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Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, lors de la conférence de presse du 26 mars 2021 à Lourdes. Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, lors de la conférence de presse du 26 mars 2021 à Lourdes. 

Abus: l'Église de France prend des mesures "qui engagent pour l'avenir"

Fin de l’assemblée plénière de printemps des évêques de France. Soin de la maison commune et lutte contre les abus en ont été les principaux thèmes directeurs. Le président de la CEF et archevêque de Reims, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, les a longuement évoqués dans son discours de clôture, ce vendredi 26 mars.

Les conditions sanitaires l’ayant permis, les archevêques de l’hexagone ainsi que les membres de la présidence du conseil permanent de la CEF ont pu se rendre à Lourdes pour cette session printanière. Les autres évêques ont pu participer aux travaux par visioconférences.

Dans le cadre d’un cycle initié en 2019 sur l’écologie intégrale, les évêques se sont penchés une fois encore sur la crise écologique sous le thème «produire et créer : quelle empreinte?». Sur la base de conférences, témoignages et groupes de travail, plusieurs constatations se font jour.

Les créations humaines ont des conséquences

Tout d’abord celle que les activités et réalisations humaines, même les plus nobles, «portent en elles des ambiguïtés porteuses de mort», en termes de pollution, de saturation, de surexploitation, de génération de structures d’inégalités. Aujourd’hui, explique Mgr de Moulins-Beaufort, «tous les êtres humains sont appelés à un examen de conscience drastique où toutes les réalisations personnelles et collectives et toutes les relations doivent être revues sans cesse pour déceler ce qu’elles ont pu transporter de destructeur». À la lumière de sa foi, le chrétien doit contribuer à «la lucidité exacerbé de cette époque» en croyant qu’il est possible, «Dieu aidant, de chercher des moyens de production et de consommation nouveaux», respectueux de l’homme et de la création. Car «l’humanité doit œuvrer, ne pas se laisser paralyser par le mal» et sortir de l’illusion «que nous pourrions vivre sans laisser de traces de notre passage». «À la société de consommation, ne peut s’opposer qu’une spiritualité de désir. Seule l’abondance spirituelle peut faire goûter à la joie d’une sobriété matérielle», a encore affirmé le président de l'épiscopat français.

Cette question écologique brûlante touche directement aux questions sociales, qu’il s’agisse de relations humaines, de fraternité, ou même de dignité du travail. Sur ces défis propres, «nous aurons sans doute à oser une parole publique plus forte», en relayant celle du Pape François, a déclaré Mgr de Moulins-Beaufort, précisant d’ailleurs que le thème de l’assemblée plénière de l’automne serait centrée sur le thème: «cri de la terre et cri des pauvres».

 Onze résolutions contre les abus

«Promesse de la maison commune au milieu de l’humanité» au niveau sacramentel, l’Église «ne l’est pas toujours pas dans les faits», a déploré le président de la CEF, évoquant la possibilité d’y trouver parfois «des jeux de pouvoir plus ou moins graves, plus ou moins risibles». Des efforts sont à déployer pour supporter les divergences de pensées et d’opinions, a-t-il plaidé avant de passer au sujet délicat des abus.

Reconnaissant que l’action de l’Église n’avait pas été la hauteur de la réalité, Mgr de Moulins-Beaufort est revenu sur le travail entrepris pour écouter les victimes, et bâtir une convergence de vues entre évêques. «Nous avons tâtonné pour trouver comment faire du bien aux personnes victimes qui ont tant souffert, non seulement des violences et agressions sexuelles subies mais aussi de l’indifférence, de l’incapacité de leur entourage de voir et de deviner ou d’entendre, de l’incapacité de l’Église, dans ses communautés et dans ses responsables, de mesurer ce qu’elles vivaient et supportaient dans le fil des jours, au-delà même des actes subis. Nous éprouvons de la colère mais surtout de la tristesse et de la honte en pensant que des prêtres ont pu user du pouvoir que le Christ leur avait donné et que l’Église leur avait confié pour commettre des œuvres de mort sur des enfants et des jeunes».

Partant, les évêques ont décidé de onze mesures visant à inscrire la prévention au cœur de leurs activités, à transformer les relations pastorales, mais aussi à mettre en place les moyens d’instruire les faits qui «nous sont ou qui nous seraient révélés de la manière la plus juste et efficace». Ces résolutions ont été publiées dans la foulée, accompagnées d’une lettre adressée à tous les catholiques de France. «Elles décevront certains, elles étonneront d’autres. Elles sont modestes en fait, mais nous engagent pour l’avenir».

Lien vers le texte intégral de la Lettre des évêques de France aux catholiques sur la lutte contre la pédophilie

Travail de vérité

Et l’archevêque de conclure sur trois paroles. D’abord à l’égard des victimes d’abus, les assurant que leur parole est prise au sérieux, que les évêques continueront à les écouter et à travailler avec elles, en s’efforçant de mobiliser les moyens matériels et spirituels nécessaires à leur accompagnement. «Nous savons que nous pouvons facilement vous blesser, vous effrayer. Ce que vous avez subi nous révèle une prégnance du mal que nous ne voulions pas regarder. Nous sommes conscients que nos gestes les plus saints ont été utilisés contre vous. Nous en avons du dégoût, nous évêques comme les prêtres et les fidèles, mais nous vous devons de reprendre notre manière d’exercer et de comprendre le ministère apostolique que le Seigneur nous a confié».

Une deuxième parole est pour tous les fidèles, choqués et déçus par ces crimes qui souillent tout le corps de l’Église. «Soigner n’est pas qu’un accompagnement plein de douceur. Il y faut aussi des décisions rudes, il y faut toujours un travail de vérité, un travail de diagnostic, rigoureux». Les fidèles sont donc encouragés à écouter et accompagner les victimes.

Une ultime parole est adressée aux prêtres, horrifiés par les crimes commis par certains de leurs confrères en abusant de leur ministère et qui interrogent «sur notre propre pratique» affirme le président de la CEF. Il rappelle à cet égard que le ministère sacerdotal, configuré au Christ, reste plus que jamais un ministère de vie et de bonté, notamment au travers du sacrement de la réconciliation. «Le secret de la confession n’est en rien complicité avec le mal et encore moins complaisance pour des confidences étonnantes», a-t-il pris soin de préciser.

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26 mars 2021, 13:04