L'activiste Rebecca Kabuo, le musicien Pytchens Kambilo et le chorégraphe Yves Mwamba (de gauche à droite) L'activiste Rebecca Kabuo, le musicien Pytchens Kambilo et le chorégraphe Yves Mwamba (de gauche à droite) 

«Voix intérieures (manifeste)», l’art au service de la lutte citoyenne

Dans un spectacle qui se veut un manifeste contre l’absurdité du monde, le chorégraphe, danseur et performeur congolais Yves Mwamba, allie danse, parole et musique pour plaider en faveur du respect de la dignité et des droits fondamentaux de ses compatriotes qui ne savent ou ne peuvent s’exprimer.

Christian KOMBE SJ - Cité du Vatican

« Voix intérieures (manifeste) » est le nom du spectacle du chorégraphe Yves Mwamba auquel ont collaboré notamment Rebecca Kabuo, activiste et militante du mouvement citoyen Lucha (lutte pour le changement) et le musicien guitariste Pytchens Kambilo, tous trois congolais.

Une rencontre inoubliable

Pour Yves Mwamba, à la genèse de son spectacle se trouve d’une part, son désir de questionner la notion de censure en République Démocratique du Congo, et d’autre part, sa rencontre inoubliable avec l’activiste Luc Nkulula de la Lucha. « Lorsque je suis retourné en 2017 à Kisangani, ma ville natale, j’ai fait la rencontre de Luc Nkulula, membre fondateur de la Lucha (lutte pour le changement) ». Cette rencontre sera une révélation pour lui. Fasciné par le charisme et l’engagement de cet activiste, qui mourra en 2018 dans l’incendie de sa maison,  Yves Mwamba découvre la force énorme d’une jeunesse engagée dans l’éveil de la conscience collective. Il découvre des jeunes déterminés à porter les voix de leurs compatriotes étouffées par les bruits de l’injustice, de la guerre, de l’insécurité et de multiples frustrations et privations.

C’est avec ces jeunes que M. Mwamba a décidé de collaborer pour son spectacle. « Il était hors de question que je sois seul sur scène dans ce spectacle et il était important pour moi, au-delà d’avoir des témoignages, d’avoir également une personne de terrain sur scène avec moi. Rebecca est pour moi l’alter-ego de Luc, avec son charisme, sa détermination et surtout son implication dans le mouvement citoyen Lucha. C’est pourquoi je l’ai invitée dans le spectacle pour témoigner de son vécu et celui de nos frères et sœurs », avoue-t-il.

Rebecca Kabuo, la voix qui parle au nom des voix intérieures

Pour la militante Rebecca Kabuo, la culture et l’art ont une force qui peut servir la cause des faibles. « Je pense qu’on a ignoré la force de la danse, on a ignoré la force de la parole, on a ignoré la force de la musique », déclare-t-elle. Elles peuvent constituer une forme de manifestation, une manière de parler des causes communes, de donner une tribune aux oubliés de la nation. Voix intérieures parle de ce que les congolais ont envie d’exprimer, mais pour lequel ils n’ont pas souvent d’espace, souligne l’activiste. «C’est cette volonté de changement que le peuple congolais a, mais qu’il n’arrive pas à extérioriser ». La pièce offre ainsi aux voix inaudibles du Congo un espace de parole sur scène à travers le triangle artistique du corps, de la parole et de la musique.

En collaborant avec le chorégraphe Yves Mwamba, la jeune native de Goma, qui a rejoint la Lucha en 2012, veut montrer que la lutte citoyenne pour une bonne gouvernance et le respect des droits humains dans son pays peut se manifester à travers divers canaux, dont ceux de la culture et de l’art.  «On peut changer le pays avec la culture».

Un hommage et un appel à l’engagement de la jeunesse

Voix intérieures se veut également un hommage à la jeunesse qui lutte pour un devenir meilleur, et un appel à celle qui traine encore les pas. « Dans ce spectacle, explique l’auteur, je rends hommage au militantisme d’une jeunesse engagée, mais bafouée, pacifique et déterminée, non violente et pourtant brûlée vive. Que cette jeunesse continue avec le point levé à mener la lutte, à garder cette force de résistance et à rester débout, à ne pas perdre espoir».

Mais Yves Mwamba se veut avant tout artiste. Si « Voix intérieures » est une pièce engagée, le chorégraphe n’accepte pas que l’on réduise son art au seul engagement politique. «Je fais tout simplement de l’art. Mais je ne suis pas insensible à la situation de mon pays. Montalembert a dit: “Vous avez beau ne pas vous occuper de politique, la politique s’occupe de vous tout de même”. En tant que citoyen congolais, bien plus en tant que citoyen du monde, je suis lié de près ou de loin à la politique. Ainsi, tout ce qui touche mon environnement immédiat, ma société, m’intéresse».

Une tournée africaine à l’horizon

Après les diverses présentations de « Voix intérieures » durant la saison culturelle en France, le trio espère se produire en Afrique, en particulier en République démocratique du Congo. «Mon plus grand souhait est que cette pièce chorégraphique “Voix intérieures/Manifeste” qui a commencé au Congo, à Kisangani précisément, soit joué là-bas et partout en Afrique, j’estime que ça mérite d’être partagé avec nos frères et sœurs du continent».

Audio Embed Extrait de l'interview avec l'activiste Rebecca Kabuo sur le spectacle "Voix intérieures (manifeste)"

 

 

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01 décembre 2021, 16:06