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Facade de l'Imperial hotel, Porte de  Jaffa, vieille ville de Jérusalem Facade de l'Imperial hotel, Porte de Jaffa, vieille ville de Jérusalem 

Jérusalem: les chrétiens s'inquiètent d'une judaïsation de la vieille ville

Dans une déclaration conjointe, les chefs des 13 Églises de Jérusalem apportent leur soutien au patriarcat grec-orthodoxe, débouté par la Cour suprême israélienne dans une affaire complexe de vente de propriétés à une association juive ultra-nationaliste. La crainte est de voir l’accès à la basilique du Saint-Sépulcre, à terme, compromis.

Manuella Affejee - Cité du Vatican

L’affaire est délicate et mérite, avant tout, d’être clarifiée. Tout commence en 2004, lorsque le patriarcat grec-orthodoxe, alors sous la houlette d’Irénée Ier, conclut la vente de trois de ses propriétés situées en vieille ville de Jérusalem, -deux à la Porte de Jaffa, dans le quartier chrétien, la 3e dans le quartier musulman-, à une association juive ultra-nationaliste, Ateret Cohanim. Cette organisation, fondée en 1978, procède dans la plus grande discrétion à l’achat de propriétés palestiniennes en faveur de juifs israéliens, et participe de fait à une judaïsation toujours plus prégnante de la partie orientale de Jérusalem.

Jugement déjà rendu en 2017

La transaction, effectuée via des sociétés écrans, fut révélée par un quotidien israélien en 2005; elle provoqua la colère des fidèles orthodoxes palestiniens et entraina la destitution du patriarche contesté. Son successeur, Théophile III décida d’en appeler à la justice, arguant que l’opération avait été entachée d’irrégularités, conclue sans l’aval des autorités orthodoxes et qu’elle s’avérait, en conséquence, illégale et non-valide.

En 2017, le tribunal de district de Jérusalem avait approuvé cette vente, -il s’agit en réalité de baux emphytéotiques de 99 ans, équivalant à une quasi-propriété-, faute de preuves étayant son caractère frauduleux. La décision de la Cour suprême israélienne, rendue donc le 10 juin dernier, vient clore cette bataille juridique de 15 ans. Les trois immeubles en question, - notamment les emblématiques Imperial Hotel et Petra Hotel  situés à l’entrée-ouest de la vieille ville-, restent donc aux mains de l’Ataret Cohanim.

Menaces sur la présence chrétienne

Dans une déclaration conjointe, les Églises chrétiennes de Jérusalem affichent leur plein soutien aux orthodoxes. «Les attaques du groupe extrémiste (Ataret Cohanim, ndlr) qui tente de s’emparer des propriétés orthodoxes de la porte de Jaffa portent non seulement sur les droits de propriété de l’Église orthodoxe de Jérusalem, mais aussi sur la protection du statu quo pour tous les chrétiens de la ville sainte et menacent la présence chrétienne originelle en Terre Sainte», écrivent les divers patriarches et évêques, dont l’administrateur apostolique du Patriarcat latin de Jérusalem, Mgr Pierbattista Pizzaballa, et le custode de Terre Sainte, le père Francesco Patton.

Or porter atteinte à la présence chrétienne à Jérusalem, c’est s’attaquer à cette diversité religieuse propre à la ville trois fois sainte, et donc, in fine, à son caractère éminemment universel. S’ajoute à cela une autre crainte, exprimée par le patriarche Théophile III: que les pratiques d’expulsion, - dont est coutumier, semble-t-il, l’Ataret Cohanim-,  ne fassent perdre aux pèlerins, par extension, le «principal couloir d’accès au quartier chrétien de la vieille ville», voire à la Basilique du Saint-Sépulcre.

Les chefs des Églises rappellent donc avec force que «l’existence d’une communauté chrétienne vivante à Jérusalem est essentielle à la préservation de la communauté historiquement diverse de Jérusalem et constitue un préalable à la paix dans cette ville». Et que toutes les tentatives visant à «restreindre la capacité des Eglises à traiter librement de [leurs] biens», menacent leur existence même.

(avec Terra Santa.net et Haaretz)

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14 juin 2019, 16:13