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Mgr Paolo Pezzi, l'archevêque métropolitain de Moscou. Mgr Paolo Pezzi, l'archevêque métropolitain de Moscou. 

Pour Mgr Pezzi, le pardon est la contribution des catholiques à la paix

L'archevêque de Moscou partage ses impressions et ses espoirs sur l'Assemblée synodale de Prague, à laquelle il apporte l'expérience de la synodalité en Russie. Il revient aussi sur l'impact du conflit ukrainien sur la population russe.

Antonella Palermo - Prague

«Je dois dire que, sans vouloir être présomptueux, en Russie, nous avons quelque peu anticipé la synodalité. Depuis plusieurs années, d'un point de vue méthodologique, nous tenons des assemblées biennales avec cet esprit synodal, c'est-à-dire sans trop de souci de résultat - ce qui a été le cas - mais plutôt avec le souci, à travers un parcours, d'approfondir notre foi et aussi de trouver les meilleurs chemins pour une mission non seulement efficace mais aussi affective». C'est ainsi que les catholiques russes vivent la dimension de la synodalité, comme l'explique à Vatican News Mgr Paolo Pezzi, archevêque de Moscou et président des évêques catholiques russes. Le prélat fait partie des participants à l'Assemblée continentale européenne qui se tient actuellement à Prague. Il y fait entendre la voix de la communauté des fidèles dans ce pays engagé dans la guerre contre l'Ukraine depuis un an.

 

Qu'est-ce qui vous a le plus impressionné lors des échanges ici à Prague, en particulier dans le travail de groupe et quelle a été votre contribution ?

Trois moments en particulier m'ont frappé. La première était la valorisation des charismes. Personnellement, je pense que les charismes, étant par nature au service de la communion, doivent être redécouverts et mieux soutenus par l'institution, précisément en raison de la grande contribution qu'ils peuvent apporter à l'unité, qui n'est pas l'uniformité, mais qui est riche, créative, un peu comme l'action de l'Esprit dans l'Église. Puis j'ai été frappé par l'appel à un retour, à un centrage, sur le Christ. Il m'a semblé très approprié de souligner que le Synode n'est pas une marche ensemble, mais une marche ensemble dans le Christ et avec le Christ. Sinon, même un voyage à la montagne pourrait être confondu avec un synode. Le troisième aspect, je dirais peut-être un peu plus négatif, est une certaine dérive sociologique, c'est-à-dire le risque de concevoir ce parcours synodal en termes plus sociologiques que pastoraux et, pourquoi pas, même théologiques. Ma contribution portait sur deux éléments. Celle d'une redécouverte du pardon, non seulement comme médicament mais aussi comme possibilité de construire de nouvelles relations. Surtout, nous l'avons découvert pendant la période de la pandémie où la solitude a également provoqué une distance et je dirais presque une aversion pour certaines relations. Par exemple, dans certaines familles, la cohabitation prolongée pendant des heures, des jours, des semaines, des mois a fait apparaître des difficultés de dialogue, de relation.

Et après le 24 février de l'année dernière, quelle situation est apparue?

Dans les communautés, dans les familles, mais aussi dans le cœur des gens eux-mêmes, une réelle difficulté de compréhension s'est créée - aussi parce que nous avons des fidèles d'origine russe, mais aussi d'origine ukrainienne, bélarusse, lituanienne, et ne parlons pas de ceux d'origine polonaise et allemande - eh bien, ces racines sont ressorties d'une manière que je dirais complexe. Et cela nous a fait découvrir ou redécouvrir positivement le pardon comme la contribution que nous, catholiques, pouvons apporter et que personne d'autre ne peut apporter à la paix. Deuxièmement, j'ai souligné la nécessité d'aborder, et de tenter de résoudre, les difficultés liées aux abus au sens large au sein de la communion de l'Église. Une chose que nous avons remarquée récemment lors d'un symposium, c'est que, surtout parmi les criminels - disons - de ces abus, que l'on retrouve beaucoup dans les familles, les sociétés et, bien sûr, aussi dans les communautés, il y a néanmoins un besoin de rédemption et de pardon. Cela nous a fait penser à l'hypothèse de commencer par quelques psychiatres, sexologues catholiques, centres d'écoute et d'accueil pour les éventuels criminels. Parce qu'il est difficile, après avoir commis certains crimes, d'avoir la force psychique de guérir. Il est donc nécessaire d'intervenir le plus tôt possible, c'est-à-dire lorsqu'il ne s'agit que d'une orientation. On peut faire un très bon travail, ou, malheureusement, quand ils sont arrivés, essayer de les aider à savoir comment vivre avec ces crimes graves, parce qu'il faut le dire. Cela est beaucoup plus efficace si cela se fait au sein d'une communion et pas seulement sous forme de rapports médicaux individuels.

Comment la communauté catholique vit-elle cette année de guerre ?

Le premier impact a été celui de la perplexité, de l'incapacité à accepter ce conflit. Cela s'est ensuite transformé en ressentiment, voire en haine mutuelle qui n'avait pas grand-chose à voir avec la communauté catholique des fidèles. Je peux aussi vous dire que j'ai été confronté à des catholiques ukrainiens qui pensent que c'est la moins pire des solutions et en tout cas la plus inévitable. Tout comme j'ai été confronté à des catholiques russes qui ne peuvent tout simplement pas l'accepter et ne peuvent pas faire la paix avec cela. D'où parfois une haine, ou en tout cas un ressentiment, une aversion qui dégénère et devient la non-acceptation de l'autre tout court, quel qu'il soit, dans la famille, au travail, la non-acceptation finalement de soi-même. Nous avons rendu un bon service à travers les confessions et je dois dire qu'il y a eu beaucoup de personnes qui, surtout pendant le Carême et ensuite pendant l'Avent, se sont approchées du sacrement de la confession. J'ai également eu des histoires très émouvantes de personnes qui n'étaient pas allées se confesser pendant des décennies et qui, précisément à cause de cette incapacité à soutenir et à endiguer le mal qu'elles ressentaient à l'intérieur, ont trouvé la force de s'approcher du sacrement. Je dois dire que j'ai vraiment eu des confessions très émouvantes.

La relation entre la synodalité et l'œcuménisme a été soulignée ici à Prague ces derniers jours. C'est une question cruciale pour les Églises. En Russie, quelles sont les marges de manœuvre pour qu'elle se réalise pleinement ?

Je dirais que nous devons tout d'abord redécouvrir que la communion est en soi missionnaire, c'est-à-dire attractive. Et la communion n'est pas un concept abstrait, mais ce sont des relations entre des personnes concrètes et des relations basées sur la charité. Je dis cela parce que parfois nous considérons l'œcuménisme comme un slogan ou comme une théorie qui nous conduira plus ou moins - peut-être même avec de bonnes initiatives - quand Dieu le voudra, à l'unité. Alors que c’est la perception qu'il y a en Christ une communion qui rend ouvert, et qui surtout, ne fixe pas de limites ou de conditions. La seule chose qu'elle cherche à faire est de répandre, œcuméniquement en fait, la charité tendanciellement au monde entier en partant précisément de ceux qui, par l'histoire - donc les chrétiens - sont les plus proches par vocation. En ligne de principe au moins, on peut dire que tout chrétien a rencontré le Christ, ou au moins reçu le baptême, qui à quelques exceptions près est le même dans toutes les dénominations chrétiennes. Il s'agit donc, par exemple, d'un point à redécouvrir. Ce processus synodal met notamment l'accent sur la redécouverte du baptême comme principe missionnaire et donc aussi œcuménique de communion.

Mgr Pezzi, quand la guerre prendra-t-elle fin ?

C'est difficile à dire, très difficile en tout cas pour moi. Parce que je pense que pour que cela se produise, pour que ce conflit prenne fin - comme d'ailleurs tout conflit - il faut qu'il y ait une initiative qui, disons, se lève, qui soit plus élevée que le champ de bataille. Métaphoriquement parlant, cela demande à quelqu'un d'avoir l'humilité et la certitude qu'il ne perdra rien s'il offre et accepte le pardon et s'il se met autour de la table sans conditions préalables.

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10 février 2023, 13:32