l’espoir aussi qu'au retour, pour la deuxième session, nous revenions avec des éléments nouveaux pour enrichir les réflexions.

Pensez-vous que le synode a traité toutes les questions qui étaient prévues ou certaines questions n’ont pas pu être abordées?

Je voudrais être clair sur cette question. Ce synode avait un objectif: c'est un synode sur la synodalité, comme dans le passé il y a eu des synodes sur les jeunes, sur la famille, etc.

Ce synode, c’est… comment réfléchir devant Dieu dans la prière, être à l'écoute de l'Esprit Saint, être à l'écoute de mes frères et sœurs, pour réfléchir sur la nouvelle manière d'être Église, une Église à l'écoute, une Église qui ne laisse personne au bord du chemin, mais une Église qui avance vers le Royaume de Dieu, qui est le thème central de la prédication de Jésus. Donc, en venant à ce synode, l'intention n'était pas de traiter de tel ou tel problème. L'intention principale, l'objectif principal du synode, c'est comment devenir ensemble une nouvelle Église, acquérir une nouvelle manière d'être Église; et ce, dans notre manière d'être, dans nos structures de de fonctionnement, dans nos structures de collaboration. Comment nous pouvons apprendre à être cette Église ouverte à tous, mais qui ne laisse rien de l'essentiel de la foi de l'Église catholique. C’est donc dans la perspective de la réflexion sur notre nouvelle manière d'être Église. Chacun des participants a parlé des points qui les préoccupaient, des défis pastoraux. Nous avons abordé beaucoup de questions, mais ce ne sont pas ces questions qui étaient au centre de notre réflexion. Voilà pourquoi dans le document, le rapport de synthèse, nous abordons les questions en trois points. D'abord, pour chaque défi pastoral, nous voyons le point de convergence qui émergeait dans la salle. Ensuite, des points à approfondir. Ça signifie que le Synode laisse le sujet ouvert parce qu'il y a encore la deuxième phase. La troisième partie, c'est toujours quelques propositions pour nous aider à avancer sur la voie de la synodalité. Pour chaque thème traité, il y a cette cadence: les convergences, les questions restées ouvertes, ce qui reste à faire. Et des propositions éventuelles.

Le synode a réuni les participants de l'Église universelle. Chacun a apporté certainement sa contribution. Quelle était, selon vous, la contribution de l'Église d'Afrique?

L'Église d'Afrique a apporté une contribution substantielle, peut-être pas à la manière que souhaitent les journalistes quand ils nous posent la question en disant qu’on n'a pas entendu la voix de l'Église d'Afrique. Non, nous ne sommes pas venus à ce synode avec l'esprit des revendications, l'esprit parlementaire, comme le Pape avait souligné d'ailleurs au début. Nous ne sommes pas des parlementaires d'Afrique venus à une assemblée pour porter la voix de l'Afrique. Nous sommes fils et filles de l'Église universelle, mais nous vivons des défis pastoraux qui nous sont parfois propres ou des défis différemment vécus ailleurs, avec une accentuation particulière pour l'Afrique et ce sont ces défis que nous avons apportés.

Pendant le synode, nous avons essayé de faire entendre quelques-uns des défis, notamment la misère de notre peuple. Le continent africain, c'est le continent où il y a beaucoup de malheureux, de pauvres, et la conséquence est que les jeunes ne rêvent que de partir ailleurs, parce que la vie devient impossible en Afrique.
Il y a le défi du changement climatique. L'Afrique, c'est le continent qui pollue le moins, mais qui souffre davantage des conséquences des changements climatiques. Il y a le défi de la mauvaise gestion de nos pays, avec les coups d'État, avec des chefs politiques qui ne pensent qu'à leur enrichissement personnel, etc. Donc nous avons essayé de partager ces soucis avec nos frères et sœurs venus d'autres continents pour que, dans l’esprit de la synodalité, nous puissions chercher ensemble comment aider aussi ce continent à sortir de sa misère.

On peut donc dire que la voix de l'Afrique s’est faite entendre dans la salle du Synode.

Certainement. Nous étions une délégation de plus de soixante personnes et nous avons parlé, nous avons assumé notre rôle. Mais je le redis encore, non pas avec l'intention de nous distinguer des autres. Non, nous avons abordé toutes ces questions, même si ce sont des questions propres à l'Afrique et nous avons même évoqué la question de la polygamie et d’autres qui sont propres à l'Afrique, mais dans un esprit de synodalité.

Que peut attendre l’Église d'Afrique de ce synode? Vous avez apporté sa voix et en retour, au niveau local, au niveau des églises particulières, des sociétés africaines que peuvent attendre les africains?

D'abord, reconnaissons que le synode n'est pas encore terminé. Nous terminons maintenant la première session. Voilà pourquoi le document qui est sorti de cette session est un document transitoire. L'année prochaine, au mois d'octobre, nous reviendrons pour la deuxième session. C'est alors que le Pape sortira une exhortation post-synodale, et c'est ce document qui fera autorité. En attendant, de retour dans nos pays, dans nos églises, il est recommandé à tous ceux qui ont participé à ce synode de se considérer d'abord comme des missionnaires pour aller rendre compte, aller restituer l'expérience synodale, cette expérience de communion, de fraternité que nous avons vécue ensemble pendant un mois pour la partager avec nos frères et sœurs. Donc je rentre à Kinshasa, et je vais d’abord restituer ce que nous avons vécu et essayer de convaincre les autres à venir vivre la même expérience avec nous. Cette joie, ce bonheur de vivre en frères et sœurs comme membres d'une même famille, la grande famille des enfants de Dieu. Donc, ce que nous allons partager avec le peuple en retour, c'est d'abord notre propre expérience; et ensuite, partager le contenu du rapport de synthèse.

Avez-vous pensé à une méthode de restitution ou bien cela se fera au cours des homélies seulement? Y aura-t-il aura d’autres cadres pour cette restitution?

Nous avons pensé à une méthode de restitution, parce que comme vous pouvez vous en rendre compte, ce ne sont pas tous les diocèses d’Afrique qui ont été représentés à ce synode. Pour la République Démocratique du Congo où il y a quarante-huit diocèses, nous ne sommes que trois évêques. Donc, la restitution, d'abord pour moi en tant qu'archevêque de Kinshasa, elle se fera au niveau de mon diocèse. Et la phase suivante, c'est au niveau national. Nous allons nous retrouver en tant qu’évêques du Congo dans le cadre de la Cenco pour réfléchir sur le document, du rapport de synthèse, mais aussi pour partager notre expérience de la synodalité pendant notre séjour à Rome avec nos confrères dans l'épiscopat. Et je crois qu'à l'issue de cette rencontre, l'épiscopat congolais donnera quelques indications à l'ensemble de l'Église du Congo pour la réception du document. Et aussi pour la meilleure compréhension et des orientations pour concrétiser les éléments qui sont déjà disponibles dans ce document. Au-delà du niveau national, il y a aussi le niveau continental. Nous avons déjà prévu pour la troisième semaine après pâques de l'année prochaine, au mois d’avril, une rencontre au niveau continental avec tous ceux qui ont participé à ce synode, et éventuellement des nouveaux membres. Si le Saint Père voudra ajouter d'autres nouveaux membres, nous allons tous les inviter pour qu'au niveau continental nous puissions mettre ensemble notre expérience et aussi nos espérances, nos propositions pour la deuxième phase qui se tiendra ici à Rome en 2024.

Un dernier mot?

Je suis satisfait d’avoir participé à cette expérience. Et c'est plein de joie et de gratitude que je retourne dans mon diocèse après avoir fait cette expérience qui pour moi est une expérience nouvelle, expérience d'une Église qui marche ensemble,
qui se soucie de tous ces fils et filles, une Église qui se met à l'écoute des uns des autres, mais qui se met principalement à l'écoute de l'Esprit Saint.

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29 octobre 2023, 17:11