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Un homme marche dans un camp abritant des personnes déplacées du nord du Burkina Faso à Dori, le 3 février 2020. 600 000 personnes déplacées ont fui les récentes attaques dans le nord du Burkina Faso. Un homme marche dans un camp abritant des personnes déplacées du nord du Burkina Faso à Dori, le 3 février 2020. 600 000 personnes déplacées ont fui les récentes attaques dans le nord du Burkina Faso.  (AFP or licensors) Les dossiers de Radio Vatican

Burkina Faso: Mgr Dabiré invite les autorités à garantir la liberté religieuse

Selon un rapport de l’AED (Aide à l’Église en détresse), publié ce 22 juin, la liberté religieuse a été violée dans 61 pays sur 196 étudiés. L’Afrique reste le continent le plus touché par ces violations où des groupes armés djihadistes perpétuent dans certains pays, comme le Burkina Faso, des massacres, des enlèvements et des pillages. Mgr Laurent Dabiré, président de la Conférence des Évêques du Burkina-Niger, témoigne de la situation dans son pays où l’Église est prise pour cible.

Entretien réalisé par Myriam Sandouno – Cité du Vatican

Des citoyens sont confrontés à de «graves violations» de la liberté religieuse dans 61 pays, dans 28 d'entre eux, ils ont subi des persécutions, comme l’indique la 16ème édition du rapport récent de l’AED. 13 de ces pays victimes de persécutions se trouvent sur le continent africain. Des groupes armés et des djihadistes s’adonnent à des massacres, pillages et enlèvements au Nigeria, au Burkina Faso, au Mali, au Tchad, ou encore au Niger. Dans ce contexte d’insécurité, les chrétiens sont également visés par les attaques.

Au Burkina Faso, «la survenue et la montée du terrorisme ont été une surprise pour l’Église, un choc», confie Mgr Laurent Dabiré, président de la Conférence des Évêques du Burkina-Niger et évêque de Dori, soulignant que l’Église «a essayé de s’adapter à cette situation, partout où elle a commencé à être été touchée, notamment au Sahel, dans le diocèse de Dori, puis dans le diocèse de Ouahigouya au Nord, et ensuite dans le diocèse de Fada N’Gourma à l’est du pays». Et après, ajoute-t-il, «c’était un peu tout le pays». Le terrorisme est une «menace grave à la liberté religieuse par la violence qu’elle exerce, elle empêche les gens de vivre et de pratiquer aussi leur religion», déplore Mgr Dabiré.

La menace de liberté religieuse par des groupes extrémistes ne concerne t-elle que des chrétiens, ou les confessions religieuses de tout bord?

La menace sur la liberté religieuse n’est pas une menace directe ni exclusive contre les chrétiens. Les extrémistes sont contre tous ceux qui ne partagent pas leur idéologie, même les musulmans modérés sont concernés par cela. Et donc les chrétiens se trouvent en difficulté dans un tel contexte où l'État ne peut pas assurer la sécurité des citoyens, des groupes aussi spécifiques qui sont exposés du fait qu’elles sont d’une autre religion, ou en tout cas promeuvent d’autres valeurs que ceux qui tentent de s’emparer du territoire, et puis de réorganiser la société à leur guise.

Est-ce que le sentiment d’indifférence ou le mépris envers la religion de l’autre n’occasionne pas un certain repli communautaire qui a des répercussions sur la liberté religieuse?

L’apparition de l’extrémisme violent a pu prendre pied en raison d’un repli identitaire de type religieux. Et le repli entraîne le rejet qui finalement renvoie chacun dans son camp; et la liberté religieuse se détériore parce qu’il n y a plus l’acceptation, que chacun puisse pratiquer sereinement et librement sa religion. Chaque fois qu’il y a repli quelque part, le regard change sur les autres, et l’espace de la liberté religieuse diminue.

Avant le terrorisme, le climat qui prévalait était celui de la tolérance, du respect mutuel, de la solidarité, interconfessionnels. On participait aux événements religieux les uns des autres, sans qu’il y ait un problème particulier sur le point de la différence religieuse. Mais, le terrorisme a fait apparaitre brusquement une distanciation, un accent mis sur les différences comme pour dire qu’il ne faut plus vivre ensemble, une idéologie, ou une religion prédomine; c’est devenu préoccupant, puisque le Burkina Faso a toujours été une terre plurireligieuse. On a perdu si vous voulez l’équilibre qu’il y avait par le passé, pour entrer dans une société où les différences sont basées sur la religion, là où ces différences-là sont affirmées de façon violente. Cela a donné l’extrémisme violent avec le terrorisme, et les attaques qui s’en sont suivis.

Quelles sont les mesures prises par l’Église aujourd’hui au Burkina Faso pour réduire le risque d’atteinte à cette liberté en cette période moins sereine?

Les mesures sont pour la plupart des mesures internes, par une autre manière de vivre le culte qui consiste à gérer les horaires, à limiter les déplacements, les regroupements, à prendre des mesures sécuritaires: telles que les assemblées surveillées par des forces de l’ordre et de défense; il y a aussi l’appel des responsables de l’Église à tous les prêtres, les curés, à un langage qui ne soit pas méprisant, provocateur envers les autres religions, mais toujours respectueux. Il y a aussi l’interpellation des autorités pour qu’elles prennent des mesures nécessaires afin de garantir la liberté religieuse à tous, faisant en sorte que l’État est soit toujours un État laïc, et qu’on tire toutes les conséquences de sa laïcité au profit des populations. Mais aussi, que cette laïcité ne ferme pas la porte à une collaboration légitime entre Religion et État au bénéfice des citoyens qui sont aussi des fidèles.

Entretien avec Mgr Dabiré

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22 juin 2023, 16:41