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RD Congo : la sonnette d’alarme des évêques

A l’issue de la réunion de leur comité permanent, les évêques congolais ont publié un message dans lequel ils passent au peigne fin la situation de leur pays et suggèrent de privilégier un profil éthique dans la composition du nouveau gouvernement.

Camille Mukoso, SJ – Cité du Vatican

En République démocratique du Congo, les évêques ont publié leur premier message de l’année 2021 intitulé « Déchirez vos cœurs et non vos vêtements ». L’épiscopat congolais a, une fois encore, tiré la sonnette d’alarme : « le peuple sera frustré de voir revenir au pouvoir ceux qui ont participé au pillage, à l’insécurité et aux violations des droits de l’homme ». Fruit de la réunion de son comité permanent, qui s’est tenu du 22 au 25 février 2021, le message de la conférence épiscopale nationale du Congo, Cenco, commence par féliciter le président Félix Tshisekedi pour sa prise de fonction à la tête de l’Union africaine. Les évêques congolais se disent satisfaits de la reconfiguration politique en cours dans leur pays et saluent l’avènement de nouvelles autorités, même si le processus de cette configuration est émaillé, selon eux, de soupçons de corruption des élus et d'accusations des violations des textes réglementaires.

Un climat malsain qui donne à penser

Selon les évêques de la RD Congo, le climat dans lequel s’est formé « l’Union sacrée de la Nation » et les changements qui se sont produits au sein des grandes institutions du pays poussent à « se poser des questions sur la moralité de ces actes ». A cet égard, ils exhortent que l’adhésion massive à cette union, supposée aider le Chef de l’Etat à mieux gouverner, ne soit pas seulement motivée par le positionnement politique. Il ne suffit pas, écrivent-ils, « de changer simplement de camp politiques (vêtements), faut-il encore rompre avec les antivaleurs et s’engager à travailler pour le bien de la population ».

Pour une classe politique moralement acceptable 

Pour l’épiscopat congolais, il ne fait l’ombre d’aucun doute que le bien-être de la population passe par la consolidation de la démocratie. Voilà pourquoi, « seuls les hommes et les femmes qui ont fait preuve d’une bonne éthique dans leur passé et qui ont une expérience dans le domaine requis, soucieux du bien-être de la population, méritent d’être cooptés pour gérer les institutions de l’État et les entreprises publiques ». Pour mener à bien cette entreprise, les évêques congolais suggèrent que les réformes électorales et celles portant sur le fonctionnement de la Commission électorale nationale indépendante figurent parmi les priorités du prochain gouvernement. 

Regard sur la situation socio-économique du pays 

En ce qui concerne la situation socio-économique du pays, la Cenco déplore le relâchement presque général des mesures barrières mises en place par les autorités sanitaires pour contrer la propagation de la Covid-19.  Les prélats congolais rendent grâce à Dieu d’avoir protégé leur pays de la contamination exponentielle malgré un système sanitaire précaire. Mais, ils se disent préoccupés par le déni de la réalité par une bonne franche de la population. Les évêques congolais saluent, par ailleurs, la réouverture des écoles et des universités et implorent avec insistance le gouvernement de motiver les enseignants pour aider les élèves et les étudiants à rattraper le retard provoqué par la longue interruption des cours. A ce sujet, ils expriment leur ouverture à une quelconque collaboration avec l’Etat « pour une gestion saine de l’enseignement et pour la pérennisation de l’enseignement de base sur toute l’étendue du pays ». Passant au peigne fin la situation économique de leur pays, les pasteurs de l’Eglise congolaise dressent un tableau préoccupant du train-train quotidien de leurs concitoyens. A leurs yeux, il est temps que le sol congolais prenne sa revanche sur le sous-sol avec des projets concrets en faveur de l’agriculture. 

Le danger permanent

Les évêques congolais s’inquiètent, en outre, de l’insécurité qui prévaut notamment dans l’est de la RD-Congo. Ce qu’ils écrivent à ce propos est bien explicite : « la situation sécuritaire dans notre pays reste délétère et aggravée par la présence récurrente des groupes armés que l’Armée nationale, appuyée par la Monusco, n’arrive toujours pas à éradiquer. Les menaces des populations, les enlèvements et le déplacement des personnes, dans le Nord-Kivu et en Ituri, et plus récemment l’assassinat ignoble de l’ambassadeur d’Italie en RD Congo avec son Garde de corps et le chauffeur le prouvent à suffisance ». Les évêques expriment  ainsi leur compassion aux populations de cette partie de la RD Congo qui ne savent pas à quel saint se vouer et se trouvent victimes des groupes armées qui sèment la terreur. Dans la foulée, ils ont annoncé l’envoi d’une mission de réconfort, notamment dans les diocèses de Butembo-Béni au Nord Kivu et de Bunia en Ituri.

Foi et courage

Les membres du Comité permanent de la Cenco se sont, enfin, penchés sur la question des droits de l’homme qui sont, selon eux, négligés dans le pays. « Nous déplorons et condamnons les répressions d’activistes des droits humains, les attaques menées contre les civils par des groupes armés ou les forces gouvernementales, l’entrave de la liberté d’expression et de manifestation », écrivent-ils. Le message des évêques congolais se conclut par une série de recommandations faites au peuple congolais, au président de la République, au parlement, à la communauté internationale, etc. En point d’orgue, les évêques invitent leurs fidèles chrétiens à ne pas sombrer dans le découragement, car le Seigneur leur adresse cette parole :  « confiance, c’est moi n’ayez pas peur » (Mt 14, 27).

 

 

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03 mars 2021, 18:43