Le Pape François lançant une couronne de fleurs à la mer devant l'île italienne de Lampedusa pour commémorer les centaines de migrants venus d'Afrique, morts en tentant de traverser la Méditerranée. Le Pape François lançant une couronne de fleurs à la mer devant l'île italienne de Lampedusa pour commémorer les centaines de migrants venus d'Afrique, morts en tentant de traverser la Méditerranée. 

Il y a neuf ans, Lampedusa, premier voyage du pontificat de François

C'était le 8 juillet 2013, le premier voyage du pontificat de François. Le Pape avait choisi Lampedusa, entre la Sicile et la Tunisie, pour parler de la «mondialisation de l'indifférence», ce qui l'amènera, au fil des ans, à dénoncer à de nombreuses reprises l'indifférence à l'égard de son prochain et à condamner la culture du déchet.

Andrea De Angelis - Cité du Vatican

Les regards surpris et émus des migrants, la couronne de fleurs jetée sur les eaux de la Méditerranée, la prière et la dénonciation de cette «mondialisation de l'indifférence» qui, au fil des ans, amènera François à dénoncer à plusieurs reprises la culture du déchet. Le voyage du Pape à Lampedusa, le premier en dehors du diocèse dont il est l'évêque, reste indélébile dans l'histoire de ce pontificat. Aujourd'hui, neuf ans après ce 8 juillet 2013, les projecteurs sont à nouveau braqués sur Lampedusa, une île qui continue à sauver et à accueillir des dizaines de personnes chaque jour. Une frontière entre deux continents, lieu symbolique du XXIe siècle.

«Une épine dans le cœur»

«Immigrés morts en mer, dans ces bateaux qui au lieu d’être un chemin d’espérance ont été un chemin de mort. Ainsi titrent des journaux. Il y a quelques semaines, quand j’ai appris cette nouvelle, qui malheureusement s’est répétée tant de fois, ma pensée y est revenue continuellement comme une épine dans le cœur qui apporte de la souffrance.» Ainsi débutait l'homélie du Pape au terrain de sport Arena, où était célébrée la messe. François a lancé un défi au monde, sans exclure personne:

«Dieu demande à chacun d'entre nous: "Où est le sang de ton frère qui crie vers moi?". Aujourd’hui personne dans le monde ne se sent responsable de cela; nous avons perdu le sens de la responsabilité fraternelle; nous sommes tombés dans l’attitude hypocrite du prêtre et du serviteur de l’autel, dont parlait Jésus dans la parabole du Bon Samaritain: nous regardons le frère à demi mort sur le bord de la route, peut-être pensons-nous «le pauvre», et continuons notre route, ce n’est pas notre affaire; et avec cela nous nous mettons l’âme en paix, nous nous sentons en règle. La culture du bien-être, qui nous amène à penser à nous-même, nous rend insensibles aux cris des autres, nous fait vivre dans des bulles de savon, qui sont belles, mais ne sont rien; elles sont l’illusion du futile, du provisoire, illusion qui porte à l’indifférence envers les autres, et même à la mondialisation de l’indifférence. Dans ce monde de la mondialisation, nous sommes tombés dans la mondialisation de l’indifférence. Nous sommes habitués à la souffrance de l’autre, cela ne nous regarde pas, ne nous intéresse pas, ce n’est pas notre affaire!» Le Pape a fait référence à l’œuvre du dramaturge milanais Alessandro Manzoni (1785-1873), dans son roman historique Les Fiancés: «Revient la figure de l’Innommé de Manzoni. La mondialisation de l’indifférence nous rend tous "innommés", responsables sans nom et sans visage».


L'engagement sans faille envers chaque personne

Cette indifférence, cette «vie dans des bulles de savon» a été soulignée à plusieurs reprises par le Pape au fil des ans. À l'occasion de plusieurs anniversaires liés au 8 juillet, François a voulu reprendre ce chemin, appelant chacun à une responsabilité partagée. Il y a trois ans, par exemple, dans l'homélie de la messe du sixième anniversaire de sa visite à Lampedusa, il a souligné que les migrants «sont le symbole de tous les rejetés de la société mondialisée» et a rappelé les «violés dans les camps de détention», qui «défient les vagues d'une mer impitoyable». Ils font partie des derniers «que Jésus nous demande d'aimer et de relever».

Lampedusa aujourd'hui

Après neuf ans, quelle est la situation sur l'île de Lampedusa? Face à l'immense défi de la pandémie et à la tragédie de la guerre en Ukraine, le drame des migrants en Méditerranée risque-t-il d'être sous-estimé? Quelles politiques l'Union européenne a-t-elle adoptées pour faire face à ce qui est une responsabilité partagée? «Le voyage d'il y a neuf ans avait une valeur forte, depuis, le Pape n'a jamais baissé son attention sur les tragédies en mer et ses préoccupations ont toutes été confirmées», relève Oliviero Forti, responsable de la politique migratoire et de la protection internationale à la Caritas Italie.

La route migratoire de la Méditerranée centrale, la plus dangereuse au monde, a toutefois perdu de son intérêt, tant dans l'opinion publique que dans le monde politique, en raison de la pandémie et d'autres événements internationaux, souligne le représentant de Caritas. «Nous sommes en train de nous rendre compte, malgré les avertissements fermes du Pape, d'une désaffection des politiques migratoires visant à la bonne gestion des flux», poursuit-il, notant comment le débat s'est davantage centré sur les activités de contrôle. «Cela va à l'encontre de ce que François et d'autres ont dit, ce n'est donc pas un moment favorable. Le fait de ne pas en parler ou d'en parler moins, conclut-il, ne signifie pas que le problème s'est atténué, il s'est même aggravé à certains égards». Bien au contraire, selon Donatella Parisi, responsable communication du Centre Astalli, en se rendant à Lampedusa en 2013, «le Pape a allumé un phare, faisant de l'île le centre du monde».


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08 juillet 2022, 12:12