Les salésiens de Kinshasa: donner une formation aux jeunes pour l’avenir

Le 2 février, le Pape François rencontrera les jeunes dans le stade des Martyrs à Kinshasa. La jeunesse du Congo, qui représente la majorité de la population, rencontre de nombreuses difficultés, notamment pour trouver un emploi. Le Centre professionnel Don Bosco Masina à Kinshasa, fournit à de jeunes Congolais une formation professionnelle pour qu’ils décrochent un emploi leur évitant de retourner à la rue.

Xavier Sartre – Envoyé spécial à Kinshasa, RDC

Les garçons, de jeunes hommes en réalité, reproduisent sur leur cahier ou sur des feuilles de papier millimétré, le schéma dessiné au tableau. Gestes appliqués, concentrés, ils suivent un cours théorique de maçonnerie. Parfois assis à trois sur un même banc, ils écoutent en silence les consignes de leur professeur.

Cette année, le Centre professionnel Don Bosco situé à Masina, en périphérie de Kinshasa, la capitale du Congo, fête ses vingt ans. Depuis deux décennies, les salésiens se sont installés sur ce vaste terrain pour y créer cette structure qui accueille aujourd’hui 132 élèves, filles et garçons, âgés de 17 à 30 ans. «Des jeunes vulnérables, en retard d’éducation», comme les présente le frère Apollinaire Mukinayi, salésien de Don Bosco et directeur du centre. Certains se sont présentés spontanément pour apprendre un métier, d’autres ont été sensibilisés par les activités de pastorale des salésiens dans les quartiers alentours.

Formation de base et technique

L’objectif reste inchangé: «Fournir aux jeunes une insertion socio-professionnelle» avec une éducation de base et un métier, précise le directeur. Certains ont quitté l’école très jeunes, d’autres n’y sont même pas allés. La plupart se retrouvaient à errer dans la rue pour y gagner de quoi survivre ou rapporter quelque chose à manger à la maison. Une élève a même connu la prostitution. Apprendre à lire, écrire et compter, est le minimum. Apprendre un métier qui les fasse vivre, est une nécessité s’ils veulent s’en sortir et envisager l’avenir.

Le centre de Masina propose plusieurs filières: soudure, menuiserie, maçonnerie, boulangerie-pâtisserie et coupe et couture. Le cursus dure trois ans au total. Pour les professeurs, la tâche n’est pas simple comme le reconnait Dady Mungana, qui enseigne le dessin technique. «Ce sont des jeunes désœuvrés. Nous devons les recadrer afin qu’ils aient une chance d’avoir une formation technique. Nous parvenons tout de même à les soutenir, à nous mettre à leur place», poursuit-il.

Le frère Apollinaire, directeur du Centre Don Bosco Masina
Le frère Apollinaire, directeur du Centre Don Bosco Masina

Réaliser un rêve

Pour Jacques, un des plus jeunes élèves, «la construction est un rêve». «J’apprends l’implantation du bâtiment, la santé et la sécurité sur le lieu de travail, à tracer des plans et réaliser des devis», détaille-t-il. Tracer correctement les traits sur son cahier est le premier pas vers cet objectif, avant de passer à l’atelier pour les travaux pratiques.

Un peu plus loin, dans l’atelier de boulangerie-pâtisserie, une jeune femme de trente ans, toque blanche sur la tête, sort de son cours. «J’ai toujours eu la passion de la pâtisserie depuis que je suis toute petite». Mariée, confinée chez elle, elle décide de se lancer dans cette aventure professionnelle pour subvenir à l’avenir à ses propres besoins. Elle aimerait ainsi créer sa propre entreprise et employer du personnel.

Pour aider ces élèves à la fin de leur cursus, l’école dispose d’un bureau d’emploi en contact avec les entreprises pour trouver un stage ou un emploi à la sortie de l’école. «J’accompagne les jeunes au cours de leurs trois mois de stage», explique le responsable, Jacques Mbianshu. «Je vois comment ils évoluent, quelles sont leurs difficultés, leurs performances», explique-t-il. Les meilleurs seront gardés par leur patron. «Les moins bons se dirigent vers l’auto-entreprenariat et nous sommes là pour les accompagner et voir comment ils évoluent.» Le centre bénéficie depuis sa création en 2003 d’une bonne réputation, ce qui favorise le recrutement et la recherche de stage. Il y a aussi un bureau social qui assure un accompagnement psycho-social pour favoriser l’insertion sociale. Il entre en contact avec les familles qui, dans certains cas, ont rejeté ces jeunes en rupture.

De nombreuses embûches

Mais les difficultés ne manquent pas. La première que rencontre le centre Masina est financière: «Ces jeunes sont pauvres, ils n’ont pas de moyens. Il faut donc avoir des fonds pour les former», explique frère Apollinaire, le directeur. Deuxième difficulté du centre: les équipements qui sont insuffisants. Enfin, le manque de partenaires pour accompagner cette mission au quotidien.

Une bouffée d’oxygène est apportée par des particuliers ou des entreprises qui passent parfois commandes d’objets ou d’articles: des chaises, des vêtements, des objets métalliques. Les élèves peuvent ainsi recevoir un peu d’argent pour le travail accompli, leur permettant ainsi de payer une partie de leurs frais scolaires ou de leur logement quand ils en ont.

Une des plus grandes satisfactions pour les enseignants, «c’est de prendre un jeune qui n’avait pas toutes ses chances en l’avenir, qui n’avait pas d’éducation, qui n’avait pas de compétences techniques, et en faire un bon technicien», confie Dady, le professeur de dessin technique. Premier pas vers sa responsabilisation et son émancipation, pour qu’il puisse avancer confiant et armé vers l’avenir.

Écoutez le reportage sur le centre Don Bosco Masina

 

 

 

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31 janvier 2023, 12:36