Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun Le cardinal Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun 

Le cardinal Bo inquiet pour la liberté religieuse et la dignité humaine en Birmanie

Le 15 août dernier, l'archevêque de Rangoun a publié une lettre intitulée "Réflexions de la périphérie - L'amour de Dieu pour les peuples et les nations d'Asie". Il y exprime «les profondes préoccupations de l'Église face aux épreuves que connaissent aujourd'hui les habitants de la Birmanie». L'armée et le gouvernement sont invités à respecter leurs propres rôles, sans ingérence. Le prélat tire aussi la sonnette d'alarme face à l'intolérance religieuse croissante dans son pays et dans le reste de l'Asie.

Violations des droits, conflits ethniques et tensions religieuses: comme l'explique le cardinal Charles Maung Bo, il est temps «de relever ces défis et de mettre fin aux atteintes à la dignité humaine; de rechercher la paix et la réconciliation; d'aimer la liberté et de poursuivre la vérité; de célébrer la diversité et la dignité des différences; d'aimer la création». L'archevêque de Rangoun et président de la Fédération des Conférences épiscopales d'Asie (FABC) écrit sa lettre alors que la Birmanie s'achemine vers une échéance importante: les élections générales de 2020. Ce seront les deuxièmes élections démocratiques depuis la fin du régime militaire en 2016.

Vers les prochaines élections

À l'approche de cet événement, l'archevêque de Rangoun tient toutefois à s'exprimer comme un «chef religieux et non un homme politique», soulignant qu'il ne veut pas prendre parti, «sauf dans la paix, la justice, la réconciliation, la dignité humaine et l'amour». Au cours des sept dernières années, le pays a connu ce qui semblait être «le commencement d'une nouvelle aube», avec la libération des prisonniers politiques, la signature du cessez-le-feu, un vote démocratique et la mise en place d'un gouvernement civil. «Mais ces derniers temps, s'inquiète le cardinal Bo, des nuages très sombres sont réapparus, obscurcissant l'étincelle de la lumière qui avait commencé à émerger. La persistance du conflit, les abus constants et la propagation de la haine religieuse et raciale menacent les espoirs, les libertés et la dignité des personnes à travers le pays».

Une harmonie entre les ethnies

Pour l'Église, souligne le cardinal birman, «la paix est au centre de la mission». Mais elle doit toujours être accompagnée par la justice et la liberté, garanties par le «respect de la diversité ethnique et religieuse» et la protection «des droits fondamentaux de chaque homme, sans distinction de race, de religion ni de sexe». Le prélat invite son pays à privilégier un dialogue «fondé sur la confiance et le respect» et sans «les ressentiments des nationalités ethniques». Il promeut un système fédéral de nationalités ethniques, avec «des ressources naturelles partagées et distribuées au profit du peuple, plutôt que pillées et accumulées par une petite élite».

Garantir les droits fondamentaux

Pour y parvenir, il est également nécessaire d'avoir une «juste compréhension du rôle légitime des forces armées d'une nation». Rappelant les enseignements de l'Église sur la guerre et l'usage de la force, le cardinal Bo déplore le fait que «les civils deviennent les buts de la guerre, ce qui provoque leur déplacement et parfois leur  massacre brutal». «Il y a des régions du pays, en particulier dans les États de Kachin, Shan et Rakhine, où les personnes qui en ont désespérément besoin sont coupées de toute assistance, où l'accès humanitaire leur est refusé. [...] Personne ne devrait être privé des droits les plus fondamentaux, à savoir le droit à l'alimentation, au logement, à la médecine et à l'éducation», rappelle-t-il.

Ne pas outrepasser ses prérogatives

Les campagnes militaires de Tatmadaw (l'armée birmane) et le large pouvoir des militaires sur le gouvernement du pays ont contribué à l'aggravation de plusieurs crises humanitaires et enfoncé le pays dans un isolement international. C'est pourquoi l'archevêque de Rangoun appelle les politiciens et les forces armées à respecter leurs rôles respectifs: «à cause de notre démocratie fragile, nous avons besoin de l'aide et de la protection des militaires», explique-t-il, «mais aucune armée dans une société civile ne peut être au-dessus de la loi; aucun soldat dans une société humaine ne peut commettre un crime en toute impunité. Si l'on veut que les soldats soient respectés, il faut qu'ils prennent leur place dans les casernes et non dans le corps législatif, au service du pays sous l'autorité d'un gouvernement civil élu».

Protéger la liberté religieuse

Le cardinal Bo exhorte ensuite au respect de la liberté religieuse, dénonçant ce qui la menace. «Les prédicateurs de la haine incitent à la discrimination et à la violence au nom d'une religion pacifique, des lois et règlements injustes imposent des restrictions à la liberté religieuse des minorités, et la politique identitaire a mélangé race, religion et politique dans un cocktail dangereux de haine et d'intolérance. C'est vrai non seulement en Birmanie, mais dans toute l'Asie - le continent le plus diversifié du monde, où toutes les grandes religions se rencontrent et où la majorité dans un pays est une minorité dans un autre», peut-on lire.

La mission de l’Église birmane

«Unissons-nous en tant que nation sur la base des valeurs de Metta (bonté aimante) et de Karuna (compassion) de la tradition bouddhiste, du salam islamique (paix) et du principe chrétien d'aimer son prochain comme soi-même et l'ennemi», propose l'archevêque de Rangoun à la fin de sa lettre. «L'Église de Birmanie est prête à être un lieu de miséricorde pour tous, un centre de réconciliation, à défendre les droits de tous en tout lieu, sans exception de religion ou d'appartenance ethnique, à faire tomber les barrières, à déplacer les clôtures et à combattre la haine et l'amour», conclut-il.

(Avec AsiaNews)

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17 août 2019, 12:37