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Au premier plan, le lieutenant Colonel Paul-Henri Damiba, président du Burkina Faso Au premier plan, le lieutenant Colonel Paul-Henri Damiba, président du Burkina Faso 

Crise en Afrique de l’Ouest: l’Église observe et accompagne

Dans une interview accordée à Vatican News, le président de l’unité universitaire de Bobo Dioulasso de l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest, père Édouard Adé estime qu’au vu de la situation sociopolitique dans la partie occidentale de l’Afrique, l’Église ne peut qu’observer et accompagner.

Donatien Nyembo – Cité du Vatican

Ces deux dernières années, un vent de coup d’État a soufflé dans la partie occidentale du continent africain. Le Mali en août 2020 et mai 2021, la Guinée Conakry en septembre 2021, le Burkina Faso en janvier 2022. La liste peut être complétée avec la tentative manquée en Guinée-Bissau en février 2022. L'effet domino, presque évident, conduit à s'interroger sur ce qu'il se passe réellement dans cette partie de l'Arique. Si nombreux pointent du doigt entre autres, l’échec des politiques publiques, la corruption électorale, la montée de l’extrémisme violent et une posture des populations à se tourner vers de nouveaux partenaires, le Père Édouard Adé, sociologue de formation et président de l’unité universitaire de Bobo Dioulasso de l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest, voit dans ce mouvement, l’expression d’un changement profond.

État de la démocratie en Afrique de l'ouest

Le prêtre béninois rappelle que vers la fin des années 80 et début 90, il y a eu un mouvement quasi général en Afrique de sortie des dictatures avec notamment l’organisation de conférences nationales souveraines en vue du renouveau démocratique. Malheureusement, remarque le père Adé, la démocratie a été vite réduite aux processus électoraux très souvent mitigés. A en croire le prêtre, le bilan des trois décennies de démocratie en Afrique est un échec. Il y a là un appel à mettre en place une démocratie qui soit véritablement «pouvoir du peuple et pour le peuple».

Dans cette situation, faudrait-il affirmer que ces coups d’État sont un aveu d’échec de la démocratie ou dire plutôt dire qu’ils sont paradoxalement l’expression de l’aspiration pour une véritable démocratie ? Le père Adé souligne un fait important: les renversements des présidents civils n’ont pas été suivi de contestation. Au contraire, les populations ont plutôt donné l’impression de soutenir les militaires, même si la majeure partie des gens, observe le président de l’UCAO, aspire à plus de démocratie et espère profondément que les militaires ouvriront la voie à une forme gouvernement civil.

Une démocratie inculturée

Pour le Père Adé, il faudrait que la démocratie en Afrique soit «inculturée». En d’autres termes, les peuples africains ne devraient pas faire un «transfert des modèles occidentaux» de démocratie, mais mettre en place «un modèle attentif au ressort socio-culturel profond de l’Afrique». Il fait cependant remarquer que dans ces pays africains, les dirigeants civils n’ont pas perdu leur légitimité du fait d’un système démocratique incompatible avec les réalités africaines mais au contraire pour avoir sapé leurs propres références démocratiques: des élections non transparentes, des moyens antidémocratiques pour se maintenir au pouvoir, etc. 

Le rôle de l'Église

Pour le président de l’unité universitaire de Bobo Dioulasso de l’Université Catholique d’Afrique de l’Ouest, il est très tôt pour affirmer que ces coups d’État sont un recul de la démocratie. Pour lui, cette crise est aussi une opportunité et un moment de maturation, c’est pourquoi l’attitude de l’Église est «une attitude positive, d'observation et d’accompagnement» de l'aspiration des peuples à des meilleurs conditions de vie et au développement.

Père Edouard Adé au micro de Jean Charles Putzolu

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23 février 2022, 16:52