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Les évêques du Paraguay concélébrant une messe. Les évêques du Paraguay concélébrant une messe. 

Paraguay: l’Église tente de répondre à la crise sanitaire et sociale

Face à la situation sociale dramatique du pays, extrêmement fragilisé par la pandémie de coronavirus, L'épiscopat paraguayen, exhorte les autorités nationales à donner la priorité à la santé.

Vatican News

Avec une population d'un peu plus de 7 millions d'habitants (et avec seulement 1,8 % de sa population ayant terminé le cycle de vaccination, sur un total de 6,8 % de la population ayant reçu au moins une dose), le Paraguay est en tête de la liste des pays ayant le plus grand nombre de décès par million d'habitants dans la région. Le manque d'approvisionnement, l'incertitude concernant la campagne de vaccination, la spéculation sur les prix des médicaments en raison de l'augmentation de la demande, couplée à des cas de corruption, avec une pauvreté exacerbée à l'extrême, font que le pays sud-américain traverse un moment dramatique.

Des familles entières ont été décimées, des enfants sont orphelins, et la crise économique a aggravé la situation de pauvreté d’une grande partie de la population. Dans un entretien au programme hispanophone de Vatican News, le président de l'épiscopat paraguayen, Mgr Adalberto Martínez Flores, évêque de Villarrica, donne un aperçu de la situation sanitaire du pays :

R.- En ce moment, le pays est au plus mal, la crise sanitaire frappe durement, surtout les plus modestes. Le Paraguay, après avoir été un exemple en 2020 pour les mesures d'isolement préventif, a pris la tête de la liste des pays ayant le plus grand nombre de décès par habitant. Nous sommes préoccupés par l'inefficacité et le manque de réponse à la grande quantité de demandes qui existent dans les hôpitaux. Cela nous fait profondément mal de voir nos concitoyens courir dans l'angoisse vers les hôpitaux et ensuite vers les différents centres d'aide sociale, où bien souvent, malheureusement ils ne trouvent aucune assistance.

Grâce à Dieu, cette crise a également poussé nos prêtres, nos agents pastoraux et nos citoyens en général à prendre en charge l'aide solidaire à travers différentes initiatives, l'une d'entre elles étant les soupes populaires qui ont pu soulager de nombreuses personnes et ont également motivé d'autres personnes et organisations à agir et à répondre. La pastorale sociale nationale a pu canaliser une idée qui nous semble très intéressante, qui est de créer des pharmacies populaires dans différents endroits. Un groupe de prêtres et de laïcs a tenu une réunion avec des représentants du gouvernement pour mettre cette proposition intéressante sur la bonne voie. Heureusement, ce projet prend déjà forme dans certains diocèses.

Selon les derniers rapports, par le biais du mécanisme Covax, 304 800 doses ont été livrées dans le pays (dernière livraison le 3 juin, ndlr). Est-ce que d'autres doses ont été reçues? D'où viennent-elles?

R - La plupart des vaccins que le ministère de la Santé a reçus proviennent de dons de pays partenaires, mais très peu sont arrivés jusqu'à présent. À plusieurs reprises, nous avons entendu dire que des doses supplémentaires arriveraient bientôt dans notre pays, mais jusqu'à présent, cela n'a été qu'une promesse avec beaucoup de bruit dans les médias.

Maintenant, nous entendons dans les médias que d'ici le mois d'août, 50 % de notre population sera vaccinée. Cependant, les vaccins dont nous disposons à ce jour sont insuffisants. (…) Nous avons besoin de toute urgence d'une immunité collective pour sauver des vies, chaque vie est importante, chaque vie représente un être cher, représente la chose la plus précieuse pour l'Église. C'est pourquoi nous pensons que nous devons recourir à un effort extraordinaire de tous les secteurs pour sauver autant de vies que possible.

Cela exige également, comme nous l'avons indiqué dans notre communiqué du 23 janvier, que nos autorités, les entreprises pharmaceutiques et les organisations internationales écoutent et répondent à l'impératif moral de rendre les vaccins et les soins de santé accessibles aux secteurs sociaux les plus vulnérables et à la population la plus vulnérable.

Comment la situation se poursuit-elle avec le manque d'oxygène et de médicaments pour les patients souffrant d'infections? Avez-vous trouvé la collaboration des pays voisins?

R - Bien que nous étions conscients de l'état critique de notre système de santé, avec cette pandémie, nous avons réalisé à quel point il est important d'accorder une attention prioritaire à la région. Nous avons réalisé à quel point les soins sont graves et catastrophiques lorsqu'ils sont omis ou simplement non priorisés. Il faut de bonnes ressources, une technologie de pointe, un personnel médical formé et bien rémunéré.

Après les manifestations de février-mars, le Paraguay est entré dans une série de confinements. Quelle est la situation économique et sociale que vit la population?

R - Au Paraguay, comme dans la plupart des pays du monde, la situation économique, sociale, sanitaire et politique a atteint un niveau critique, mais, surtout, l'angoisse et le désespoir de la population sont évidents en raison du manque de médicaments dans les hôpitaux et de leur coût excessif sur le marché. La plupart de nos humbles n'ont pas la possibilité d'assumer le coût élevé de la maladie, qu'ils soient hospitalisés ou non, car ils n'ont pas tous un emploi stable, certains sont indépendants, ce qui signifie qu'avec l'isolement, la situation s'est aggravée et que la forte demande a entraîné une hausse exagérée des prix des médicaments.

Les gens ont compris le message selon lequel, dans les premiers mois de 2020, nous devrions nous isoler et contribuer ainsi à préparer le système de santé. Cependant, peu de temps après, les gens devaient déjà retourner au travail pour nourrir leur famille, pour assurer leur pain quotidien. Les jours passaient et les conditions sanitaires s'amélioraient relativement, mais ce n'était pas suffisant et ce n'était pas efficace. À tout cela s'ajoutent plusieurs faits de corruption et de retard des vaccins.

Puis, lorsque nos autorités ont organisé un nouveau confinement, cela n'a pas fonctionné. Aujourd'hui, les gens vont travailler, il n'y a pas d'alternative, ils sortent et courent le risque d'attraper la maladie et de contaminer leur famille. Ce qui nous préoccupe le plus en tant qu'Église, c'est la souffrance de notre peuple, la perte de la dignité de cet enfant, de cette mère, de ce père qui, dans le meilleur des cas, vend la dernière chose qu'il possède de valeur matérielle afin de se battre pour l'être aimé et le voir guéri, mais nous avons été témoins que beaucoup d'entre eux nous ont quittés malgré tout.

À cette occasion, nous nous souvenons également de plusieurs de nos prêtres, nous ressentons une profonde tristesse car nous avons perdu plusieurs d'entre eux. Nous prions quotidiennement pour que les conditions s'améliorent, nous prions pour les âmes de ceux qui sont morts, nous prions pour le rétablissement, notamment spirituel, des personnes qui ont perdu un membre de leur famille dans cette pandémie.

Face à cette situation dramatique, l'Église souhaite-t-elle lancer un appel?

R - Pour l'Église, la personne est trop importante, elle est l'essence même de notre mission. L'Église de Jésus-Christ veut le salut de son peuple par tous les moyens. Nous, les pasteurs, par nos actions spirituelles et de soutien, plaidons pour tous sans condition. Cependant, dans ces conditions, la plus grande responsabilité de la situation incombe à nos autorités et à leurs institutions étatiques qui doivent veiller à la santé de notre peuple. L'urgence sanitaire ne nous permet pas de faire de faux pas: chaque erreur, chaque minute perdue, chaque manquement et chaque déficience représente le risque d'une vie.

En ce sens, nous exhortons, comme nous l'avons fait à plusieurs reprises, nos autorités nationales à ne pas perdre davantage de vies humaines, nous les exhortons à donner la priorité à la santé et cela passe nécessairement par l'affectation de la plus grande partie des ressources de l'État, tant matérielles qu'en termes de talent humain, pour faire face à cette urgence. La situation critique que nous vivons devrait être un signal d'alarme pour la communauté internationale, notre pays a besoin de toute urgence de sentir le soutien, la proximité et la solidarité de nos pays frères.

Notre population a besoin d'être vaccinée immédiatement, nous avons déjà perdu beaucoup de compatriotes, il y a des familles entières qui nous ont quitté, il y a des enfants orphelins qui vont grandir sans la protection de leur mère et de leur père, il y a beaucoup de personnes qui ont été laissées avec des séquelles physiques et psychologiques, la condition économique de beaucoup est très pauvre et cette condition devrait être un signal d'alarme pour les autorités nationales et les organisations internationales.

Que le Seigneur nous protège et nous aide à voir la lumière que tous les êtres humains doivent avoir en ce moment, que notre Seigneur Jésus-Christ, avec son souffle spirituel nous donne la force et nous aide à surmonter ce moment de pandémie et de conséquences que nous vivons.

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05 juillet 2021, 13:09