Dacca, le 16 juin 2020. Dacca, le 16 juin 2020.  

Covid-19: des millions de pauvres en danger au Bangladesh

Dans ce pays d'Asie, la pauvreté et la densité de population compliquent la maîtrise de la pandémie. Les confinements y provoquent quant à eux des millions de chômeurs et de nouveaux pauvres. Pour le père Marcello Storgato, missionnaire xavérien sur place, c'est d'ailleurs un miracle qu'il n'y ait pour l’instant "que" 1 600 décès dus au coronavirus au Bangladesh.

Entretien réalisé par Fabio Colagrande - Cité du Vatican

Des millions de personnes et de familles qui ne peuvent pas travailler ni manger. Les écoles et les usines sont fermées, les voyages sont interdits, les journaux ne sont pas publiés. Telle est la situation au Bangladesh en temps de pandémie.

La densité de la population et la pauvreté, avec des familles vivant dans des bidonvilles ou dans une seule pièce, rendent inapplicables les règles de sécurité sanitaire. Pendant ce temps, dans ce contexte, les missionnaires catholiques agissent comme ils le peuvent par des initiatives locales, tandis que les pasteurs de l'Église locale luttent pour rester proches de la population. Le père Marcello Storgato, missionnaire xavérien, a vécu au Bangladesh de 1972 à 1993, dans la mission rurale de Bhoborpara puis au Centre national de catéchèse s de Jessore. Après 24 ans en Italie, en tant que directeur du magazine mensuel "Missionnaires xavériens", à partir de 2017, il est retourné au Bangladesh et vit la maison d’accueil xavérienne de Khulna. Entretien. 

 

R.- Nous avons plus de 126 000 personnes infectées, et il y a plus de 1 600 morts, mais il faut considérer qu'il n'y a qu'un peu plus d'un demi-million de personnes testées. Ce sont les chiffres dits "officiels", mis à jour quotidiennement par les porte-paroles du gouvernement. Les experts estiment cependant que les cas actifs sont beaucoup plus nombreux, sur la base des nouvelles provenant de la vaste zone rurale du pays, où il n'existe aucun moyen de vérifier avec des tests appropriés.

Le Bangladesh figure sur la liste des pays les moins avancés de l'ONU, avec 50 millions de pauvres, soit 32 % de la population. Par quels moyens vous défendez-vous contre le virus?

R.- Les pauvres ont augmenté de façon incommensurable avec l'imposition des différents confinements prolongés à plusieurs reprises. Ils ont perdu leur emploi au profit de tous ceux qui gagnaient leur vie avec de petits services populaires : restaurants de thé et de biscuits, cordonniers et cireurs de chaussures, vendeurs de légumes et de fruits, chauffeurs de taxi à pédale ou de rickshaw motorisé, mécaniciens et artisans. À cela s'ajoutent tous ceux qui sont au chômage en raison de la fermeture de grandes usines textiles et pharmaceutiques et ceux qui ont perdu leur emploi dans les pays arabes, asiatiques et occidentaux. Des millions de personnes viennent s'ajouter aux 50 millions de pauvres déjà inscrits sur la liste des Nations unies. Des millions de familles désespérées, mal nourries et endettées. Le Conseil national des experts a identifié pas moins de 45 "zones rouges" dans et autour de Dakka, la zone la plus touchée par le virus.

Mais ce qui est plus grave, c'est que dans un pays de 170 millions d'habitants et un territoire qui représente la moitié de l'Italie, "rester chez soi" pour se sauver, maintenir l'isolement et la distance sociale sont des mesures tout simplement impossibles à mettre en œuvre : dans les bidonvilles et les banlieues des villes, et même dans les villages agricoles, avoir une maison pour vivre dans l'isolement est un luxe que personne ne peut se permettre. Pour faire une comparaison éloquente, si en Lombardie nos familles vivaient dans les taudis des familles bangladaises, il y aurait probablement eu peu de survivants. Dans cette situation, la première défense est la Providence divine, que nous invoquons et remercions à chaque instant. Vraiment, c'est déjà un miracle que pendant tout ce temps, les décès liés au virus n’aient touché pour l’heure «que» 1 600 personnes. Espérons que les "morts de faim et de misère" ne soient pas plus nombreuses.

Quel rôle joue la petite minorité catholique dans ce contexte?

R.- Les catholiques vivent la même situation que le reste de la population: les quelques riches vont bien. Les pauvres vivent parmi les pauvres, mais ils sont plus ignorés que les autres parce qu'ils sont une minorité ou parce que l'on pense qu'il y a déjà des missionnaires pour les aider. Ils tombent malades et essaient de se soigner comme ils peuvent, comme tout le monde. Notre cardinal Patrick D'Rozario est également hospitalisé parce qu'il a contracté la dengue alors que l'archevêque de Chittagong, Mgr Moses M. Costa, est en soins intensifs depuis le 13 juin dernier après avoir été infecté par le coronavirus.

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26 juin 2020, 15:51