Prix Ratzinger: l'hommage du Pape à son prédécesseur et à la théologie française
Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican
C’est en salle Clémentine qu’a eu lieu en fin de matinée la remise du prix Ratzinger, en présence du Souverain Pontife, des deux récipiendaires, du cardinal Ravasi, président émérite de l’ancien conseil pontifical pour la Culture, et du père Federico Lombardi, président de la Fondation vaticane Joseph Ratzinger – Benoît XVI, à l’origine de cette récompense qui en est à sa douzième édition.
«Comme vous le savez, les rencontres personnelles, fraternelles et affectueuses avec le Pape émérite ne manquent pas pour moi», a d’abord confié François, évoquant «ces yeux contemplatifs qu'il montre toujours», et la «présence spirituelle» de Benoît XVI qui accompagne toute l’Église.
L’apport de Benoît XVI pour le Concile Vatican II
Revenant longuement sur le travail de son prédécesseur, le Saint-Père a réaffirmé «que l'apport de son œuvre théologique et plus généralement de sa pensée continue […] à être fécond et opérant». Il a évoqué plus spécialement le Concile Vatican II, dont on commémore cette année le 60e anniversaire de l’ouverture. «Benoît XVI y a personnellement participé en tant qu'expert et a joué un rôle important dans la genèse de certains documents; puis il a été appelé à diriger la communauté ecclésiale dans sa mise en œuvre, tant aux côtés de saint Jean-Paul II qu'en tant que pasteur de l'Église universelle», a rappelé François. «Il nous a aidés à lire les documents conciliaires en profondeur, en proposant une "herméneutique de la réforme et de la continuité"», et en soulignant «comment le Concile exerce de manière durable sa fonction cruciale».
François s’est aussi réjoui de la publication des Œuvres Complètes de son prédécesseur, d’abord en allemand et bientôt en d’autres langues. «Ces contributions nous offrent une base théologique solide pour le cheminement de l'Église, a-t-il déclaré, une Église " vivante ", qu'il nous a appris à voir et à vivre comme une communion, et qui est en mouvement - en synodos - guidée par l'Esprit du Seigneur», prête à servir et à évangéliser.
Le magistère et la pensée de Benoît XVI, a poursuivi le Pape argentin, «ne sont pas tournés vers le passé, mais sont féconds pour l'avenir, pour la mise en œuvre du Concile et pour le dialogue entre l'Église et le monde d'aujourd'hui», dans divers domaines «comme l'écologie intégrale, les droits de l'Homme, la rencontre entre les différentes cultures».
Un digne héritier des théologiens français
Puis François s’est tourné vers les deux lauréats de cette édition 2022, saluant «deux personnalités éminentes pour le travail remarquable qu'elles ont accompli dans leurs domaines d'étude et d'enseignement respectifs».
Le père Michel Fédou d’abord, né en 1952 à Lyon, est «un maître de la théologie chrétienne», a déclaré le Saint-Père. Le jésuite français, spécialisé en patristique, en théologie dogmatique et en christologie «ne s'est pas refermé sur le passé. La connaissance de la tradition de foi a nourri en lui une pensée vive», en mesure également «d'aborder les questions actuelles dans le domaine de l'œcuménisme et des relations avec les autres religions». «En lui, nous reconnaissons et rendons hommage à un digne héritier et continuateur de la grande tradition de la théologie française, qui a donné à l'Église des maîtres de la stature du père Henri De Lubac», a complimenté le Souverain Pontife, mentionnant aussi «des entreprises culturelles solides et courageuses comme les Sources Chrétiennes», revue de patristique née il y a quatre-vingts ans. «Sans l'apport de cette théologie française, la richesse, la profondeur et l'ampleur de la réflexion dont s'est nourri le Concile Vatican II n'auraient pas été possibles, a estimé le Pape, et il faut espérer qu'elle continuera à porter ses fruits à long terme».
Un regard éclairé sur les enjeux du monde contemporain
Né en 1951, le professeur Joseph Weiler est quant à lui «la première personnalité de religion juive à recevoir le prix Ratzinger, qui était jusqu'à présent attribué à des chercheurs appartenant à différentes confessions chrétiennes. Je suis vraiment heureux de cela», a confié le Successeur de Pierre, citant à nouveau Benoît XVI qui affirmait que «l'un des objectifs de son travail théologique personnel a été, dès le début, de partager et de promouvoir toutes les étapes de la réconciliation entre chrétiens et juifs franchies depuis le Concile» (Lettre aux évêques de l'Église catholique, 10 mars 2009). «À mon tour, j'ai poursuivi dans la même veine, avec de nouvelles étapes, dans l'esprit de dialogue et d'amitié avec les Juifs qui m'a toujours animé durant mon ministère en Argentine», a ajouté François.
Le professeur de droit a travaillé sur divers sujets, qui intéressaient aussi de près le Pape émérite: «rapport entre la foi et la raison juridique dans le monde contemporain; la crise du positivisme juridique et les conflits générés par l'extension sans limites des droits subjectifs; la juste compréhension de l'exercice de la liberté religieuse dans une culture qui tend à reléguer la religion à la sphère privée».
Sur ces sujets, le professeur Weiler a su prendre «des positions courageuses, passant, lorsque cela était nécessaire, du niveau académique à celui de la discussion - et nous pourrions dire du "discernement" - dans la recherche d'un consensus sur les valeurs fondamentales et le dépassement des conflits pour le bien commun. Le fait que les croyants juifs et chrétiens puissent se retrouver unis en cela est un signe de grande espérance», a souligné le Souverain Pontife.
François a conclu son discours en remerciant chaleureusement les deux lauréats: ce Prix Ratzinger, a-t-il affirmé, «en plus de représenter une reconnaissance bien méritée, offrent l'indication de lignes d'engagement, d'étude et de vie de grande importance, qui suscitent notre admiration et demandent à être proposées à l'attention de tous».
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