Recherche

Le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York, en la cathédrale saint-Patrick de New York (États-Unis), le 4 avril 2021. Le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York, en la cathédrale saint-Patrick de New York (États-Unis), le 4 avril 2021.  

Le cardinal Dolan en route pour l'Ukraine

Dans un entretien à Radio-Vatican Vatican News, l'archevêque de New York, le cardinal Timothy Dolan, évoque la guerre en Ukraine avant sa visite imminente pour aider les réfugiés aux frontières. Après 25 mois d'absence dans la Ville éternelle en raison de la pandémie, le cardinal Timothy Dolan parle également de la résonance massive des appels du Pape François aux États-Unis.

Entretien réalisé par Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican

Le cardinal Timothy Dolan, archevêque de New York, fait une halte à Rome sur son chemin vers les localités ukrainiennes frontalières de la Pologne en sa qualité de président de la Catholic Near East Welfare Association (CNEWA). Au cours de son voyage à Rome, pour la première fois depuis le début de la pandémie, il s'est entretenu avec Vatican News, afin de discuter de sa prochaine visite à la rencontre des réfugiés ukrainiens qui souffrent.

Éminence, bienvenue à Rome après 25 mois. Alors que vous êtes occupé ici avec la Papal Foundation et au Collège pontifical nord-américain, qu'est-ce qui vous a vraiment amené en Europe cette fois-ci?

Mon voyage à Rome est l'avant-goût de mon voyage dans les pays frontaliers de l’Ukraine, en Pologne, Slovaquie, et Hongrie. Je m'y rends tout d'abord par sens du devoir, car il se trouve que l'archevêque de New York est ex-officio, le président du conseil d'administration d'une grande organisation appelée la Catholic Near East Welfare Association, CNEWA, qui a été fondée il y a un siècle par le Pape Pie XI pour aider nos chers catholiques orientaux, qui vivent très souvent dans des régions persécutées et sont souvent soumis à de grandes pressions. Au Moyen-Orient, en Inde, en Ukraine, et en Europe centrale et orientale, il y a beaucoup de catholiques de rite oriental. Nous sommes très actifs, et souhaitons leur apporter des aumônes, les dons que les catholiques nous ont faits pour aider ces gens. Nous voulons simplement les embrasser et leur dire, nous vous aimons. Nous ne vous avons pas oubliés. Nous voulons prier avec vous, vous encourager et vous aider. Je me rendrai ensuite en Pologne, qui a si héroïquement accueilli des millions de réfugiés, ainsi qu'en Hongrie et en Slovaquie, qui ont fait de même, avec d'autres pays. Nous nous préparons, d'ailleurs, dans le diocèse de New York.

Comment cela?

Notre célèbre Catholic Charities a une grande expérience de l'accueil des migrants et des réfugiés. Nous nous préparons. Il y a une petite différence cette fois-ci, parce que les réfugiés d'Ukraine veulent rentrer chez eux et disent: «Peut-être que cette guerre va se terminer et que nous pourrons rentrer chez nous». Plus la guerre se prolonge, plus ils se disent que nous devrons probablement aller ailleurs pendant un certain temps, jusqu'à ce que notre pays bien-aimé soit reconstruit. Cela ne fait qu'aggraver la tragédie, n'est-ce pas?

Au milieu de la tragédie, de l'agression et de la séparation, je verrai face à face leur résilience, leur espérance et leur détermination. Nous avons observé cela de loin. Vous savez qu'on va s'en sortir. Et pour l'instant, c'est une lutte. Pour l'instant, c'est comme l'obscurité et le tremblement de terre d'un Vendredi saint. Mais nous savons que Pâques va arriver. Ils vont m'apprendre ça.

Quelle valeur accordez-vous aux appels à la paix du Pape François?

Ils ont eu une valeur énorme. Tout d'abord, ils ont bénéficié d'une grande couverture médiatique aux Etats-Unis. La voix morale du Pape a été très vigoureuse et très efficace. Je pense qu'il a contribué à faire découvrir au monde qu'il s'agit d'un problème moral, d'oppression de personnes vulnérables, d'abus de pouvoir, d'utilisation non provoquée et illicite de la violence et de la force militaire. Il nous a aidés à comprendre cela. Le Pape François a compris qu'il s'agit d'une question culturelle, et pas seulement économique. Il ne s'agit pas seulement de terres. Le peuple ukrainien possède une culture fière et dynamique qui, même si elle est en partie partagée avec ses pays voisins, y compris la Russie, est indépendante, autonome, historique, profondément ancrée, et ne peut être écrasée ou reprise par aucune autre culture.  Même si cette culture dit "vous êtes les mêmes que nous, nous vous absorbons, laissez tomber".

Quand je suis à la maison, quand je regarde les programmes d'information, ils disent invariablement: "Nous ne savions pas que l'Ukraine était un pays si croyant, si fidèle." Chaque scène que nous voyons de maisons détruites, nous voyons des crucifix et des images de la Sainte Mère. Nous voyons toujours des églises en arrière-plan. Nous voyons toujours les prêtres aux funérailles. Nous voyons toujours les gens en prière. Nous entendons toujours les gens prier. Ils ne savent pas non plus que l'Église orthodoxe en Russie a été si forte historiquement. Le Pape nous a aidés à comprendre la valeur spirituelle de la prière ici et comment la foi et l'espoir permettent aux gens de s'en sortir.

Il y a une certaine tension entre les Etats-Unis et la Russie en ce moment. Pensez-vous ou craignez-vous que la guerre puisse s'étendre?

J'ai bien peur que oui. Historiquement, la Russie a toujours eu l'œil sur les nations situées au-delà des frontières russes. Si vous connaissez votre histoire, vous verrez que leur désir de terres au-delà a été très, très fort. Je ne comprends pas pourquoi la Russie, qui doit être le plus grand pays du monde, voudrait plus de terres. Si l'on se réfère à la détente de 1989, à la chute du mur de Berlin, à l'effondrement de l'Union soviétique, grâce à Dieu, nous avons en quelque sorte pris une profonde inspiration et nous nous sommes dit que nous allions peut-être connaître une ère de paix. Pendant un temps, cela semblait être le cas.

Ces anciennes horreurs, ces anciennes tyrannies ont ressurgi. Le Pape François nous a aidé à le comprendre. Nous pensions naïvement qu'il n'y avait pas de vrai mal dans le monde. Vous pouviez voir de temps en temps, quelques vestiges du mal systématique. Mais en général, tout le monde connaît le pouvoir du mal brut, du mal objectif, dans le sens que ce n'est pas bien. C'est comme si le monde nous comprenait. Tout le monde, sauf Poutine et ses généraux, le comprend. C'est objectivement mal. Nous devons être prudents aux États-Unis. Ce n'est pas que nous ne faisons pas de mea culpa. Quand nous regardons notre histoire, nous sommes tombés dans ce piège aussi. Cela ne fonctionne pas. C'est contre-productif. Nous devrions tous apprendre de cette histoire qu'il existe un mal brut dans le monde. Comme l'a suggéré le Pape François, si nous ne revenons pas à la loi de Dieu, si nous ne revenons pas au bien et au mal, si nous ne revenons pas aux valeurs bibliques, cela nous hantera à jamais.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

29 avril 2022, 08:37