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Jean Vanier, décédé le 7 mai 2019. Jean Vanier, décédé le 7 mai 2019.  

L'Arche: une enquête interne révèle des abus commis par Jean Vanier

Une longue enquête interne menée par l'Arche révèle des abus sexuels et des abus spirituels commis sur plusieurs femmes de la part du fondateur. Réactions de l'Arche et de la Conférence des évêques de France.

Dans une lettre adressée le 22 février à l’ensemble de la Fédération de l'Arche, les responsables du mouvement ont rendu publiques les conclusions de l’enquête qu’ils avaient confiée à un organisme externe et indépendant. Cette enquête portait notamment sur des témoignages mettant en cause son fondateur, Jean Vanier, et son lien historique au père dominicain Thomas Philippe qu’il désignait comme son père spirituel.

Depuis 2014, plusieurs témoignages de femmes, abusées spirituellement et sexuellement par Thomas Philippe étaient parvenus aux responsables de l'Arche, ce qui avait déclenché cette enquête. Un travail de longue haleine qui a mis au jour des actes d'abus également commis par Jean Vanier. «Au cours de cette enquête, des témoignages sincères et concordants portant sur la période 1970-2005 ont été reçus de six femmes adultes non handicapées, qui indiquent que Jean Vanier a initié avec elles des relations sexuelles, généralement dans le cadre d’un accompagnement spirituel, et dont certaines ont gardé de profondes blessures», peut-on lire dans le communiqué publié par l'Arche.

«Bouleversés par ces découvertes»

«Ces agissements indiquent une emprise psychologique et spirituelle de Jean Vanier sur ces femmes et soulignent son adhésion à certaines des théories et pratiques déviantes du père Thomas Philippe» souligne encore le communiqué du mouvement. Chez les responsables de l'Arche, l'onde de choc est immense. «Nous sommes bouleversés par ces découvertes et nous condamnons sans réserve ces agissements en totale contradiction avec les valeurs que Jean Vanier revendiquait par ailleurs», soulignent dans une lettre aux membres de l'Arche les responsables actuels Stephan Posner et Stacy Cates Carney, des agissements, précisent-ils, «incompatibles avec les règles élémentaires de respect et d’intégrité des personnes, et contraires aux principes fondamentaux de nos communautés».

«Nous mesurons le trouble et la douleur que ces informations vont provoquer chez beaucoup d’entre nous, à l’intérieur de L’Arche, mais aussi à l’extérieur… tant il aura inspiré et réconforté de nombreuses personnes partout dans le monde», écrivent encore les responsables de l'Arche Internationale. «Si le bien considérable qu’il fit tout au long de son existence n’est pas mis en question, nous allons cependant devoir faire le deuil d’une certaine vision que nous pouvions avoir de lui ainsi que de nos origines» précisent-ils, rappelant que L’Arche est déterminée à ce que ses 154 communautés à travers le monde soient des lieux de sécurité et de croissance pour tous ses membres, avec ou sans handicap. 

La réaction des évêques de France 

Dans un communiqué publié ce samedi, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France souligne avoir appris «avec stupeur et douleur» ce que l'enquête menée par l'Arche révèle de son fondateur. «Les évêques membres du Conseil permanent remercient les femmes victimes de Jean Vanier qui ont eu le courage intérieur de parler de ce qu’elles ont subi» peut-on lire dans ce texte. Les évêques de France qui redisent par ailleurs «leur confiance aux communautés de L’Arche où personnes handicapées et assistants vivent des relations authentiques de respect mutuel et d’entraide.» 

La conférence épiscopale rappelle par ailleurs qu'au terme de cette enquête, «rien n’indique que des personnes handicapées auraient été victimes d’actes inappropriés de la part de Jean Vanier. La CEF s’associera à la CORREF, (la Conférence des Religieux et Religieuses de France) à la Province de France de l’Ordre dominicain et à la Congrégation des Frères de Saint-Jean «pour poursuivre le travail d’élucidation nécessaire à propos du père Thomas Philippe, dominicain, décédé en 1993, qui avait été sévèrement condamné par Rome en 1956, condamnation dont les termes ont été peu à peu oubliés ou négligés» précise-t-elle. 

Fondée en 1964, l'Arche est une œuvre aujourd'hui présente dans 38 pays, sur les cinq continents. Elle représente 153 communautés et 10 000 membres, au service des personnes handicapées et vulnérables. 

Réaction de l'épiscopat canadien

Dans un communiqué, la conférence des évêques du Canada -pays d’origine de Jean Vanier- fait part de sa tristesse devant une nouvelle aussi «difficile qu’incompréhensible», au regard de la profonde influence exercée par le fondateur de l’Arche «sur la façon dont les personnes ayant une déficience intellectuelle ou physique sont perçues et traitées aujourd'hui et que ses écrits ont eu une empreinte positive sur la vie des gens dans de nombreux milieux culturels et linguistiques». Néanmois, précisent les évêques, «aucun tort causé ne peut être excusé».

Le communiqué poursuit en réaffirmant que tout abus constitue une «effroyable manipulation de la confiance» et doit toujours être condamné. «Les évêques louent le courage et prient pour toutes les personnes victimes-survivantes qui divulguent leurs expériences douloureuses afin de trouver justice et guérison. Par ailleurs, ils félicitent les dirigeants de L'Arche pour avoir pris des mesures audacieuses en lançant une enquête indépendante pour clarifier cette question».  Ils «prient pour que la direction de L'Arche réussisse à accomplir l'importante tâche qu'elle doit maintenant relever, soit de rétablir la confiance grâce à leurs politiques et à leurs pratiques de sauvegarde rigoureuses pour que la mission de l'organisme auprès des personnes handicapées se poursuive au Canada et à l'étranger».

Une délégation de l'Arche reçue fin janvier par le Pape

Une petite délégation de la communauté s’est rendue à Rome fin janvier pour en référer au Pape François. Stephan Posner, responsable international de l’Arche nous précise le cadre de cette rencontre.

Entretien avec Stephan Posner

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22 février 2020, 10:21