Sœur Katharina Kluitmann (Credit Michael Bönte) Sœur Katharina Kluitmann (Credit Michael Bönte)  #SistersProject

La longue tradition de synodalité des ordres religieux

Deuxième réflexion d'une religieuse sur son expérience du processus synodal. Par Sœur Katharina Kluitmann, sœur franciscaine de la pénitence et de la charité chrétienne, de la province de Lüdinghausen en Allemagne.

Religieuse. En Allemagne. En plein chemin synodal: en 32 ans de vie religieuse, mon aventure la plus grande, qui a posé un grand défi à ma vocation. Elle a changé mon amour pour Jésus. Elle m’a fait faire l’expérience de l’Esprit Saint. Je n’ai jamais autant aimé l’Église — et je n’ai jamais autant souffert à cause d’elle.

Les origines du chemin synodal allemand

Quand — de 2000 à 2004 — en tant que théologienne, j’étudiais encore la psychologie à la Grégorienne à Rome, le phénomène des abus sexuels dans l’Église commençait à être connu dans d’autres pays. Puis, en 2010, ce fut le tour de l’Allemagne. À l’époque, je travaillais comme thérapeute. La souffrance des victimes me saisit et ne m’a plus quittée. En 2018, je suis devenue présidente de la conférence allemande des supérieurs généraux, dans laquelle des hommes et des femmes sont représentés. C’est à cette époque qu’est apparue l’étude réalisée en Allemagne, qui montre que les abus commis dans l’Église ont des causes systémiques, différentes de celles qui les provoquent dans d’autres systèmes.

Nos évêques décidèrent de s’attaquer à cette situation à travers une large alliance de personnes du peuple de Dieu, ce que l’on appelle le «chemin synodal». Dix religieux d’ordres complètement différents en sont membres. Le point de départ de notre processus est et demeure la crise des abus, la vision est et demeure l’évangélisation.

Sur ce chemin synodal, ma perception de ma vie consacrée, de ma vocation, de ma relation avec Dieu, de mon amour pour l’Église a changé. Et avec le parcours synodal, la vie consacrée et sa perception dans l’Église ont changé. Depuis longtemps, nous connaissons une crise des vocations, avec des communautés composées en grande partie de personnes âgées, des communautés en voie d’extinction. Il y a quelques années, un théologien a été chargé d’écrire un article sur la dimension prophétique de la vie consacrée. Il affirma que cette dimension n’existe pas chez nous en ce moment — et il n’a pas écrit l’article. Sur le chemin synodal, nous vivons maintenant une nouvelle expérience car nombreux sont ceux qui nous disent que nous, les religieux, sommes importants: pourquoi? Je ne connais qu’une partie de la réponse.


Synodalité et vie consacrée

Il existe une longue tradition de synodalité dans les ordres religieux. Nous avons développé des moyens de décider ensemble, de choisir nos responsables — limités dans le temps. Les chapitres généraux représentent la plus haute autorité lorsqu’ils se réunissent. Cela a à voir avec le pouvoir — et l’abus est toujours aussi un abus d’autorité. Et cela signifie qu’à côté du modèle hiérarchique, il peut aussi y avoir d’autres modèles également au sein de l’Église selon lesquels le pouvoir peut être exercé.

Dans les congrégations religieuses féminines, les femmes vivent essentiellement dans un régime d’autodétermination. Pendant longtemps, les religieuses n’ont pas été prises au sérieux, elles étaient considérées comme une simple main d’œuvre bon marché. Aujourd’hui — comme cela a souvent été le cas au cours de l’histoire — les religieuses sont à nouveau des interlocutrices au même titre que les hommes. Le fait que, à l’occasion d’une crise, la conférence épiscopale (allemande) ait demandé un avis extérieur à une religieuse n’a certainement pas été un hasard. Pour certains ecclésiastiques, il est plus facile de se confronter avec des religieuses. La question des femmes, qui chez nous est débattue, est bien prise en compte par les religieuses, peut-être aussi parce que nous sommes souvent plus sincères. Personnellement, je suis reconnaissante envers ma communauté car elle me soutient toujours lorsque je m’engage publiquement en faveur de l’égalité des femmes. L’une des questions qui me tient à cœur est celle des femmes confesseurs, en particulier pour les femmes ayant subi des abus, mais pas seulement pour elles. Mais nous en parlerons une autre fois...

Nous sommes célibataires. Le chemin synodal discute de la question de savoir si — comme c’est le cas dans les Églises orientales — chez nous aussi, les hommes mariés peuvent être ordonnés prêtres. Nous faisons nous-mêmes l’expérience que le célibat volontaire peut être un témoignage convaincant: nous le vivons avec joie — et les gens nous croient...


Le processus universel

Il y aurait encore tant de choses à dire, et je le ferais volontiers, car je sais qu’il y a parfois des réserves sur notre chemin synodal. Nous avons notre façon allemande caractéristique de faire les choses — sur le plan interculturel, nous avons encore beaucoup à apprendre, pour l’avenir: pour certains, nous sommes trop rationnels, pour d’autres trop émotifs; d’autres encore sont irrités parce que nous avons commencé avant le processus synodal commun voulu par le Pape: nous sommes désolées, nous ne savions pas qu’il allait arriver!

Nous devons parler de beaucoup de choses: c’est vrai! C’est à cela que servent les processus synodaux. L’Église est depuis toujours synodale — et pendant trop longtemps, elle l’a été trop peu.

J’ai lu le document de travail pour la phase continentale du processus synodal mondial: jamais je ne me suis sentie aussi comprise par mon Église que dans ce document. Nous n’avons pas encore les solutions aux problèmes, mais nous avons enfin la faculté de formuler ouvertement les questions que nous nous posons. Et c’est surtout ce que nous, hommes et femmes religieux, nous faisons en Allemagne. Et je suis heureuse que nous puissions le faire au niveau de l’Église universelle.


 

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06 février 2023, 11:40