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Manifestation des pro-vie le 11 décembre dernier à Buenos Aires. Manifestation des pro-vie le 11 décembre dernier à Buenos Aires. 

Avortement en Argentine: montrer que le peuple soutient la vie

Le projet de loi légalisant l'avortement jusqu'à la 14e semaine de grossesse a été adopté par la Chambre des députés. Il va maintenant être examiné au Sénat où les élus en faveur de la vie pourraient être plus nombreux. Le président de la Commission Santé de la conférence épiscopale argentine regrette la pression de certains lobbies, et rappelle que le Pape a apporté son soutien aux laïcs et aux catholiques engagés pour la vie.

Marco Guerra – Cité du Vatican

Après 20 heures de débats ininterrompus, la Chambre des députés argentine a approuvé, avec une majorité de seulement 14 voix, un projet de loi autorisant l'avortement jusqu'à la 14ème semaine de grossesse. Il était présenté à l’initiative du président de centre-gauche Alberto Fernandez.

«Nous savions que c'était un vote très difficile: le président de la Chambre est favorable (à l’IVG), les quatre présidents des commissions étaient favorables et l'exécutif a fait pression sur les ministres», a expliqué à la presse Santiago Santurio, membre de la plateforme pro-vie. Le sujet de l'avortement est revenu à la Une «dans un contexte de manque d'éducation, d'opportunités, d'inégalité et de violence contre les femmes, et au lieu d’en résoudre les causes, nous en sommes arrivés à proposer que la résolution du problème reste dans la sphère privée des femmes, offrant comme seule solution de disposer de la vie de l'enfant», a pour sa part regretté, Graciela Camano, parlementaire du bloc Consensus fédéral.

Le pays divisé

131 élus ont voté en faveur du texte, 117 contre et six abstentions ont été enregistrées. Cette polarisation au sein de la Chambre était également visible sur la place devant le Parlement à Buenos Aires où, pendant le débat, des milliers de manifestants ont organisé deux manifestations distinctes, l'une en faveur de la légalisation parcourue de bannières vertes devenues le symbole de leur mouvement et l'autre contre l’IVG où les membres des associations pro-vie argentines se sont présentés avec des foulards bleus, brandissant le drapeau national.

«Nous pensions que la proposition aurait reçu encore plus de votes à la Chambre, c'était une surprise, et au Sénat elle ne se déroulera pas aussi bien pour ceux qui soutiennent l'avortement, nous devons cependant compter avec une très forte pression des lobbies», affirme Mgr Alberto Bochatey, président de la Commission Santé de la conférence épiscopale d'Argentine, vicaire de l'archidiocèse de La Plata et membre de l'Académie pontificale pour la vie

Place aux sénateurs

Le projet doit maintenant en effet être examiné par le Sénat, qui a déjà rejeté une initiative similaire en 2018 après qu'elle ait été approuvée par les députés. Le Sénat est composé de représentants des provinces, au profil plus conservateur. Aussi selon certaines estimations, les partisans d’une légalisation auront à nouveau des difficultés à faire adopter la loi, bien qu’elles soient probablement moins importantes que celles rencontrées il y a deux ans. Alors, les 31 voix en faveur de l’IVG sur 72 exprimées n’avaient pas été suffisantes. Pour l'instant, aucune date d’examen n’a été fixée, mais il n’est pas exclu que les sénateurs aient à s’exprimer avant la fin de l’année. On ne sait pas non plus quel sera l’influence de l'ancienne présidente et actuelle vice-présidente du pays, Cristina Fernández de Kirchner. Son positionnement pourrait être décisif puisqu’en tant que présidente du Sénat, elle peut voter à son tour en cas d'égalité. Jusqu'à présent, l'ancienne chef de l'État a exprimé son opposition à cette loi.

En 2018, le précédent gouvernement, sous la présidence du conservateur Mauricio Macri, avait déjà proposé de légaliser l’avortement, le texte avait cependant été rédigé par la Campagne nationale pour le droit à l'avortement légal.

Responsabiliser les hommes et les plus riches

Dans un entretien accordé à Vatican News, le président de la Commission Santé de la conférence épiscopale argentine, Mgr Alberto Bochatey appelle les catholiques à engager un dialogue «avec tous les sénateurs, prier et faire sentir que la majorité du peuple argentin ne veut pas de l'avortement».

«À la Chambre, nous avons vu des députés de droite, de gauche, des laïcs et des catholiques, bref, de toutes les familles politiques, voter contre la proposition de loi. Malheureusement, cela s'est également produit dans le camp opposé, certains catholiques ont voté en faveur du texte, mais c'est une façon individualiste d'interpréter la foi», le prélat se dit néanmoins réconforté par le fait que de nombreux non-catholiques partagent l'engagement de l’Église pour la vie. Il souligne que «de nombreuses très jeunes filles et femmes marginalisées disent qu'une aide à un autre niveau est nécessaire». Pour lui, il faut travailler sur le front de l'éducation, de la culture, de la responsabilité des jeunes et des hommes, «aucune loi ne parle du rôle des hommes et pourtant ce sont eux qui mettent une femme enceinte».

Mgr Bochatey rappelle que dans la culture argentine les pauvres ont toujours été ouverts à la procréation en ayant beaucoup d'enfants et en étant blâmés pour cela par l'élite. Pour lui, cette proposition de loi n’est pas «pour les pauvres, mais va à la rencontre de l'esprit bourgeois qui rejette les responsabilités».

«L'hypocrisie consiste à prétendre que l'avortement est une nécessité pour les pauvres, on prétend que c’est fait pour eux» a également souligné le père José Maria "Pepe" Di Paola, coordinateur des curas villeros, ces prêtres argentins engagés dans les bidonvilles. «Je pense qu'il suffirait que les fonctionnaires fassent la queue dans les centres de santé, qu'ils se rendent dans les hôpitaux provinciaux et nationaux pour se rendre compte de ce dont les pauvres et surtout les femmes pauvres ont vraiment besoin» a-t-il poursuivi après avoir suivi les audiences à la Chambre des députés ces derniers jours. "Pepe" Di Paola déplore que «la légalisation de l'avortement admet comme conduite légale, l'élimination d'une vie qui réclame à grands cris une réponse supérieure».

Une question humanitaire

«Le problème de l'avortement n'est pas avant tout une question de religion, mais une question d'éthique humaine», écrivait le Pape le 22 novembre dernier dans une lettre manuscrite adressée à ses anciens élèves argentins. Le Saint-Père y réitérait l'importance de protéger la vie contre les tentatives de légalisation de la pratique de l'avortement en Argentine et apportait son soutien aux mujeres de las villas, le réseau des femmes pro-vie, leur exprimant son admiration «pour leur travail et leur témoignage» et les encourageant à «aller de l'avant». «Le pays est fier d'avoir de telles femmes», écrivait François.

Évoquant cette lettre, Mgr Bochatey rappelle que «l’enseignement du Pontife est très clair sur la culture du rejet, il a parlé de tueurs à gages». Le président de la Commission Santé de la conférence épiscopale argentine répète que la vie est «un bien en soi» et qu'«elle possède aussi une valeur sociale, de croissance de la communauté».

Les catholiques engagés depuis des mois

En Argentine, les évêques, l'Église, les catholiques, mais aussi une part importante de la société, s'opposent à ce projet de légalisation de l’avortement depuis des mois. Le 8 décembre dernier, en la solennité de l'Immaculée Conception, des prières ont été dites lors de toutes les messes pour la sauvegarde de la vie naissante.

Parmi les intervenants opposés à la légalisation de l'avortement, figure également Miguel Schiavone, le recteur de l'Université catholique d'Argentine.

De multiples manifestations en faveur de la vie auxquelles ont pris part des centaines de milliers de personnes ont été organisées dans le pays. La dernière, la Marche des chaussures s’est tenue le 28 novembre dernier devant le siège du Congrès.

 

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13 décembre 2020, 13:02