Le Pape François prie pour la renaissance du Liban

Alors que Beyrouth continue à panser ses plaies, cinq jours après la double explosion survenue dans le port de la capitale libanaise et dans un climat de graves tensions politiques et sociales, le Pape François a exprimé ce dimanche son attention et son affection pour le Pays du Cèdre, exhortant à la compassion et à la solidarité.

«Ces jours-ci, ma pensée retourne souvent au Liban», a assuré le Pape François après la prière de l’Angélus, alors que le bilan de la double explosion survenue mardi dans le port de Beyrouth s’élève désormais à près de 160 morts et plus de 6000 blessés. «La catastrophe de mardi dernier nous appelle tous, à commencer par les Libanais, à collaborer pour le bien commun de ce pays bien-aimé», a expliqué François, en saluant chaleureusement un groupe de Libanais présents sur la Place Saint-Pierre et dont il avait reconnu le drapeau.

«Le Liban a une identité particulière, fruit de la rencontre de différentes cultures, qui a émergé au fil du temps comme un modèle du vivre ensemble», a insisté l’évêque de Rome. «Bien sûr, cette coexistence est maintenant très fragile, mais je prie pour qu’avec l’aide de Dieu et la participation loyale de tous, elle puisse renaître libre et forte. J’invite l’Église au Liban à être proche du peuple dans son Calvaire, comme elle est en train de le faire ces jours-ci, avec solidarité et compassion, avec le cœur et les mains ouvertes au partage.»

Le Pape François a également une nouvelle fois appelé à une «aide généreuse de la part de la communauté internationale». «Vierge de Harissa, Reine du Liban, prie pour nous!», a-t-il exhorté. «Et je demande aux évêques du Liban, aux prêtres, aux religieux, de se faire proches de la population et de vivre dans un esprit empreint de pauvreté évangélique, sans luxe, parce que votre peuple souffre, et il souffre beaucoup», a ajouté François, avec gravité et fermeté.

Une population traumatisée et en colère

Cet appel a été lancé dans une contexte particulièrement douloureux pour le Pays du Cèdre. Déjà confronté à un effondrement économique et à un enlisement politique qui provoquent la colère de la population, le Liban a vécu l’un des plus graves traumatismes collectifs de son histoire avec la double explosion de mardi. Au très lourd bilan des morts et des blessés s’ajoute la précarité des 300 000 personnes sans-abri, qui rencontrent déjà des problèmes d’approvisionnement alimentaire et de sécurité en raison des risques de pillage et d’effondrement des immeubles fragilisés, sans oublier les risques sanitaires liés à la pandémie de Covid-19. Pour une grande partie de la population libanaise, ces explosions, dont l’origine accidentelle ou non fait encore débat, symbolisent l’effondrement d’un État incapable d’assurer la sécurité de ses citoyens. Le stockage de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium dans une zone habitée est considéré comme le signe, au mieux, d’une négligence criminelle, voire d’une intention terroriste, selon certains Libanais.

Le mouvement de contestation à l’encontre du gouvernement, amorcé à l’automne 2019 et mis en sourdine par la pandémie de Covid-19 et la crise économique, a été réactivé ce samedi après-midi avec un rassemblement convoqué sur les réseaux sociaux et intitulé «le jour du jugement». D’importantes manifestations ont secoué le pays, et des ministères ont été pris d’assaut par la foule, notamment le ministère des affaires étrangères, rebaptisé quelques instants «Quartier général de la Révolution» avant une reprise en mains par les forces de l’ordre. Plus d’une centaine de personnes ont été blessées dans les heurts et un policier a perdu la vie.

Pour tenter de désamorcer la tension, le Premier ministre Hassan Diab a proposé l’organisation d’élections anticipées, mais beaucoup de Libanais demeurent sceptiques et pointent plutôt l’urgence d’une réforme de la Constitution afin de sortir des logiques confessionnelles et claniques qui biaisent les résultats électoraux. Au Liban, la répartition des postes au Parlement et au gouvernement est en effet plus liée à des appartenances communautaires qu’à des compétences établies sur les dossiers à traiter. Le Patriarche maronite, le cardinal Bechara Raï, a appelé à la démission du gouvernement et du Parlement.

La mobilisation de la communauté internationale

Une conférence en ligne, organisée à l'initiative de la France et de l'ONU, se tient ce dimanche à partir de 14h (heure de Paris). Elle doit marquer le début d'une «démarche d'urgence et d'espoir pour l'avenir» du pays, a indiqué samedi la présidence française. Premier dirigeant à se rendre dans la capitale libanaise après l'explosion meurtrière, le président français Emmanuel Macron a promis jeudi à Beyrouth une aide rapide et massive de la communauté internationale. Il a obtenu le soutien, entre autres, du président américain Donald Trump.

Outre les États et les institutions internationales, de très nombreuses associations et communautés se mobilisent également, notamment L’Œuvre d’Orient qui a lancé une collecte sous le nom Urgence Beyrouth. La diaspora libanaise dans le monde et les réseaux de soutien aux Églises orientales ont activé leurs réseaux pour secourir la population, afin notamment de réhabiliter les hôpitaux, dont beaucoup ont été endommagés lors de la catastrophe de mardi et ont subi des pertes parmi les personnels et les patients, tout en accueillant les blessés par centaines. La remise en état des écoles, si possible avant la rentrée scolaire, fait aussi partie des défis prioritaires à relever afin de redonner un espoir et un avenir à la jeunesse libanaise.

Pour sa part, le Pape François a débloqué un fond d'aide de 250 000 euros, via le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral.

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09 août 2020, 12:14