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Le cardinal Jean Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg. Le cardinal Jean Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg.  

Cardinal Jean-Claude Hollerich, de la Comece au synode

En mars 2023, le cardinal Jean Claude Hollerich quittera la présidence de la Commission des conférences épiscopales de l’Union européenne au terme d’un mandat de cinq ans. Nommé rapporteur du synode des évêques, le cardinal se consacrera entièrement à ses nouvelles fonctions.

Entretien réalisé par Jean-Charles Putzolu - Cité du Vatican

Entretien avec le cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg

Vous avez présidé la Comece ces cinq dernières années et avez fait le choix de ne pas vous représenter en 2023. Dans quel état d'esprit achevez-vous ce mandat?

je rends grâce à Dieu, à tous mes collègues, d'avoir pu servir en Europe pour un monde un peu plus juste, pour un peu plus de paix. Je pense que nos buts ne doivent pas être trop hauts, autrement nous sommes déçus. Mais nous pouvons faire quelque chose. Nous l'avons fait. Je voudrais remercier tous mes compagnons évêques qui ont travaillé ensemble, dans un esprit de collégialité. Et puis on a le Saint-Père qui aime l'Europe; un Pape qui connaît bien les mécanismes de l'Union européenne, qui a une haute opinion de l'Union européenne parce qu'il y voit un facteur de paix. Et maintenant, avec la guerre qui est revenue en Europe, il faut que l'Union européenne puisse de nouveau jouer un rôle de paix, pas seulement dans le monde, mais en Europe même.

Cette guerre se situe sur un territoire aux confins de l'Union. Ceci dit, le Pape François n'hésite pas à parler de guerre mondiale. En quoi aujourd'hui, précisément, l'Europe est engagée dans cette guerre?

Je comprends le Saint-Père quand il parle de guerre mondiale, parce qu'il y a beaucoup de conflits qui sont tous liés d'une certaine manière, et nous voyons les mêmes qu’hier: l'Union soviétique d’un côté, les États-Unis de l'autre… Maintenant, c'est en Europe, ce grand pays qu’est l'Ukraine. Mais on peut avoir peur pour d'autres pays, par exemple le conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan qui peut éclater à chaque moment. Donc, il faut avoir un grand engagement pour la paix. Et l'Union européenne ne peut pas prospérer s'il y a une guerre en Europe, parce qu'une économie ne peut se fonder seulement sur le commerce des armes.

Quelles perspectives envisagez-vous pour l'Ukraine, quel rôle peut jouer la Comece?

Je pense que la Comece ne peut agir seule, mais nous agissons ensemble avec la CEC qui regroupe les autres Églises chrétiennes en Europe, les Églises orthodoxes, protestantes et anglicanes. Nous avons une collaboration très étroite aussi concernant l'Ukraine, parce que l'orthodoxie est touchée et nous devons tout faire pour arriver à un cessez-le-feu, pour arriver à la paix. Il faut justement établir une harmonie. Il faut en venir à une réconciliation car autrement on aura une inimitié qui perdure et qui pourra engendrer de nouvelles guerres. Il faut un vrai engagement pour la paix. Je pense que nous, comme chrétiens, avons le devoir sacré, de promouvoir une telle paix.

Cette guerre n'est-elle pas l'exemple d'une polarisation dans laquelle verse le monde, polarisation à tous les niveaux, politique, économique et même au sein des religions, si l’on observe les positions éloignées, notamment entre le Patriarcat de Moscou et le Saint-Siège dans cette guerre. Dans ce contexte, le dialogue semble de plus en plus difficile…

Et pourtant de plus en plus nécessaire. Parce qu'un monde polarisé, des opinions polarisées, ne donne jamais la vérité de la situation. Un entre-deux est nécessaire et de même qu'un dialogue pour en venir à une vérité humaine. Si nous avons des vérités inhumaines, cela ne nous aide nullement. Cela vaut aussi pour le dialogue interreligieux, œcuménique ou intra-catholique. 

Vous êtes rapporteur du synode sur la synodalité. Participation, communion, mission, sont au cœur de la démarche d'aller ensemble vers le dialogue et l'écoute. L'Église est-elle en train de donner l'exemple?

Marcher ensemble, l'une des expressions favorites du Pape. Marcher ensemble, car nous sommes une Église, nous avons le même Seigneur, le même Esprit Saint qui nous pousse, mais je ne pense pas que l'on puisse aplanir toutes les tensions. Les tensions sont là et resteront. Seulement, comment agir avec ces tensions? Est-ce que nous voulons que ces tensions nous séparent ou est-ce que nous acceptons que ces tensions nous fassent réfléchir et que par un vrai dialogue, ces tensions nous permettent d'entrer dans un processus de réflexion, d'écoute pour arriver à quelque chose de nouveau. Nous avons dans le document préparatoire sur le Synode cette belle image de la tente qu'il faut élargir pour que tous puissent y trouver un chez soi. Dans cette tente à élargir, il y a des tensions. Mais sans tension, la tente tombe, s'écroule. Les tensions sont donc nécessaires. C'est une image, une manière de voir les tensions, non comme facteur de division, mais de progression.

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30 décembre 2022, 07:30