Procès au Vatican : la défense demande toujours une déclaration de nullité
Salvatore Cernuzio - Cité du Vatican
Le procès au Vatican pour des délits présumés concernant des fonds de la Secrétairerie d'État en est encore au stade des escarmouches de procédure. C'est le président du tribunal du Vatican, Giuseppe Pignatone, qui, lors de la septième audience aujourd'hui, dans la salle polyvalente des Musées du Vatican, a annoncé le nouveau report du procès lui-même.
«Le tribunal du Vatican voudrait entendre toutes les exceptions de nullité de nature absolument préliminaire aujourd'hui et éventuellement le 28 février, de manière à pouvoir émettre, le 28 ou le 1er mars, l'ordonnance avec laquelle les questions accumulées seront résolues et commencer ensuite le traitement», a-t-il déclaré.
Giuseppe Pignatone a d'ores et déjà fixé les prochaines dates de la procédure «pour poursuivre l'activité future, si activité future il doit y avoir». Tout ce qui concerne la demande de preuves aura «espace et écoute», a également assuré le président du Tribunal, qui a déclaré la contumace des accusés absents: les financiers Gianluigi Torzi, Enrico Crasso et Raffaele Mincione, les anciens président et directeur de l'AIF René Brülhart et Tommaso Di Ruzza, l'ancien fonctionnaire du Vatican Fabrizio Tirabassi, la manager Cecilia Marogna, et Nicola Squillace. Seuls le cardinal Giovanni Angelo Becciu et Mgr Mauro Carlino, son ancien secrétaire, étaient présents dans la salle d'audience.
L’ASIF constituée partie civile
Pendant les quatre heures et demie de la session particulièrement technique de ce 19 février, entrecoupée de deux pauses, il a été annoncé que l'ASIF (Autorité de surveillance et d'information financière) se constituait partie civile, comme l’étaient déjà la Secrétairerie d’État, l'IOR et l'Apsa. Anita Titomanlio est l'avocate désignée, alors que les motivations n'ont pas été justifiées, même si elles visent la demande de dommages et intérêts.
Demande de nullité réitérée
Une grande partie du temps a été consacrée aux discours des avocats de la défense, avec une moyenne d'environ 40 minutes chacun. Tous ont réitéré la demande de nullité «absolue et irrémédiable» de l'assignation, en raison de l'absence de dépôt par le Bureau du Promoteur de Justice de l'ensemble du matériel saisi.
Lors de la dernière audience du 25 janvier, la défense s'est plainte de l'absence d'une «très grande partie» des actes et documents informatiques déposés par l'accusation en décembre 2020. En particulier, il a été estimé que sur les 255 supports informatiques saisis, 239 ne seraient pas libérés en tant que copies.
«Nous sommes tranquilles sur le travail effectué, concernant les profils techniques je ne comprends pas ce qui n'a pas été donné», a répondu le promoteur adjoint de la justice, Alessandro Diddi. Pignatone, cependant, avait fixé un délai au 31 janvier pour permettre de vérifier les actes effectivement absents et éventuellement les déposer au greffe. Après «les vérifications appropriées» sur «l'intégrité» de la documentation, les magistrats du Vatican ont remis un mémorandum de trois pages dans lequel ils expliquent que la copie délivrée aux parties «reproduit intégralement le recueil documentaire également de nature informatique réalisé pour la procédure et correspondant au matériel utilisé à des fins procédurales».
Par conséquent, seul le matériel utilisé pour mener les enquêtes a été déposé et non l'ensemble du matériel saisi, ont souligné les avocats de la défense. Une "philosophie de base" inacceptable, selon eux. «Il n'est pas pensable de permettre de prendre un livre de mille pages pour ensuite le confronter à dix. Donnez-nous tout à nous aussi. Peut-être que nous ne choisirons rien, mais permettez-nous d'avoir accès à ces pages qui ont constitué votre itinéraire d'enquête», a déclaré l'avocat du cardinal Becciu, Fabio Viglione, parlant de «réticence à aller vers une procédure régulière».
Selon l'avocat de Mgr Carlino, la sélection des preuves qui pourraient être utilisées pour réfuter les reconstitutions accusatoires a également été supprimée. C'est le cas de son client qui, par exemple, grâce à une conversation sur son téléphone portable - qui n'a pas été mise dans les dossiers - a prouvé qu'il se trouvait à Rome, se voyant ainsi "exonéré" de l'accusation d'être à Londres à certains moments de la transaction pour l'achat de l'immeuble de Sloane Avenue. Un élément considéré comme non pertinent par l'accusation, mais "fondamental" pour la défense, a déclaré Mondello : «Le choix des promoteurs de ne déposer qu’une chose est du tourisme juridictionnel».
«Des actes manquants et des incohérences»
Comme à chaque audience, la série d'interventions a été ouverte par l'avocat Panella, de la défense du financier Enrico Crasso, qui, rappelant que le procès a adopté quatre Rescripta du Pape qui ont modifié le système judiciaire, a rappelé les paroles du Promoteur de Justice, Gian Piero Milano : «Le Pape peut modifier le système comme il veut». En affirmant cela, «on a théorisé l'inexistence de l'État de droit» tel qu'il a évolué au cours les derniers siècles et on est revenu «à une situation du début du Moyen Âge, d'avant 1215», a déclaré l'avocat. «Cela ne peut pas être partagé, il y a un risque de confondre le niveau religieux avec le niveau juridique».
L'avocat a réitéré la nullité de l'assignation, insistant sur le fait que le bureau du promoteur avait ignoré tous les ordres de la Cour du Vatican de compléter les actes manquants. D'autres «incohérences» sont également apparues dans les transcriptions de certains interrogatoires. Par exemple, dans un interrogatoire de Mgr Alberto Perlasca, alors chef du bureau administratif de la Secrétairerie d'État, il est fait référence à une conversation avec le cardinal Becciu dans le restaurant romain Lo Scarpone. Il n'y a pas d'enregistrement ou de procès-verbal de cette conversation. «C’est la preuve qu’il existe des actes retirés de la connaissance des parties» selon maître Panella, qui a également critiqué la constitution comme partie civile de l'Asif, énième autre branche de l'État de la Cité du Vatican.
La défense de Torzi
L'avocat Marco Franco, qui défendait Gianluigi Torzi, le courtier de Molise qui a récemment recouvré la liberté, est intervenu près de 55 minutes, exprimant toutes les exceptions qu'il n'avait pas pu présenter jusqu'à présent en raison de l'empêchement légitime de la détention provisoire de son client à Londres. L'argument principal de Franco était la nullité du mandat d'arrêt de Torzi ; l'avocat a ensuite parlé de «violation du principe de légalité» et a déclaré que les «droits humains de son client ont été violés à plusieurs reprises». Il est notamment question de la «mesure coercitive», à savoir l'arrestation du courtier au Vatican le soir du 5 juin 2020, à l'issue d'un long interrogatoire.
«Le droit de la défense a été violé. Lors des interrogatoires, soit on répondait et l’on donnait des réponses bienvenues, soit on donnait du matériel, ou on n’y arrivait pas», a-t-il expliqué. Des déclarations fortes, prononcées avec un ton de voix élevé, et face auxquelles le promoteur A. Diddi est intervenu : «Assumez-vous la responsabilité de ce que vous dites ? Méfiez-vous de la calomnie. S'il vous plaît, faites attention à ce que vous dites». Selon maître Franco, il s'agissait également d'une menace limitant l'exercice de la défense. Maître Pignatone a mis fin à l'agitation et a rappelé maître Franco en lui demandant de «respecter les conditions».
D'autres avocats ont pris la parole au cours de l'audience. Il n'y a pas eu de réponse de A. Diddi, qui interviendra lors de la prochaine session du 28 février, avec les parties civiles.
Les éclaircissements du cardinal Becciu
Au début de l'audience, Pignatone a annoncé qu'une note avait été déposée le 17 février par la défense du cardinal Becciu concernant les documents d'une commission rogatoire avec l'Italie, envoyée par le ministère public auprès du tribunal de Sassari. Toujours au début de l'audience, le cardinal Becciu a voulu partager avec les journalistes une clarification sur la récente inspection du 15 février dans le diocèse d'Ozieri, son diocèse d'origine. Les inspections ont également concerné le siège de la Coop Spes, dont le propriétaire est Tonino Becciu, le frère du cardinal, et le siège de la Caritas locale.
Pour le cardinal, ce «blitz» a été «une humiliation pour le diocèse et l'évêque». À propos de Spes, le cardinal Becciu a déclaré qu'il était «fier d'avoir trouvé des fonds pour soutenir cette coopérative, qui fournit du travail à 60 jeunes hommes et femmes qui sont des 'rejetés' de la société : anciens toxicomanes, ex-prisonniers, jeunes ayant des problèmes de santé». Il a ensuite assuré qu'il se défendrait au tribunal contre l'accusation d'avoir favorisé des membres de sa famille en envoyant de l'argent à Caritas à Ozieri.
Le cardinal est entré dans les détails en rappelant la convocation des magistrats du Vatican, dans laquelle ils constatent trois transferts envoyés à Caritas : 100 000 € en 2013 ; 25 000 € en 2015 ; 100 000 € en 2018. «Les 100 000 euros en 2013 étaient un prêt de l'IOR que j'avais demandé et que j'ai rendu», a-t-il clarifié. Les 125 000 euros restants provenaient de l’Obole de Saint-Pierre mais, a-t-il précisé, 100 000 sont «encore bloqués sur le compte de Caritas» pour la construction d'une maison pour les pauvres, tandis que les 25 000 euros restants ont servi à acheter une machine pour une boulangerie. Aucun montant n'est donc allé dans sa famille, a assuré le cardinal Becciu.
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