Mgr Benjamin Ndiaye, archevêque de Dakar/Sénégal (Ph.: JP Bodjoko, SJ/Vaticannews) Mgr Benjamin Ndiaye, archevêque de Dakar/Sénégal (Ph.: JP Bodjoko, SJ/Vaticannews) 

Sénégal : La pandémie de COVID-19 a renforcé la foi, selon Mgr Ndiaye

L’archevêque de Dakar, Mgr Benjamin Ndiaye analyse l’impact du Coronavirus au Sénégal en général, et dans l’archidiocèse de Dakar en particulier.

Jean-Pierre Bodjoko, SJ* – Cité du Vatican

Pour Mgr Benjamin Ndiaye, il faudrait, en rapport avec la COVID-19, tirer des leçons, en termes de genre de vie à modifier, pour avoir une réelle osmose entre le comportement de l’homme et la nature dans laquelle il évolue. Entretien.

Comment se porte l’archidiocèse de Dakar ?

Mgr Ndiaye : A l’instar de différentes églises de notre pays, l’archidiocèse de Dakar vit une certaine…spirituelle, liée au fait qu’à cause de la pandémie du Coronavirus, nous ne sommes plus en mesure d’assurer le culte. Cela constitue une grande souffrance pour le peuple de Dieu et les pasteurs en souffrent aussi. C’est l’état général aujourd’hui de notre église. Mais, cette dernière garde l’espérance et prie pour que le Seigneur nous sauve de ce mal et du malin.

Comment cette pandémie a-t-elle modifié l’aspect de votre archidiocèse, même du point de vue pastoral ?

Nous avons dû y faire face. Le premier cas de Covid-19 a été déclaré le 2 mars. Le temps que les autorités prennent les dispositions, il a fallu encore 15 jours. Nous nous sommes sentis interpellés comme chrétiens et comme citoyens sénégalais, pour participer à l’« effort de guerre », comme disait notre président face à cette pandémie. Pour l’église, il s’agissait de préserver la vie et donc de prendre toutes les mesures qui sont ordonnées par les autorités sanitaires pour protéger notre vie et celle des autres. Cela a donc eu comme conséquence la suppression des offices religieux. Cela a été une grande souffrance. Mais, j’apprécie la manière dont les communautés se sont vite organisées pour utiliser les moyens techniques et, à défaut de pouvoir participer à la messe, au moins de les suivre via les réseaux sociaux.

Chaque diocèse a-t-il pris des mesures particulières ou bien ce sont les évêques dans l’ensemble ?

Les évêques du Sénégal se sont toujours entendus pour rédiger des communiqués, au regard de l’évolution de la pandémie. Nous en sommes au septième. A un moment, les pouvoirs publics ont voulu rouvrir les lieux de culte, mais nous avions estimé que c’était prématuré, car les chiffres de la propagation de la maladie n’arrêtaient pas d’augmenter. Cela nous paraissait donc contradictoire. Nous avions donc tenu à dire qu’il ne fallait pas baisser la garde. Nous sommes toujours dans cette perspective. Notre dernier communiqué précise que nous espérons, qu’autour du 15 août, nous aurons une appréciation un peu plus claire de la situation. Cela constitue également une manière de permettre à chaque évêque de voir quelles sont les conditions d’une reprise graduelle du culte dans son diocèse, en assurant toujours les précautions qui nous sont données par les autorités sanitaires pour préserver la vie de gens.

Beaucoup de pays ont été confrontés au problème de concilier confinement et vie sociale, puisque la plupart des personnes gagnent leur vie au jour le jour. Ce qui signifie qu’ils doivent sortir pour garantir leur alimentation. C’est également le cas dans votre pays ?

C’est tout à fait vrai. Plusieurs pères et mères de famille courent après la dépense quotidienne. Un confinement, qui empêche de sortir pour aller chercher de quoi manger pour sa famille, représente une grosse difficulté. L’Etat du Sénégal avait anticipé en créant des bourses familiales. Une distribution de vivres a été organisée dans tout le pays, grâce à un repérage de familles les plus pauvres. Cela a pu soulager un certain nombre de familles et nous saluons cette opération de solidarité. Mais cela n’empêche pas que les besoins des familles sont toujours là et que des personnes soient obligées, malgré tout, de braver les risques de la propagation de la maladie pour avoir de quoi vivre. C’est une réalité économique que nous vivons et qui correspond à la sociologie du Sénégal. Nous sommes un pays pauvre avec peu de ressources. Donc une calamité qui arrive, comme cette maladie, fragilise une économie qui, par elle-même, est déjà fragile.

En tant que pasteur, quelle leçon tirez-vous de cette pandémie, à partir de différents points de vue ?

Je mesure notre fragilité. Nous vivions un peu dans l’insouciance et dans l’ordinaire de ce qui se passe. C’est donc un signal pour nous alerter que la vie peut être remise en cause, souvent en lien souvent avec nos comportements. En outre, je mesure la pertinence de l’encyclique « Laudato si' », parce que nous avons abusé de notre environnement, de notre planète et nous le payons en retour aujourd’hui. Je suis, en même temps, effrayé, par le fait qu’on a qu’une hantise aujourd’hui : reprendre comme si rien ne s’était passé, comme si nous ne retenons pas les leçons. Or, nous ne pouvons pas continuer de vivre comme nous avons vécu jusqu’à présent. J’appréhende un peu le fait qu’on ne tire pas suffisamment de leçons, en termes de genre de vie à modifier, pour avoir une réelle osmose entre le comportement de l’homme et la nature dans laquelle il évolue.

Néanmoins, nous avons beaucoup prié et j’apprécie ces leçons de ferveur, cette communion spirituelle dont les chrétiens et les fidèles, en général, ont pu faire l’expérience quand ils étaient frustrés du caractère ordinaire des célébrations qu’ils vivaient jusqu’à présent. Il y a eu un renforcement de la foi, dû au manque que la pandémie a créé par le fait que l’on ne pouvait plus se rendre aux offices religieux comme avant. Nous demandons au seigneur de fortifier notre foi et nous le prions fortement pour qu’il nous délivre de ce mal.

Avez-vous un mot de la fin, Monseigneur ?

Comme l’indiquait notre dernier communiqué, je lance un appel à la patience et à la persévérance. Ces derniers temps, nous avons noté un relâchement par rapport aux mesures barrières. Les gens font comme si le mal n’existait pas, alors que les chiffres sont effrayants. Une discipline de vie collective doit être mieux promue pour le bien de tous. C’est un appel fort. J’ai entendu le ministre de la santé inviter les populations à célébrer les prochaines fêtes musulmanes, en restant à Dakar, puisque c’est le point focal de la pandémie pour nous, parce qu’en allant au village, on court le risque de transmettre la maladie à d’autres personnes. C’est un appel citoyen et qui me fait penser que nous tous, chrétiens comme musulmans, nous devons nous armer et être attentifs aux indicateurs sociaux qui peuvent sortir des manifestations religieuses. Donc, j’invite à la patience et à la persévérance.

*Twitter : @JPBodjoko E-mail: jeanpierre.bodjoko@spc.va

Mgr Benjamin Ndiaye au micro de Jean-Pierre Bodjoko, SJ

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29 juillet 2020, 12:34