Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 28 septembre 2019. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d'État du Saint-Siège, lors de l'Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 28 septembre 2019.  

Le Vatican souhaite une conférence pour la paix en Europe dans l’esprit d’Helsinki

L'ambassade d'Italie près le Saint-Siège a accueilli mardi 13 décembre une conférence, en collaboration avec la revue de géopolitique Limes et les médias du Vatican, pour rappeler «l'esprit d'Helsinki» comme proposition d'avenir. Le secrétaire d'État du Saint-Siège, le cardinal Pietro Parolin y a exhorté à «écrire une nouvelle page de l'histoire de l'Europe et du monde».

Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican

Les «erreurs» et les «horreurs», les appels et les négociations, les litiges et les lueurs de paix, l'usure du monde et les larmes du Pape. Dans la salle des tapisseries -Sala degli Arazzi- du palais Borromeo de Rome, siège de l'ambassade d'Italie près le Saint-Siège, le cardinal secrétaire d'État, Pietro Parolin, est revenu sur les dix mois de guerre en Ukraine «qui ont commencé avec l'agression perpétrée par l'armée de la Fédération de Russie», mais aussi sur l'avenir, en appelant à l'engagement universel pour la réalisation d'une grande conférence de paix pour l'Europe, dans le sillage de la conférence d'Helsinki de 1975 pour une paix durable en pleine guerre froide.

 

Le cardinal Parolin s'est exprimé à l'occasion de la conférence «L'Europe et la guerre, de l'esprit d'Helsinki aux perspectives de paix», événement promu par l'ambassade italienne près le Saint-Siège, en collaboration avec la revue géopolitique Limes et les médias du Vatican. L'idée d'organiser une telle rencontre est née des dialogues et de la confrontation quotidienne entre la revue de géopolitique Limes et les médias du Saint-Siège, qui, depuis le 24 février, se sont engagés à «décrire la brutalité de la guerre», à raconter les histoires des victimes et des réfugiés, à se faire l'écho des appels du Pape et, parfois, à accueillir des «voix hors du chœur».

«Faire revivre» l'esprit d'Helsinki

La conférence d'Helsinki et «l'esprit» qu'elle a suscité ont été au centre des différentes interventions. La référence à cet événement historique, auquel le Saint-Siège a également participé avec une délégation dirigée à l’époque par le cardinal Agostino Casaroli, n'est pas récente mais a déjà été proposée ces derniers mois par le président de la République italienne Sergio Mattarella, le cardinal Parolin et le Pape François lui-même. Ce matin, au palais Borromeo, il ne s'agissait pas d'analyser Helsinki mais de discuter «avec créativité et courage» des possibilités de revenir à la table des négociations.

Un souhait qui se heurte à la réalité: «Aujourd'hui, il n'y a pas de conditions pour répéter ce qui s'est passé à Helsinki», a déclaré le cardinal Parolin au début de son discours. Toutefois, nous devons nous efforcer d’en «raviver l'esprit»: «Nous devons faire face à cette crise, à cette guerre et aux nombreuses guerres oubliées, avec de nouveaux outils. Nous ne pouvons pas lire le présent et imaginer l'avenir uniquement sur la base de vieux modèles, d'anciennes alliances militaires ou de la ‘’colonisation idéologique et économique’’».

«Le risque d'accoutumance»

Le secrétaire d'État a évoqué le magistère des Papes, de Pacem in Terris à Fratelli tutti, et les chroniques qui, depuis le 24 février, rapportent des images sanglantes: civils morts, enfants sous les décombres, soldats tués, personnes déplacées, villes à moitié détruites dans le noir et le froid. Face à cette douleur, «il y a le risque d'accoutumance», a observé le cardinal. En ce sens, a-t-il souligné, les larmes du Pape aux pieds de l'Immaculée Conception sont «un puissant antidote contre le risque de l'habitude et de l'indifférence». Le cardinal a également rappelé l'appel du Pape François «à recourir à tous les instruments diplomatiques, même ceux inutilisés jusqu'à présent» pour parvenir à «une paix juste». Une paix qui semble être un objectif lointain, surtout au cours des dernières semaines, qui, malgré «quelques lueurs d'espérance» pour une éventuelle reprise des négociations, ont également vu «des fermetures et l'escalade des bombardements».

«Faisons-nous tout ce que nous pouvons?»

Le cardinal Parolin a donné la parole à la terreur, parce qu'il y a eu «une reprise des discussions sur l'utilisation de dispositifs nucléaires et de la guerre atomique comme éventualités possibles», et à la préoccupation «que dans plusieurs pays du monde la course au réarmement s'est accélérée, avec d'énormes investissements d'argent» qui devraient plutôt être utilisés pour la nourriture, le travail, les soins médicaux.

«Nous ne pouvons que nous demander si nous faisons vraiment tout, tout ce qui est possible, pour mettre fin à cette tragédie!», a déclaré le secrétaire d'État. D'où une nouvelle invitation sincère à tous les protagonistes de la vie internationale, dans le sillage de l'angélus du Pape du 2 octobre, à «faire tout leur possible pour mettre fin à la guerre actuelle, sans se laisser entraîner dans de dangereuses escalades, et à promouvoir et soutenir les initiatives de dialogue».

Une grande conférence européenne

«Nous avons besoin de courage, nous avons besoin de parier sur la paix et non sur l'inévitabilité de la guerre... Pourquoi ne pas travailler ensemble pour réaliser une nouvelle grande conférence européenne dédiée à la paix?», a demandé le cardinal Parolin, suggérant «une plus grande implication, organisée et préétablie, de la société civile européenne, des mouvements pacifistes, des think-tanks et des organisations qui, à tous les niveaux, travaillent pour éduquer à la paix et au dialogue». Cette participation, a-t-il assuré, pourrait contribuer à «rafraîchir et à rajeunir ces concepts de paix et de solidarité qui sont rappelés, parfois de manière symbolique et selon les convenances».

«Nous devons oser davantage et nous engager davantage», a ajouté le secrétaire d’État du Saint-Siège. «Ne reléguons pas le désir de paix qui habite le cœur de nos peuples au grenier des rêves irréalisables!». Pour sa part, le Saint-Siège, a conclu le cardinal, «est prêt à faire tout son possible» pour favoriser une voie de dialogue et de coopération. «Engageons-nous tous à écrire une nouvelle page de l'histoire de l'Europe et du monde, pour mettre fin à la barbarie fratricide en cours en Ukraine».

La première étape du cessez-le-feu

Pour Andrea Riccardi, fondateur de Sant'Egidio, il y a «le spectre que le conflit s'éternise comme en Syrie et avec les conflits de notre monde global». «L'esprit d'Helsinki est perdu et nous nous trouvons dans une perspective de guerre sans paix... Helsinki a été le fruit d'un compromis, bien que critiqué à l'époque, et l'origine d'une grande vision: l'inviolabilité des frontières, le statu quo, la coopération européenne».

«Cette vision est ce qui manque aujourd'hui. Pour surmonter la guerre, nous devons nous demander quelle Europe nous voulons», a déclaré Andrea Riccardi. «Pour commencer à regarder vers l'avenir, nous devons essayer de geler une guerre aussi intense. Il est difficile de chercher les chemins de la paix sans vision et avec une guerre qui consomme nos énergies». Une première étape serait «un cessez-le-feu, au moins une trêve de Noël». Mais, a demandé Riccardi, «comment proposer une trêve et un cessez-le-feu dans un cadre où tout est engagé dans les armes et rien ou peu dans la diplomatie? Nous devons arrêter le train qui ne va que vers une seule voie, celle du conflit. Il est nécessaire de refroidir la guerre pour regarder vers demain».

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13 décembre 2022, 15:00