Michel-Ange entre 1508 et 1512, plafond de la chapelle Sixtine, inaugurée par le Pape Jules II, le 31 octobre 1512. Michel-Ange entre 1508 et 1512, plafond de la chapelle Sixtine, inaugurée par le Pape Jules II, le 31 octobre 1512. 

À Malte, l’éloge du spirituel dans l’art par le cardinal Parolin

Le cardinal Pietro Parolin a inauguré la conférence européenne sur «L'équilibre entre conservation et spiritualité», organisée par la fondation de la co-cathédrale Saint-Jean, à La Valette, sur l’île de Malte, jeudi 11 mai. En présence de diplomates, de représentants de la culture et de figures ecclésiales, le secrétaire d’État du Saint-Siège a plaidé pour que l’art de restaurer les œuvres devienne une expérience spirituelle de rencontre avec le mystère.

Delphine Allaire – Cité du Vatican

«Promotrice et gardienne de l'art sacré à travers les siècles, l'Église a à cœur la promotion et la conservation de la culture et de l'art». En ces termes, le cardinal Parolin a évoqué la nécessaire préservation de «la relation symbiotique» entre la survie du patrimoine culturel et les récits spirituels et religieux.

S’appuyant sur la thèse du peintre et théoricien de l’art russe, Wassily Kandinsky, le diplomate italien a rappelé combien toute forme d'art incarne un élément de spiritualité (cf. Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier, 1910). «Tous les grands mouvements spirituels, y compris les mouvements non chrétiens, ont exercé une grande influence sur l'art à travers les âges», a-t-il souligné, dressant un parallèle entre les réflexions de Kandinsky et l’œuvre de Michel-Ange, «artiste le plus accompli du XVIe siècle», dont «l'intuition de l'art comme quelque chose de "sacré" reflétait sa conviction qu'il existe une relation extrêmement profonde entre l'art et la spiritualité».

 

Voir l'invisible

Le secrétaire d’État rappelle que l'Église catholique considère les artistes «comme de véritables collaborateurs» puisqu'ils ont «construit et orné ses temples, célébré ses dogmes et enrichi sa liturgie». De leur côté, les artistes ont aidé l'Église à traduire son message divin dans le langage des formes et des figures, «rendant ainsi palpable le monde invisible». Dans ce contexte, les conservateurs d’art demeurent les fidèles alliés des artistes. «Ce sont eux qui maintiennent vivante et perpétuent la spiritualité inscrite dans le patrimoine artistique et culturel de l'homme», constate le cardinal Parolin.

Ainsi, selon lui, il n'est pas exagéré d'affirmer qu'une science de la conservation fondée sur les valeurs «est par nature une forme de spiritualité», puisqu'elle vise «à prolonger dans le temps les valeurs attribuées aux dimensions matérielles et immatérielles de notre patrimoine», et à conserver la manifestation de la beauté divine qui brille dans le patrimoine religieux vivant. 

Les artistes, «géniaux constructeurs de beauté»

Dans sa Lettre aux artistes, publiée à la veille du Grand Jubilé de l'an 2000, saint Jean-Paul II a chaleureusement encouragé les artistes à rechercher de nouvelles "épiphanies" de la beauté. Comme l'a fait remarquer le Pape, note le cardinal Parolin, les artistes participent «à l'artisanat créatif de Dieu» à travers leurs œuvres d'art. «L'artiste divin transmet à l'artiste humain une étincelle de sa sagesse suprême».

Aussi, selon le cardinal italien, la conservation perpétue les valeurs spirituelles intangibles de la beauté, de la bonté et de la vérité telles qu'elles se manifestent dans le patrimoine culturel. Et le secrétaire d’État de citer Paul VI, s'adressant aux artistes depuis la chapelle Sixtine, le 7 mai 1964:

«Votre art consiste précisément à saisir les trésors du royaume céleste de l'esprit et à les revêtir de mots, de couleurs, de formes et d'accessibilité. Et pas seulement une accessibilité comme celle du professeur de logique ou de mathématiques, mais une accessibilité qui rend effectivement les trésors du monde inaccessible compréhensibles aux facultés cognitives des sens et à notre perception immédiate des choses. Vous avez également cette prérogative dans ce même acte par lequel vous rendez accessible et compréhensible le monde de l'esprit : conserver l'ineffabilité de ce monde, le sens de sa transcendance, son aura de mystère, ce besoin de l'atteindre avec facilité et effort simultanés».

La technocratie, antagoniste à l'art

L'un des thèmes dominants des homélies, discours et allocutions du Pape François est la "culture de la rencontre" qui, selon lui, commence par un changement d'attitudes et d'actions. En l’appliquant à la science de la conservation, le cardinal Parolin considère que la rencontre entre ceux qui travaillent dans le domaine de la conservation et le patrimoine culturel ne devrait pas être conditionnée par le paradigme technocratique qui promeut des attitudes, des approches et des préoccupations erronées limitées à la seule conservation du tissu physique des objets artistiques. Les gardiens de l'art s'occupent à la fois de la dimension physique et externe de notre patrimoine culturel et de sa réalité intangible et suprasensible. Or, dans Laudato si’, le Pape François déplore que l'horizon actuel de la technocratie réduise tous les objets à l'efficacité, à la recherche du profit et au consumérisme. «Mais lorsque la sagesse l'emporte sur l'orgueil technocratique, le processus de conservation culturelle devient une rencontre avec la réalité sacrée qui se manifeste au-delà de l'apparence superficielle», a observé le cardinal Parolin, plaidant pour que le processus de conservation devienne une expérience spirituelle de rencontre avec le mystère.

La diplomatie culturelle vaticane

Le Saint-Siège joue un rôle actif en soutenant les stratégies de conservation du patrimoine culturel. Sa diplomatie de l’art s’exprime notamment à travers les positions de ses observateurs permanents auprès de l'Unesco; actuellement, le Béninois Mgr Éric Soviguidi, qui a succédé en 2021 à l'Italien Mgr Francesco Follo. Le Saint-Siège est signataire de la Déclaration européenne sur les objectifs culturels (Berlin, 1984) et, depuis 1962, membre de la Convention culturelle européenne, du ressort du Conseil de l'Europe. En 1993, Jean-Paul II a créé, au sein de la Curie, la Commission pontificale pour le patrimoine culturel de l'Église, ultérieurement unifiée au Conseil pontifical pour la Culture.

Merci d'avoir lu cet article. Si vous souhaitez rester informé, inscrivez-vous à la lettre d’information en cliquant ici

11 mai 2023, 13:48