Le Pape François entouré d'une partie des évêques indiens en visite ad limina Le Pape François entouré d'une partie des évêques indiens en visite ad limina 

En Inde, les chrétiens confrontés à de nombreuses difficultés

Une cinquantaine d’évêques indiens, en visite ad limina au Vatican, ont présenté cette semaine au Pape François les défis qu’ils rencontrent dans leur diocèse. Entretien avec Mgr Lawrence Pius Dorairaj, l’évêque de Dharmapuri.

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

Un deuxième groupe d’évêques indiens était cette semaine en visite ad limina au Vatican. Le Pape François les a reçus en audience mardi dernier durant environ deux heures. Les 56 évêques, venus du Sud de l’Inde ont également visité différents dicastères de la curie romaine. L’occasion de revenir sur leur mission et les défis auxquels ils font face dans le pays.

En Inde, les chrétiens représentent un peu plus de 2 % de la population sur les 1,3 milliards d’habitants, dont la majorité est hindoue. Ils œuvrent en faveur des plus pauvres et sont très présents dans le domaine de la santé et de l’éducation. Mgr Lawrence Pius Dorairaj est l’évêque de Dharmapuri, dans la région du Tamil Nadu, située au Sud de l’Inde. Il nous présente son diocèse et évoque les difficultés rencontrées par les chrétiens ces dernières années.

Entretien avec Mgr Lawrence Pius Dorairaj

Il y a dans mon diocèse trois millions d’habitants dont 55 000 catholiques seulement. La plupart des gens sont pauvres, agriculteurs, et au niveau de l’éducation il y a beaucoup d’analphabètes. Il y a également le problème du mariage des enfants. En Inde, l’âge du mariage pour les filles est de 18 ans mais il y en a beaucoup qui se marient à l’âge de 12-13 ans, cela arrive souvent dans mon diocèse.

Nous avons aussi, comme ailleurs en Inde, des Dalits catholiques. Les Dalits sont des hors castes, ils sont très pauvres et ils n’ont pas les privilèges du gouvernement qui sont donnés aux hindous dalits par exemple. Et donc ils en souffrent beaucoup.

Il y a donc une grande pauvreté, votre devise est d’ailleurs : «proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres». Votre église est une église pauvre pour les pauvres. Votre présence sur ce terrain auprès des plus vulnérables est-elle importante ? Comment s’organise-t-elle ?

Nous soutenons les pauvres à travers une aide financière pour les études et aussi au niveau médical. Il y a 40 paroisses dans mon diocèse, dont seulement quatre en ville. Tout le reste est en pleine campagne. Et les gens pauvres nous apprécient beaucoup pour notre aide. Mais nous ne pouvons faire beaucoup car la pauvreté est tellement répandue et tellement grande. Nous aidons essentiellement les catholiques, car il n’y a pas beaucoup d’hindous ou de personnes d’autres religions qui viennent nous demander de l’aide. C’est surtout des catholiques qui en bénéficient.

La situation des chrétiens en Inde est très différente d’une région à l’autre, certains vivent en paix, d’autres se disent discriminés, menacés. Comment avez-vous vu évoluer les relations entre hindous et chrétiens, hindous et catholiques à Dharmapuri ?

Dans le passé il y avait une bonne entente entre les hindous et les chrétiens mais depuis environ 6 ans, nous avons un parti politique fondamentaliste au pouvoir. Et il y a beaucoup de gens qui sont devenus intégristes hindous. A cause de cela, de temps en temps, il y a des petites persécutions, même chez nous à Dharmapuri; la relation a empiré entre les hindous et les chrétiens. Mais c’est ici et là que cela arrive, de temps en temps. Nous ne sommes pas tellement menacés.

Craignez-vous la mise en place de nouvelles lois discriminantes à l’égard des minorités ?

Oui, j’en ai peur, parce qu’avec le parti fondamentaliste hindou au pouvoir cela va arriver. Justement, nous en avons parlé avec le Pape. Ils essaient maintenant de changer la constitution indienne. Un projet qui serait contre les minorités, y compris les musulmans, et favoriserait la majorité hindoue. 

Quels sont les pas accomplis en termes de dialogue interreligieux ?

Moi-même, dans l’Etat de Tamil Nadu, je suis chargé du dialogue interreligieux. Nous accueillons beaucoup d’hindous, de musulmans, mais cela arrive seulement de temps en temps. Il n’y a pas d’effort prolongé. Ça arrive pendant les fêtes par exemple. Durant les fêtes hindoues, les fêtes musulmanes, on dialogue. Mais sinon on reste chacun dans son coin, si l'on peut dire.

Cette visite au Vatican a donc été l’occasion d’une rencontre avec le Pape mais aussi avec les différents membres de dicastères, qu’attendez-vous de ces échanges ?

On a apprécié l’écoute des dicastères, et également du Pape qui nous a bien écoutés. Les dicastères et le Pape connaissent bien maintenant les problèmes auxquels nous devons faire face en Inde.

 

En mai dernier le parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party du Premier ministre Narendra Modi a remporté, à une majorité écrasante, les législatives. Le BJP avait alors réalisé le meilleur score de son histoire. Le parti avait centré sa campagne sur les thèmes de la sécurité nationale et la promotion de l’hindouisme.

 

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21 septembre 2019, 08:27