Mgr George Tambala, archevêque de Lilongwe et président de la Conférence des Évêques Catholiques du Malawi Mgr George Tambala, archevêque de Lilongwe et président de la Conférence des Évêques Catholiques du Malawi 

Les évêques du Malawi dénoncent une mauvaise gouvernance dans le pays

Les évêques catholiques du Malawi affirment que sous le gouvernement actuel du président Lazarus Chakwera, le pays est témoin d'un «échec flagrant de leadership». Les prélats se sont exprimés dans une lettre pastorale lue dans toutes les paroisses dimanche 25 février 2024, deuxième dimanche de Carême.

Paul Samasumo – Cité du Vatican

La lettre pastorale intitulée «La triste histoire du Malawi», publiée dans toutes les paroisses du pays à l'occasion du deuxième dimanche de Carême, est un signal de défiance cinglant à l'égard du gouvernement de l'Alliance Tonse (Alliance ensemble) du Malawi, dirigé par le théologien pentecôtiste Lazarus Chakwera.

Il y a quatre ans: hier et aujourd'hui

Entre 2019 et 2020, les Malawiens se sont mobilisés pour le changement. Ils sont descendus dans la rue et ont fini par obtenir le changement qu'ils souhaitaient. Lazarus Chakwera a été élu président sur la base d'un programme visant à éradiquer la faim, à créer un million d'emplois dès la première année, à favoriser le développement des infrastructures et à faire respecter l'État de droit. Le nouveau gouvernement, issu de l'Alliance Tonse, s'est également engagé à lutter contre la corruption et le népotisme, à promouvoir le recrutement par le mérite au sein du gouvernement et à limiter les pouvoirs présidentiels.

Quatre ans plus tard, les évêques affirment que la vision promise d'une nation prospère, inclusive et centrée sur la jeunesse est devenue encore plus insaisissable. La pauvreté, la faim et les maladies ont augmenté et, si rien n'est fait d'urgence, la situation pourrait empirer.

«Si les Malawiens se demandent "si leur situation est meilleure aujourd'hui qu'il y a quatre ans", la réponse de la grande majorité d'entre eux est un "Noncatégorique. Il est clair que l'histoire que le gouvernement de l'Alliance Tonse nous a racontée avant d'être élu au pouvoir ne se réalise pas», concluent les prélats malawiens.


Bagamoyo, au lieu de la terre promise

Les évêques affirment que si le gouvernement de Lazarus Chakwera avait promis aux citoyens la terre promise, ils constatent qu'il les a conduits à Bagamoyo, un ancien port de commerce sur la côte Est-Africaine de la Tanzanie, devenu tristement célèbre pour son commerce d'esclaves au XIXe siècle, et d’où tout espoir de liberté était perdu.

Cette image forte tranche avec l'euphorie qui a envahi les Malawiens lors des élections de 2020. «Chers compatriotes, nous sommes désolés de dire qu'en raison de toutes les difficultés et de tous les échecs, la plupart des Malawiens ont perdu espoir dans le gouvernement Tonse et ses dirigeants», déplorent les évêques.

«Au lieu d'atteindre la terre promise de la prospérité, nous sommes enlisés dans la même terre que nous voulions quitter, à savoir la terre de la faim, de la maladie, de la pauvreté et de la corruption. C'est pourquoi la plupart des Malawiens, à l'exception de quelques rares personnes bien informées, sont convaincus qu'ils ne peuvent rien faire d'autre pour redresser le pays ou améliorer les conditions de vie qui se détériorent», affirment-ils.

Un dialogue infructueux avec le Président de la République

Les évêques déclarent qu'avant de rendre publique leur lettre pastorale, ils ont, à de nombreuses reprises, engagé le dialogue avec le président Chakwera et son gouvernement, mais en vain.

«Conscients de notre rôle prophétique, qui est d'être la voix des sans-voix, nous avons engagé plusieurs fois le dialogue en privé avec le président de l'État. Pourtant, nous ne voyons aucun changement positif dans la gouvernance générale de notre cher Malawi ni aucune amélioration de la situation de nos frères et sœurs pauvres dans tout le pays. Nous avons averti à plusieurs reprises les dirigeants du gouvernement que si la mauvaise gouvernance se poursuivait, l'état de notre nation deviendrait bien pire qu'il y a quatre ans. Malheureusement, notre prédiction s'est réalisée», regrettent les évêques. Les pasteurs du Malawi soulignent que bien que leurs «efforts pour impliquer les dirigeants du gouvernement aient été largement infructueux, en tant que chrétiens, nous continuerons dans l'espoir d'un changement à un moment ou à un autre. Dans l'espoir d'accélérer ce changement, nous amplifions par la présente le cri des pauvres et des Malawiens qui souffrent en adoptant une approche différente».

Dans ce pays d’Afrique australe, le pouvoir judiciaire fait également l'objet d'une censure. «Même le pouvoir judiciaire semble avoir abandonné son intégrité et s'être embourbé dans la corruption et la partisanerie», déplorent-ils encore.


L'insécurité alimentaire menaçante

Parmi les autres questions soulevées dans la lettre pastorale figurent les préoccupations concernant l'insécurité alimentaire imminente, la corruption endémique, le népotisme -monnaie courante, selon les évêques-, les nominations fondées sur l'appartenance ethnique et les voyages à l'étranger excessifs des fonctionnaires.

Les évêques souhaitent que le gouvernement respecte les libertés et les droits des médias rappelant aux Malawiens l'importance de respecter la Création et d'en prendre soin. Ils attirent également l'attention sur la victimisation croissante des personnes âgées, accusées de pratiquer la sorcellerie.

Le gouvernement de l'Alliance Tonse

L'alliance Tonse a été formée autour de l'élection présidentielle de 2020 avec l'actuel président Lazarus Chakwera, du Parti du Congrès du Malawi, et le vice-président Saulos Chilima du Mouvement pour la transformation unie; ainsi que d'autres partis. Saulos Chilima s'est présenté comme colistier de Lazarus Chakwera pour le Parti du Congrès du Malawi.

En 2022, les relations entre le président et son vice-président se sont tendues en raison d'allégations de corruption. Le président Chakwera a retiré à Saulos Chilima les pouvoirs qui lui avaient été délégués en tant que vice-président. Il n'a pas pu être démis de ses fonctions de vice-président en raison des restrictions inscrites dans la constitution du Malawi.

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27 février 2024, 17:00