Sœur Solange Sia, religieuse ivoirienne saluant le Pape lors du Synode sur la Synodalité au Vatican Sœur Solange Sia, religieuse ivoirienne saluant le Pape lors du Synode sur la Synodalité au Vatican 

Sœur Sia: «Il nous faut questionner la place de la femme dans l’Église»

L’écoute, l’accompagnement des femmes et le diaconat de la femme dans l’Église, sont des points sur lesquels est revenue sœur Solange Sia, religieuse et théologienne ivoirienne, au terme de la première session du Synode sur la Synodalité dimanche 29 octobre 2023. Dans un entretien accordé à Radio Vatican-Vatican News, la religieuse estime qu’il faut être à l’écoute des expériences des femmes au niveau de l'Église et dans le monde pour questionner davantage la place des femmes dans l'Église.

Entretien réalisé par Françoise Niamien - Cité du Vatican

La première session de l’Assemblée générale du Synode sur la Synodalité s’est tenue du 4 au 29 octobre 2023 au Vatican. Elle s’est conclue par un rapport de synthèse de quarante pages portant sur plusieurs sujets tels que le rôle des laïcs, le ministère des évêques, le sacerdoce et le diaconat, l'importance des pauvres et des migrants, la mission numérique, l'œcuménisme ou les abus.
Pour la religieuse ivoirienne, ce rapport, qui aborde également l’accompagnement des femmes et la question du diaconat des femmes dans l’Église, est le fruit de l’écoute et de la découverte des réalités des Églises.

Quelle est l’impression générale qui se dégage au terme de la première session de la 16e Assemblée du synode des évêques?

Pour avoir suivi ce processus au niveau continental, cette première session était pour moi un moment de partage de toutes ces expériences déjà vécues à la base avec d'autres dans la diversité des continents qui étaient représentés. Et j'avoue que cette rencontre a été pour moi un grand moment d’échanges, de formation et de découverte, une très grande richesse.
Je me réjouis vraiment de cette expérience d'Église, parce que le synode sur la synodalisé a été pour nous un moment pour nous écouter, d’écouter les autres églises, d'écouter la joie, les peines des autres églises, d'Afrique mais aussi celles d'ailleurs.

 

Que vous inspire le rapport de synthèse de la première partie de cette Assemblée synodale?

La synthèse de la première session de ce synode, qui a commencé depuis 2021 et qui prendra fin en 2024, me permet de réaliser la réalité de notre Église à travers le monde. Dans la méthodologie de la synodalité, nous avons été très attentifs et très attentives à ce qui se passe dans nos Églises, à la vie, au dynamisme, à la mission de toutes ces Églises qui étaient présentes. Que vous soyez d’Asie, des Amériques, de l'Europe, ou encore de l'Afrique, je crois que cette synthèse récapitule cette expérience de l'écoute que ce synode a voulu nous faire vivre.

Alors, le rapport de synthèse n'est que le résultat de cette écoute très patiente parfois. La méthodologie du synode nous a permis de prendre réellement et effectivement le temps de nous écouter et de découvrir les réalités des autres Églises.
J’étais agréablement surprise, par moments, d'entendre ce qui se vit dans d'autres Églises. Et à travers ces échanges-là, les uns et les autres, nous avons pu nous découvrir mutuellement.

Le rapport de synthèse aborde plusieurs sujets tels que le rôle de la femme dans l’Église. Il y a aussi un fort engagement qui est demandé à l'Église pour l'accompagner. Comment l'Église peut-elle accompagner la femme aujourd’hui?

Nous étions à une Assemblée synodale pour échanger, pour nous écouter. L'idée c'était effectivement qu'on prenne le temps de partager ces expériences de femmes dans ses diverses églises.

Et l'écoute a vraiment fait savoir que les femmes étaient assez engagées, quelles que soient les églises du monde. Et je crois que la prise de conscience, de plus en plus grandissante au niveau de l'Église, invite à faire davantage de place aux femmes, surtout aux postes des décisions.
Parce que pour ce qui est de l'engagement pastoral, les femmes sont vraiment présentes. Mais est-ce qu’on ne pourrait pas aller un peu plus loin? C'était ça aussi le lieu de débat. Est-ce qu’on ne pourrait pas aller un peu plus loin, notamment autour des questions des ministères? Et quand nous parlons de ministères, là aussi, cela va exiger de notre part toute une réflexion à la fois historique, théologique et je dirais même canonique.

Le ministère des femmes, n’est pas nouveau dans la vie de l'Église. Ceci étant, pour ma part, je pense qu'il serait important surtout avec ce synode sur la synodalité, d'être vraiment à l'écoute de ces expériences avec les femmes au niveau de l'Église et même dans le monde pour questionner encore la place des femmes dans l'Église.

À mon avis, le synode n'a pas donné une orientation définitive, mais à travers les échanges, il nous invite réellement à questionner cette place des femmes et qu'est-ce qu'elle pourrait apporter. Ce que je trouve d’ailleurs très intéressant, déjà à un niveau supérieur, au niveau du Pape lui-même, nous constatons que des femmes occupent des postes de responsabilité au niveau du Vatican.
Aujourd'hui au Vatican, cinq femmes occupent le poste de sous-secrétaire et une celui de secrétaire de dicastère. Autrement dit, peut-être qu'on a assez considéré la question notamment du cléricalisme, c'est-à-dire on a voulu toujours faire croire que certaines fonctions étaient liées au fait d'être prêtre. Je crois que c'est toutes ces questions qu'il va falloir débattre au niveau théologique comme du droit canonique.

Sœur Solange Sia avec des pères synodaux
Sœur Solange Sia avec des pères synodaux

Parlant du diaconat de la femme dans l’Église, quel est votre avis sur la question?

Je voudrais me référer au diacre permanent que nous avons dans l'Église. Nous pouvons nous rendre compte que c'est une réalité qui n'est pas aussi une solution en tant que telle. Parce que des diacres permanents, nous en avons dans d'autres églises et parfois certains vivent peut-être leur mission comme des sous-prêtres. Alors je ne m’attends pas à une décision qui va faire encore des femmes des sous-prêtres des prêtres. C'est-à-dire des membres seconds dans ce ministère. Parce que si on va loin dans le diaconat des femmes, on va se retrouver encore face à cette réalité.

Mon avis par rapport au diaconat des femme, s'il doit en exister, c'est qu’on doit clarifier dans un premier temps son sens. Puisque pour moi, ce qui est en jeu dans la marche synodale, c'est la participation de tous, la co-responsabilité donc dans la mission. Est-ce que devenir diacre rendra davantage les femmes plus engagées, plus missionnaires ?

La question reste posée?

Pour moi oui, la question reste posée.

Pouvons-nous espérer une réponse en 2024, lors de la seconde session de ce synode?

Je ne sais pas si on aura une réponse, mais pour moi, je laisse la question ouverte parce que nous cherchons, en Église, à penser à la mission, c'est-à-dire l'annonce de l'Évangile à travers le monde. Alors, si nous pensons que devenir diacre, c'est-à-dire faire des femmes des diacres, pourra contribuer à une meilleure évangélisation, à l'annonce de l'Évangile à travers le monde, alors pourquoi pas?

Mais là aussi, cela va dépendre, et je pense que ça apporte d'autres questions: qui en parle? Qui à cette attente? Est-ce les Églises d’Europe? d’Asie? ou celles en Afrique?
Je crois que cette question du diaconat féminin impliquerait d'aller un peu plus loin, à la fois dans la lecture de la Parole de Dieu, de la tradition et bien sûr des événements du temps, c'est-à-dire comment aujourd'hui avec les réalités auxquelles nous sommes confrontés interrogent notre foi.

 

Votre mot de fin ?

J’invite tout le peuple de Dieu à rentrer effectivement et véritablement dans cette marche synodale, c'est-à-dire à faire chemin ensemble, à prendre vraiment le temps de s'écouter.
D'abord, nous écouter comme Église en Afrique. Oui, parce qu’au cours des travaux du synode, nous nous sommes rendus compte de cette nécessité de nous retrouver comme Eglise, de connaitre la véritable réalité de nos églises en Afrique, et d'écouter aussi les réalités des autres églises, parce que nous sommes une seule Église catholique universelle, avec ses ramifications, mais il est important de nous connaître.

Donc j'invite vraiment le peuple de Dieu à rentrer dans ce processus pour que la mission du Christ puisse se poursuivre partout à travers le monde.

Entretien avec sœur Solange Sia de la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame du calvaire (Côte d'Ivoire)

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04 novembre 2023, 11:42