Le Pape, recevant les évêques du Tchad, à l'occasion de leur visite ad limina apostolorum (25 septembre-1er octobre 2023) Le Pape, recevant les évêques du Tchad, à l'occasion de leur visite ad limina apostolorum (25 septembre-1er octobre 2023)  (ANSA)

Avec le Pape, les évêques du Tchad ont partagé les joies et les peines de leur société

A l’occasion de leur visite ad limina apostolorum du 25 septembre au 1er octobre 2023, les évêques du Tchad ont été reçus par le Pape vendredi 29 septembre. Avec le Saint Père, ils ont partagé les joies, les espérances et les peines de l’Eglise tchadienne. Interviewé par Vatican News, le président de la conférence épiscopale et archevêque de Ndjamena, Mgr Edmond Djitangar, est revenu sur cette rencontre et sur la vie de l’Eglise et la situation sociopolitique au Tchad.

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

Mgr Djitangar, a tout d’abord décrit l’atmosphère familial et fraternel qui a régné lors de cette rencontre, au cours duquel ils ont discuté assis, non pas comme dans une salle de conférences, «mais vraiment comme des frères qui sont en cercle autour de leur grand frère pour essayer de s’encourager et en même temps de partager leurs joies, leurs espérances, un peu de peine aussi». Aux fidèles tchadiens, les pasteurs vont apporter les encouragements du Saint Père, qui a manifesté son admiration devant le dynamisme de cette jeune église et du courage avec lequel ce peuple affronte les situations difficiles de son quotidien. Le Pape a encouragé les évêques à poursuivre dans cet élan pour la croissance du peuple de Dieu qui est au Tchad. Il les a rassurés de ses prières et de son soutien concret, à travers quelques interventions en faveur de la jeunesse surtout.


L’Eglise du Tchad prépare le centenaire de son évangélisation

Alors que d’autres pays d’Afrique célèbrent plus de cent ans d’évangélisation, l’Eglise tchadienne se prépare à célébrer son premier centenaire, en 2029. Mgr Djitangar, qui est aussi président de l’Association épiscopale de la Région d’Afrique Centrale (ACERAC), a fait observer que le Tchad est l’un des tous derniers pays à recevoir l’annonce de l’Evangile, «pour différentes raisons». «Nous sommes le petit poussé de l’Église d’Afrique», a déclaré le président de l’épiscopat tchadien, indiquant que «nous bénéficions aussi de toute l’expérience des autres Églises en matière d’évangélisation et nous sommes aussi pleins… d’ambitions,… d’espérance pour cette Église qui est en train de s’enraciner sur le territoire tchadien».

S’inspirant du jubilé de l’an 2 000, ce centenaire va s’articuler autour des thèmes de la foi, de l’espérance et de la charité. Ces trois vertus théologales vont permettre au Tchad de communier avec la tradition et l’actualité de la vie de l’Église universelle. L’archevêque de Ndjamena espère aussi que ces «célébrations seront l’occasion d’une plus grande cohésion dans notre Église qui est déjà très unie à travers ses pasteurs» et en même temps une ouverture des diocèses les uns par rapport aux autres, dans la grande et étonnante diversité culturelle que regorge le Tchad.


Le referendum constitutionnel et la frustration de quelques composantes de la société tchadienne

Concernant la situation sociopolitique de son pays, Mgr Djitangar s’est exprimé au sujet du référendum fixé au 17 décembre prochain. Les tchadiens sont appelés à dire oui ou non au projet de Constitution d’un Etat unitaire décentralisé. Pour l’archevêque de Ndjamena, «ce referendum était une grande espérance qui était portée par tous les peuples au sortir du dialogue national inclusif et souverain», tenu à Ndjamena du 20 août au 8 octobre 2022. Ces assises étaient censées permettre de reformer les institutions et de mettre en place une nouvelle Constitution.

Malheureusement, ce processus a été «un peu biaisé», car le projet de Constitution sera seulement sur un «État fortement unitaire et fortement décentralisé». Cet état de choses frustre ceux qui ont proposé un Etat fédéral ou d’autres formes d’Etat, qui voudraient plus d’objectivité, en permettant au peuple de choisir entre deux ou trois formes d’Etat; plutôt que de s’exprimer sur un seul choix.


Ecouter le peuple pour construire un Tchad meilleur

Pour Mgr Djitangar, le gouvernement de transition doit écouter le peuple et différentes organisations de la Société civile, qui ne remettent pas en question l’unité du pays et l’intégrité du territoire national tchadien dans ses 1 284 000 km2. Ce qui pose problème, a-t-il indiqué, c’est la forme de gouvernance et les opportunités offertes à toutes les composantes de la nation de pouvoir accéder au développement, au bien-être et aux ressources du pays. «La frustration est grande  parce qu’on a l’impression qu’une petite minorité a tous les leviers du pouvoir politique, économique, militaire; et qui voudrait que rien ne change, que la situation perdure». Les intérêts particuliers aveuglent ainsi ceux qui sont au pouvoir, les rendant incapables d’écouter les cris d’un peuple «qui n’est pas exigent» et de répondre à ses aspirations en lui garantissant le minimum; comme les infrastructures routières pour communiquer, les bonnes institutions d’éducation, les hôpitaux, etc. Le gouvernement gagnerait à donner priorité au bien commun, a conseillé Mgr Djitangar.


Une main noire derrière les conflits entre agriculteurs et éleveurs?

 Mgr Djitangar s’est aussi exprimé au sujet des récurrents conflits entre agriculteurs et éleveurs au sud du Tchad, qui provoquent souvent plusieurs pertes matérielles et en vies humaines. Pour l’archevêque de Ndjamena, «on a l’impression d’assister à une occupation ou à un accaparement illicite et manu militari des terres par ceux qui ont leurs projets». Si la désertification au nord pousse à la recherche des terres plus hospitalières au sud, il y a la possibilité de s’entendre pour une meilleure redistribution de ces espaces, en l’occurrence de ceux inoccupés. Aujourd’hui, des terrains occupés par des paysans depuis des générations leur sont arrachés, parfois de manière sanglante. Cela pousse à se demander s’il n’y a pas un plan arrêté de déposséder les propriétaires actuels, qui vivent de ces terres, au profit de ceux qui ont peut-être des projets d’élevage ou d’exploitation, alors que ces populations en tirent des ressources pour leur subsistance et pour leur bien-être, a regretté le prélat tchadien.

Il y a peut-être derrière ces projets des intérêts extérieurs, comme des grandes productions oléagineuses ou l’exploitation des ressources minières. Cela donne l’impression que les gouvernants «obéissent à des contraintes extérieures». L’Eglise se fait le porte-parole de ceux dont les voix sont étouffées, notamment à travers les déclarations et les relations avec l’autorité locale ou nationale. Elle fait des analyses et des propositions et des propositions dont elle attend les réalisations.

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01 octobre 2023, 15:00