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Mgr Virgilio Do Carmo da Silva (à droite) Mgr Virgilio Do Carmo da Silva (à droite) 

Timor oriental: un premier cardinal pour la seconde nation catholique d’Asie

Entretien avec Mgr Virgilio do Carmo da Silva, archevêque de Díli, qui deviendra le premier cardinal du Timor oriental le 27 août prochain à l’occasion du consistoire célébré par le Pape François.

Entretien réalisé par Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican

Nommé cardinal le 29 mai dernier, Mgr Virgilio do Carmo da Silva, 54 ans, recevra bientôt la barrette cardinalice à Rome, après avoir parcouru les 12.500 km qui séparent Díli, la capitale timoraise dont il est l’archevêque, de la Ville éternelle.

La petite nation insulaire d'Asie du Sud-Est est à grande majorité catholique. L’archevêque salésien revient sur son parcours personnel et sur les caractéristiques de l’Église dans son pays.


Que faisiez-vous lorsque vous avez appris que le Pape François vous avait nommé cardinal? Qu'est-ce qui, à votre avis, a motivé cette nomination?

J'étais avec mes frères dans une maison de retraite lorsque le Pape François a fait l'annonce le 29 mai, le dimanche de la fête de l'Ascension, et de façon inattendue, j'ai reçu un appel du représentant du Saint-Siège ici au Timor oriental, avec un "Félicitations !". J'ai dû lui demander pourquoi il me félicitait, et lorsqu'il me l'a dit, inutile de dire que nous sommes immédiatement rentrés à Díli. Ensuite, les appels et les messages des fidèles, du gouvernement et des frères et sœurs religieux n'ont cessé d'affluer.

Pendant la nuit, le sentiment d'indignité me perturbait, toute la nuit, jusqu'à ce que je me réveille pour la messe du matin. Dans mes luttes pour accepter la "volonté de Dieu", j'en suis venu à réaliser que c'est un cadeau que Dieu a fait par l'intermédiaire du Saint-Père, pour le peuple et l'Église du Timor oriental.

L'Église catholique du Timor oriental, qui a récemment fêté ses 500 ans d'existence, et le pays, qui vient de célébrer les 20 ans de son indépendance, le méritent. [Ce n'est] pas pour moi, mais pour le peuple de Dieu ici au Timor oriental. C'est une occasion concrète d'affirmer l'identité de ce petit pays d'Asie du Sud-Est qui compte 96 % de catholiques.

La tradition catholique est un élément fondamental de l'identité nationale du Timor oriental et, comme vous l'avez mentionné, votre pays vient de célébrer le 20e anniversaire de son indépendance. Vous êtes le premier cardinal du Timor oriental. Que signifie pour votre pays la nomination d'un cardinal originaire de l’île?

Cela signifie beaucoup. L'identité catholique dans notre pays est palpable. À titre d'exemple, lors de la célébration du 20e anniversaire de notre indépendance, le Parlement national a adopté le Document sur la fraternité humaine signé par le Pape François et le grand imam [d'Al Azhar] à Abu Dhabi. Je pense que nous sommes peut-être le premier pays asiatique à l'avoir fait. L'adoption du document est révélatrice et affirme l'identité du peuple qui est majoritairement catholique.

La nouvelle de la nomination a suscité une grande joie et une grande fierté chez la plupart des Timorais. Le gouvernement timorais enverra également trois délégations au consistoire.


Vous êtes un prêtre salésien. Comment avez-vous découvert votre vocation au sacerdoce et pourquoi avez-vous choisi de devenir salésien?

L'histoire de ma vocation est très simple car lorsque j'ai terminé l'école primaire, je souhaitais vraiment aller au collège et le seul collège près de chez moi était tenu par les salésiens, pour ceux qui aspirent à être de futurs salésiens. Quand j'ai approché les salésiens, ils ont été si gentils qu'ils ont accepté que je reste et étudie là-bas. J'ai découvert peu à peu ma vocation salésienne, mais aussi sacerdotale.

Le Timor oriental est le deuxième pays le plus catholique de toute l'Asie, après les Philippines. Quels sont les défis pastoraux les plus urgents pour son Église?

L'histoire de l'Église catholique au Timor oriental est unique et a contribué aux défis auxquels nous sommes confrontés. Même si la première évangélisation a commencé avant le 16e siècle et que le processus d'évangélisation a été lent, pendant la guerre civile de 1975 à 1999, le nombre de catholiques a augmenté de façon spectaculaire et rapide en raison de divers facteurs politiques, sociaux et économiques. En 2002, le Timor oriental a retrouvé son indépendance, en tant que jeune pays de l'Asie du Sud-Est et avec une population majoritairement catholique.

La tâche de l'Église catholique au cours de ces deux décennies a été une lutte, car elle s'est efforcée de fournir un bon accompagnement, de consolider et faire mûrir la foi du peuple, dans cette période de transition. Ces années-ci, nous devons aborder la formation et l'éducation à la foi. Il est nécessaire de relever ces défis. Nous devons veiller à ce que les formateurs soient bien qualifiés, en particulier dans les séminaires. Nous devons bien former les laïcs, en particulier les catéchistes et autres volontaires laïcs, afin de nous aider à approfondir la foi des personnes. Les catéchistes doivent avoir une formation solide, et il est important que les différents groupes qui existent dans chaque paroisse, soient responsabilisés. Les cibles de notre apostolat sont surtout les familles, les enfants et les jeunes, priorités de notre pastorale.

L'un des besoins urgents auquel nous devons prêter attention est celui des jeunes qui quittent notre pays à cause de la pauvreté et du chômage. L'Église étudie encore la manière de fournir une assistance à ceux qui sont loin de leur patrie.

Vingt ans après l'indépendance, le Timor-Oriental est toujours en bas des classements internationaux mesurant le développement économique et le bien-être. À votre avis, qu'est-ce qui a freiné le développement de votre pays au cours des vingt dernières années?

Il y a beaucoup de facteurs qui y contribuent, mais le plus signifiant est l'instabilité politique, en particulier pendant les deux décennies qui ont précédé le recouvrement de notre indépendance.  Cette situation ne convainc souvent pas les investisseurs d'investir dans le pays pour des raisons de sécurité. Le Covid-19 a également apporté son lot de crises.


L'Asie est si diversifiée, mais comment décririez-vous sa place unique dans le continent asiatique et en Asie du Sud?

La spécificité du Timor en Asie est que nous parlons d'une île appartenant à deux pays, l'Indonésie et le Timor oriental. Le Timor oriental entretient des relations pacifiques avec son pays voisin, l'Indonésie. En dépit de notre histoire amère dans le passé, nous nous sommes réconciliés, en pardonnant et en oubliant notre passé, et nous bénéficions maintenant d'une bonne relation.

Bien que les catholiques soient majoritaires dans le pays, nous entretenons de bonnes relations avec tout le monde, car nous sommes tous des enfants de ce pays.

Le dernier Pape à s'être rendu au Timor-Oriental était saint Jean-Paul II en 1989, alors que le pays n'était pas encore indépendant. Qu'a signifié cette visite pour les Timorais?

La visite du Pape Jean-Paul II au Timor oriental était unique et très importante pour le peuple du Timor, car il était et est toujours le premier Pape à visiter cette terre. Cette terre est maintenant un nouveau pays. La visite du Pape a donc été l'occasion de montrer au monde entier qu'il existe une communauté de personnes vivant dans ce coin du monde et aspirant à la liberté.

La visite du Pape n'a pas seulement été un moment pour encourager la foi du peuple, mais aussi un moment d'espoir pour les Timorais qui étaient opprimés à l'époque. Les mots du Pape à l'époque - «Vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde» - résonnent encore aujourd'hui dans les oreilles de nombreux Timorais.

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11 août 2022, 14:57