Le portrait du père Hamel disposé sur l'autel de la chapelle de la Maison Sainte-Marthe lors de la messe célébrée par le Pape François le 4 septembre 2016. Le portrait du père Hamel disposé sur l'autel de la chapelle de la Maison Sainte-Marthe lors de la messe célébrée par le Pape François le 4 septembre 2016. 

La France a rendu hommage au père Jacques Hamel

Quatre ans après son assassinat en l'église de Saint-Étienne-du-Rouvray, le père Jacques Hamel a fait l'objet ce dimanche d'un hommage religieux puis civil. Après la messe s'est tenue sur la place une cérémonie civile en présence du ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, en charge des cultes.

Cyprien Viet - Cité du Vatican

En ce 26 juillet 2020, jour du 4e anniversaire de l’assassinat du père Jacques Hamel en pleine messe par deux terroristes se réclamant de Daech, l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray a accueilli ce matin une célébration eucharistique à la mémoire de ce prêtre diocésain, qui fait actuellement l’objet d’un procès en béatification.

Dans son homélie, Mgr Dominique Lebrun, archevêque de Rouen, a expliqué que «le véritable horizon de nos désirs à ordonner» est de «voir dans toute personne, y compris celui qui assassine, un frère, une sœur. Le fils, Jésus, trace ce chemin. Dans l’Évangile de ce jour Jésus donne un double critère à ce chemin: la joie et le choix», a-t-il expliqué.

«Ne nous trompons pas de sens, c’est bien la joie d’avoir trouvé la perle de l’amour qui permet le choix. Pour une part, ce choix est renoncement. Jésus parle dans l’Évangile de tout vendre pour avoir le trésor. Cela veut dire renoncer à nous croire propriétaire de la planète ou d’un bout de la planète. Cela veut dire renoncement à soi-même. Le choix d'un cœur attentif se comprend bien à Saint-Etienne du Rouvray. Jacques avait choisi et renoncé», a expliqué Mgr Lebrun.

 

Les hommages des responsables politiques

Après la commémoration religieuse s’est tenue une commémoration civile, qui a vu la participation du nouveau ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui a fait à cette occasion sa première intervention publique concernant les relations entre l’Église catholique et la République française.

Dans la continuité de François Hollande, qui alors président de la République avait déclaré au soir de l’attentat que «tuer un prêtre, c’est profaner la République», le ministre de l’Intérieur a déclaré ce dimanche matin que «mettre à mort un prêtre (…), c'est tenter d'assassiner une partie de l'âme nationale. Quatre années après, nous nous souvenons de l'action du père Hamel et nous nous souvenons de ce drame. (…) Nous n'oublions pas que le père Hamel est mort sous les coups de la barbarie la plus infâme et la plus aveugle, celle commise au nom d'une idéologie meurtrière », a notamment déclaré le ministre.

Pour sa part, le Premier ministre Jean Castex n’a pas participé à cette "cérémonie républicaine pour la paix et la fraternité", mais il a évoqué sur Twitter l’attentat du 26 juillet 2016, en rappelant que «frappée en plein cœur, la France découvrait alors Jacques Hamel, son visage et son message. Elle y puisa la force de s'unir face à la barbarie terroriste et l'obscurantisme. N'oublions jamais», a écrit le chef du gouvernement.

Le visage d’un simple bon prêtre

Dans son discours, le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, a souligné que le 26 juillet 2016, le père Hamel, «assassiné pour aucune autre raison qu’il était prêtre catholique et qu’il célébrait la messe, a fait ressurgir le visage de tant et tant de bons prêtres, de saints prêtres, qui ont servi comme ils devaient servir, sans éclat particulier, en apportant à beaucoup consolation, espérance, confiance, dans les drames petits ou grands de la vie, et aussi, réflexion, exigence morale, appel à vivre dans la lumière, dans le cours ordinaire de l’existence. Ceux et celles qui croient au Christ Jésus et au Père de miséricorde, ont reçu d’eux de quoi fonder leur liberté; ceux et celles qui n’y croient pas ou qui ont décidé de ne plus y croire, ont reçu d’eux aussi souvent une confiance certaine en l’humanité», a expliqué l’archevêque de Reims.

Il s’est ensuite arrêté sur les discrets témoins de ce drame, deux religieuses et un couple. «Deux religieuses, de ces femmes formidables qui ont donné leur vie par amour de Dieu et du prochain et dont beaucoup ont été pour des générations d’hommes et de femmes et d’enfants, un signe proche de la douceur et de la bonté de Dieu, de ces femmes qui ont porté au loin parfois la lumière de la foi chrétienne pour la partager avec d’autres, y joignant l’espérance et la charité active. Un couple aussi, un monsieur et une dame, mariés depuis des décennies, qui venaient à la messe spécialement ce matin-là pour fêter l’anniversaire du mari. Cela a fait la France. (…). Cela continue de former l’âme de notre pays, plus modestement peut-être, mais certainement. Des hommes et des femmes qui s’efforcent de mener leur vie selon l’attente du Créateur, leur Seigneur ; des hommes et des femmes qui font chaque jour leur besogne, sans rechigner, avec tout le cœur possible, et qui la remettent à plus grand qu’eux pour qu’elle puisse porter du fruit par-delà leurs faiblesses», a-t-il salué.

La lumière a émergé au milieu des ténèbres

Il a remarqué que «la brutalité du crime a dégagé ensuite une lumière précieuse: il y a dans notre monde des forces de haine, mais il y a aussi des forces de pardon, de réconciliation, de confiance mutuelle». Les témoins du drame et les proches du père Hamel «ont su dire leur prière pour la paix du monde, pour la pacification des cœurs, pour le respect et l’estime entre tous. Ces femmes et cet homme ont su dire leur supplication pour ces deux garçons à peine entrés dans l’âge adulte et qui ont cru grandir leur vie en prenant celle de quelques autres.»

Les paroissiens et les citoyens de cette ville normande «ont accepté aussi d’entrer dans cette logique de la miséricorde, qui est le don que le Christ Seigneur fait à ses disciples. Ici a été rendu clair que la radicalité de la foi est une grande et belle chose, tandis que le radicalisme est une pathologie.»

«Je suis heureux de pouvoir dire aujourd’hui mon respect et ma gratitude à tous les musulmans qui ont voulu, après ce drame, exprimer leur rejet de toute violence et qui ont su trouver des mots et des gestes pour dire leur amitié, leur compassion, et encore leur honte que leur croyance puisse être dévoyée et leur confiance dans un travail commun possible», a encore remarqué Mgr de Moulins-Beaufort.

«Le 26 juillet 2016 fut un jour d’horreur et de chagrin mais aussi un jour où a vibré l’âme de notre pays tout entier», a expliqué l’archevêque de Reims, souhaitant que des artisans de paix continuent à se lever partout en France, où les tensions sociales, avivées par la crise de coronavirus, suscitent de vives inquiétudes pour la paix civile.

«La haine ne l’a pas emporté»

Dans ce pays paradoxal, sourcilleux de sa laïcité mais attaché à ses repères catholiques, la mort du père Hamel avait bouleversé toute la société, au-delà des clivages politiques ou idéologiques habituels. Ainsi, au soir de l’attentat, les reportages télévisés avaient montré les larmes du maire communiste de la ville, totalement bouleversé par l’assassinat de ce prêtre pour lequel il avait une affection profonde.

Interrogé par Vatican News au terme de la commémoration, le père Paul Vigouroux, postulateur de la cause de béatification de Jacques Hamel, et lui aussi prêtre du diocèse de Rouen, rappelle que le message du père Hamel est «porteur de sens pour toute la société». Après cet attentat, alors que 12 jours auparavant l’attentat de Nice avait suscité de graves tensions politiques en France, cette fois «la haine ne l’a pas emporté, l’Église a su appeler au dialogue et au pardon, ne pas répondre, annoncer toujours son message de paix et de fraternité».

«Cela a fait resurgir quelque chose de profond dans l’âme française, en faisant ressortir le souvenir de beaucoup de prêtres qui œuvrent dans les villes, dans les campagnes, sans faire beaucoup de bruit, qui accueillent les familles en deuil, les mariages, qui accomplissent un travail humble, simple, d’accompagnement. Je crois que c’est revenu à la mémoire de beaucoup de Français en cette triste occasion», explique le postulateur.

Le père Hamel était proche de toute la population, et notamment des immigrés musulmans avec lesquels il avait tissé de nombreux liens d’amitié et de respect. Sa sœur Roseline le qualifie de «frère universel». «C’est le message d’une Église simple, humble, donnée, généreuse, sans fracas, sans bruit. Aimer au quotidien, cest un témoignage de foi, d’amour, offert à tous ceux qui nous entourent», conclut le père Vigouroux.

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26 juillet 2020, 13:51