Travaux de réparation avant la rentrée scolaire dans une école de Beyrouth, le 24 septembre 2020. Travaux de réparation avant la rentrée scolaire dans une école de Beyrouth, le 24 septembre 2020. 

La rentrée scolaire au Liban, pour passer du traumatisme à l’espérance

Les écoles libanaises ont repris leurs activités ce lundi 12 octobre, dans une période qui demeure extrêmement difficile pour le Pays du Cèdre.

Cyprien Viet – Cité du Vatican

Ce lundi 12 octobre est le jour de la rentrée scolaire au Liban, avec quelques semaines de décalage sur la date initialement prévue, dans un contexte toujours incertain et douloureux. Certaines mesures de confinement annoncées récemment ont toutefois empêché certains élèves d'effectuer une rentrée physique comme prévu. La reprise de l'enseignement à distance, comme au printemps dernier, pose de nombreuses difficultés, notamment dans les foyers dont l'accès à internet, voire à l'électricité, n'est pas assuré en permanence.

Aux problèmes d’organisation liés à la pandémie de Covid-19 s’ajoutent les difficultés économiques qui touchent la plupart des familles et des écoles en raison de l’effondrement du système financier libanais. Les établissements francophones dépendent souvent de l’aide du gouvernement français et de l’Œuvre d’Orient pour survivre. Enfin, l’explosion du 4 août dernier dans le port de Beyrouth a endommagé des dizaines d’écoles, et certains élèves et enseignants abordent cette rentrée avec des traumatismes toujours vifs.

Une situation précaire pour l’ensemble du système éducatif

Marlène El Hélou, est la directrice adjointe du Collège La Sagesse – Section Saint-Jean Brasilia, à Baabda, dans la banlieue de Beyrouth, un établissement francophone fondé en 1960, et qui compte actuellement plus de 1900 élèves. Ce collège fut le premier établissement à appliquer la mixité au Liban et à mettre en œuvre la méthode Montessori. Il relève de l’archevêché maronite de Beyrouth, et depuis 1998 il est homologué par le ministère français de l'Éducation nationale et il est reconnu par l’AEFE, l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger.

L’établissement doit faire face à de graves difficultés budgétaires. Les salaires du corps enseignant et administratif ont été réduits de moitié, et l’archevêque a décidé de dispenser les familles du 3e versement des frais de scolarité annuelle. L’enseignement privé, majoritairement catholique, concerne environ 70% des jeunes Libanais, et son financement dépend entièrement des familles et de l’Église.

La situation est encore plus critique pour les écoles catholiques semi-publiques, qui devraient normalement être soutenues par l'État. Elles pâtissent du manque de soutien de l’État libanais, qui demeure paralysé par la crise gouvernementale actuelle. Certaines écoles ont dû fermer leurs portes, ou licencier une partie de leur personnel. L'Œuvre d'Orient vient en aide à certaines de ces institutions.

«Le Liban traverse depuis plus d’un an une crise économique très sévère et qui a eu des répercussions sur tous les secteurs et spécialement sur le réseau scolaire. La dévaluation de la monnaie nationale a réduit le pouvoir d’achat des Libanais à 10% de son niveau antérieur», explique Marlène El Hélou. «Près de 50 % des Libanais se sont retrouvés sans emploi, et une grande partie des employés ne touchent que la moitié de leur salaire. Les parents d’élèves se sont retrouvés incapables de payer les frais de scolarité de leurs enfants, et de ce fait les établissements sont en difficulté pour payer les salaires des enseignants et des employés.»

La catastrophe du 4 août a aggravé la crise

L’explosion du port de Beyrouth, le 4 août dernier a aggravé cette situation déjà très inquiétante. Près de 150 écoles ont été touchées, dont certaines ont été totalement détruites. Une partie des élèves devront donc continuer à suivre des cours à distance, non seulement à cause de la pandémie, mais aussi en raison de l’indisponibilité des locaux.

Lors de ses visites du 6 août et du 1er septembre, le président français Emmanuel Macron a promis de soutenir et aider les établissements francophones, qui œuvrent depuis de longues années à promouvoir la langue et la culture françaises. Un plan d’aide d’urgence a été mis en place afin de prendre en charge une partie des frais de scolarité pour l’année 2020-2021. Chaque établissement homologué a préparé une liste des familles en difficulté et l’ambassade de France a étudié leurs dossiers. Un montant de cinq millions de livres libanaises sera versé à chaque élève dont le dossier aura été accepté. Au total, peu avant la rentrée, environ 19 000 demandes avaient été déposées, précise Marlène El Hélou.

Une autre aide sera directement versée aux établissements homologués par l'AEFE, pour la réparation des dégâts causés par l’explosion. Son montant dépend des expertises effectuées par les experts et architectes. Par ailleurs, en complémentarité avec les autorités françaises, L'Œuvre d’Orient contribue à aider les autres écoles catholiques francophones, soit par le paiement des frais de scolarité, soit en aidant à la réparation des écoles endommagées. L’Unesco assure également des aides financières dans le domaine culturel.

Réparer les blessures physiques et psychiques

Le Liban est aujourd’hui, collectivement, un pays traumatisé. La consommation massive d’antidépresseurs, du moins pour les couches de la population ayant le moyen de s’acheter ces traitements, est un révélateur du stress post-traumatique qui affecte de nombreuses personnes. Les plus jeunes n’y échappent pas. «La situation économique catastrophique à laquelle est venue s’ajouter l’explosion du 4 août a laissé des traces chez tous les Libanais de tout âge. Il y a eu un traumatisme général», reconnaît Marlène El Hélou.

Cependant, la rentrée scolaire, même dans des conditions encore difficiles, peut représenter une occasion de rétablir un sentiment de sécurité et de confiance en l’avenir, ou au moins de mettre des mots sur les maux.... «Dans les écoles , les psychologues scolaires jouent un rôle très important. À la session de pré-rentrée, ils ont expliqué aux enseignants comment communiquer avec les élèves, les aider à exprimer leurs angoisses et leurs peurs. Dans les premiers jours après la rentrée, les psychologues passeront dans toutes les classes pour parler aux élèves et ils restent à tout moment à la disposition des parents, des enseignants et des élèves qui ont besoin d’un soutien psychologique», explique-t-elle.

Elle tient tout de même à souligner la résilience du peuple libanais et l’espérance qui l’anime. «Depuis des années le Liban souffre de guerres, de crises politiques et économiques et les Libanais ont toujours su relever les défis et se remettre sur pied. Nous ne cachons pas notre tristesse de voir beaucoup de nos jeunes quitter le pays pour d’autres cieux plus sereins et plus cléments. Mais une grande partie reste attachée à sa patrie. Nos jeunes possèdent un grand potentiel éducatif et culturel, ils ont de la volonté, de la persévérance et de l’endurance. Forts de leur foi et de leur espérance en Dieu, ils luttent pour un avenir meilleur. N’oublions pas que Notre-Dame-du-Liban a toujours été leur douce maman du ciel qui intercède pour eux dans les moments difficiles», assure la directrice adjointe du collège.

Elle relève aussi un motif d’espérance dans le comportement des jeunes Libanais lors des heures et des jours qui suivirent la catastrophe du 4 août. «Voir de jeunes lycéens et étudiants, balais et pelles à la main, déblayer les quartiers endommagés par l’explosion a redonné de l’espoir aux Libanais qui ont vu en cette jeunesse l’avenir du Liban. Notre rôle est de les accompagner dans leurs parcours, de les soutenir et de les fortifier.»

 

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12 octobre 2020, 12:47