«Plus jamais», les expériences vécues des migrants et des réfugiés au désert du Sahara

Albertine Solohery - Cité du Vatican avec Fides

À l’occasion de la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, le Père Mauro Armanino, prêtre de la Société des Missions Africaines de Niamey, a partagé ses points de vue sur la situation des migrants et des réfugiés à partir du rapport sur les disparus de la «guerre sale» en Argentine dans les années 1970 qui s'intitulait «plus jamais ça». Selon lui, le document en question mettait en évidence les noms des victimes, le système organisé d'emprisonnement, le type de torture infligé aux «dissidents» du régime militaire qui avait pris le pouvoir dans le pays. Le père Armanino a précisé que des milliers de personnes «disparues» de leur domicile, de leur travail, de la rue, de l'école ou de l'université ont trouvé dans ce rapport un écho final et définitif. Le titre «plus jamais ça» a été choisi pour affirmer solennellement que ce qui s'était passé ne devait plus jamais se reproduire à l'avenir.

Le nombre des disparus ne cessent d’augmenter

Le père Mauro Armanino constate que les disparus continuent de perpétuer les listes aux frontières où la mobilité humaine semble incompatible avec la marche de la mondialisation.  Il observe que l'argent, les marchandises, les footballeurs, les diplomates, les touristes et les commerçants «peuvent voyager et circuler librement et joyeusement». Il regrette que «ceux qui sont nés "du mauvais côté", comme le rappelait une vieille chanson de Jean Jacques Goldman, sont automatiquement destinés à disparaître et, si possible, sans laisser des traces».

Le père Armanino déplore que «depuis des années, nous assistons à des disparitions quotidiennes de migrants dans le désert de sable et le désert de mer». Pour lui, il n'y a pas de solution de continuité entre les deux déserts parce que le premier, l'«original», est au centre du système lui-même, créé pour exclure ceux qui ne sont pas nés «du bon côté» du monde. Il a remarqué qu’«une sorte de complicité s'est créée entre les processus d'externalisation des frontières européennes et les politiques des pays du Maghreb».

Situation déplorable des migrants et des réfugiés dans le désert 

Le père Armanino a expliqué que les contrôles aux frontières, les expulsions et les reconduites à la frontière plus loin, en plein désert vers le pays frontalier, se sont multipliés ces dernières années «grâce aux politiques communes de collaboration en matière de gestion des migrations». Les disparus reviennent parfois et racontent ce qui s'est passé dans la tranchée qui sépare l'Algérie du Maroc, à Oujda, et les filets métalliques installés à Ceuta et Melilla, les «enclaves» espagnoles au Maroc, et surtout les formes quotidiennes de mort sociale auxquelles sont destinés les migrants subsahariens. «Leurs noms et leurs histoires ne nous parviennent que lorsqu'ils trouvent un regard et une oreille libres qui «humanisent» ce qui a été systématiquement trahi au cours du voyage entrepris», a ajouté le père Armanino.

«Plus jamais ça»

«Plus jamais ça», écrivent ceux qui ont souffert et souffrent à cause de ce qu'ils sont et de ce qu'ils cherchent. Le père Armanino perçoit que le système semble incapable d'interpréter ce que la mobilité humaine apporte et implique comme une nouveauté radicale de vie et de pensée. «Les migrants arrivent du désert les mains nues et le cœur plein d'attentes et d'espoirs d'un monde différent», a-t-il évoqué. Ils font tout ce qu'ils peuvent pour ne pas disparaître dans les fonds fiduciaires confiés aux grandes ONG qui financent des projets de développement qui devraient toucher les racines profondes des causes de la migration.

En outre, le père Armanino a souligné qu’il y a les politiques des autorités du Maroc, de l'Algérie, de la Tunisie, sans oublier l'enfer libyen (financé pour exister et se reproduire), qui «prennent les migrants en otage pour négocier des contrats, de la géopolitique et surtout des gains financiers extraordinaires». «Plus jamais ça», écrivent les «exodes» et les aventurières de cet autre monde qui n'arrive pas à faire naître un nouveau monde.