Docteur Aimée Bibatou, endocrinologue, diabétologue et nutritionniste camerounaise, qui exerce actuellement à Dakar, au Sénégal Docteur Aimée Bibatou, endocrinologue, diabétologue et nutritionniste camerounaise, qui exerce actuellement à Dakar, au Sénégal 

L’obésité, un fléau dont l’Afrique doit se préserver

«L’obésité est un véritable problème en Afrique également, une maladie en pleine augmentation chez les enfants comme chez les adultes. On peut s’en préserver en soignant notamment l’alimentation et en évitant la sédentarité». C’est le conseil que donne docteur Aimée Bibatou, endocrinologue, diabétologue et nutritionniste camerounaise, prestant actuellement à Dakar, au Sénégal; à l’occasion de la journée mondiale de l’obésité, célébrée ce 4 mars.

Stanislas Kambashi, SJ – Cité du Vatican

Ce 4 mars se célèbre la Journée mondiale de l’obésité. Selon une étude citée par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), au moins un milliard de personnes souffraient d'obésité en 2022, un chiffre qui a doublé chez les adultes et quadruplé chez les jeunes de 5 à 19 ans depuis 1990. Au moins une personne sur huit dans le monde est en situation d'obésité et 43 % des adultes étaient en surpoids en 2022. Jadis considérée comme une maladie moins présente en Afrique, elle atteint des proportions de plus en plus inquiétantes sur le continent, a mis en garde docteur Aimée Bibatou, qui a fait sa spécialisation à l'Universitaire Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal.

«L'obésité est l'excès de la masse graisseuse qui se situe généralement dans les tissus adipeux», au niveau du ventre, de l'abdomen, des parties grasses comme des fesses, ect, a précisé la spécialiste camerounaise. Et elle se définit avec un indice de masse corporelle supérieure ou égale à 30 kilogrammes par mètre carré. L’indice de masse corporelle se calcule en divisant le poids par le carré de la taille. Lorsqu’il est «supérieur ou égal à 30 kilogrammes par mètre carré, nous dirons que cette personne est obèse». Il existe beaucoup de classifications: il y a l’obésité modérée, sévère ou morbide, lorsque l'indice de masse corporelle est supérieur à 40 kilogrammes par mètre carré, a détaillé l’endocrinologue, diabétologue et nutritionniste camerounaise.

L’obésité, une bombe à retardement pour l’Afrique

L’obésité, a expliqué docteur Bibatou, est un véritable problème, un fléau qui menace l’Afrique, une épidémie et une véritable bombe à retardement. En 2022, la proportion en Afrique, s'élevait de 13,6 % à 31 % chez les adultes. Chez les enfants, elle s'élevait de 5 à 16,5 %. Même des enfants de moins de cinq ans étaient en surpoids en 2022, a-t-elle constaté. Ces proportions indiquent qu’il y a un retournement de situation, alors qu’avant, on pensait que l'obésité n’était pas un problème de l'Afrique. Sur ce continent, «la proportion est en train de s'élever et ça devient vraiment un lourd fardeau et une véritable épidémie», a-t-elle fait observer. Se référant à l’OMS, elle a aussi indiqué que le taux d'obésité est en train de quadrupler chez les enfants et chez les adolescents. Et il est en train de doubler chez les adultes, en triplant chez les hommes et en doublant chez les femmes. «Donc, nous devons vraiment interpeller la population par rapport à ce fléau, à cette proportion, cette ampleur que l'obésité est en train de prendre en Afrique», a déclaré Docteur Bibatou.


Soigner l’alimentation et éviter la sédentarité

Parlant des facteurs, la spécialiste camerounaise a indiqué que «les causes de l'obésité sont multifactorielles». Mais en Afrique, les plus répandues sont les facteurs environnementaux, dont l'alimentation est en première ligne. Sur le continent africain, a-t-elle constaté, il y a de nos jours une transition nutritionnelle qui fait que le mode de vie a changé et beaucoup de personnes adoptent les habitudes alimentaires occidentales. On consomme de plus en plus des aliments importés, prêts à la consommation, des boîtes de conserves. «Nous sommes exposés à des produits qui sont ultra transformés». La sédentarité, a poursuivi docteur Bibatou, est un autre facteur qui prédispose à cette pathologie. Le manque d’exercices physiques, en commençant par la simple marche, est de plus en plus fréquent. Les enfants passent beaucoup de temps devant les écrans, les téléphones, sur les réseaux sociaux et ne s’amusent plus «dehors avec des amis».

Le phénomène de l'urbanisation et la forte croissance socio-économique entraînent aussi un changement corporel dans le contexte africain. En Afrique, a déploré la médecin, «lorsqu'on est obèse, lorsqu'on est en surpoids, on pense qu'on est riche, qu'on a réussi dans la vie, qu'un ménage est épanoui, qu'on est en bonne santé, qu'on a une main d'œuvre qui est accessible. On pense que c'est synonyme de beauté également». Un autre danger est la tendance à la dépigmentation volontaire, a déclaré l’endocrinologue.

La sous-alimentation ou la suralimentation exposent à l’obésité

Revenant sur l’alimentation, la nutritionniste a souligné que la dénutrition est aussi l’une des causes de l’obésité. «On peut être exposé à la malbouffe, on mange mal, ou pas assez». Ceci se vérifie surtout dans des pays défavorisés ou à faible ou moyen revenu. «Et cela devient un double fardeau», a mis en garde la diabétologue. Parmi d’autres causes, elle a mentionné des facteurs épigénétiques, qui ne sont pas beaucoup rependus. Certains enfants, a-t-elle expliqué, peuvent naître avec de l'obésité, avec un poids de six ou sept kilos, parce que, pendant la grossesse, la maman mangeait mal, ou il y avait une sous-alimentation ou une suralimentation. Dans ce cas, l’empreinte génétique au niveau utérin affectera les enfants. Une famille peut ainsi avoir plusieurs enfants obèses, a expliqué docteur Bibatou, qui conseille de manger bio, de consommer ce qui est localement cultivé et produit en Afrique.

Suivre l’interview accordée à Vatican News par Docteur Aimée Bibatou

Des signes de l’obésité

Il n’y a pas de signes cliniques clairement établis qui orientent vers l’obésité, a indiqué la diabétologue. L’un des indices qui montrent qu’une personne souffre d’obésité est le poids corporel exagéré. «Lorsque, dans l'intervalle, d'un ou deux mois par exemple, on sent qu’on est en train de faire une prise de poids». On commence alors à sentir des complications, la nuit, on a par exemple des apnées de sommeil, on ronfle beaucoup, on est tout le temps fatigué, on a même plus la force de marcher. Il faut calculer l'indice de masse corporelle pour mieux s’informer sur sa situation, conseille-t-elle.

Des complications dues à l’obésité

L'obésité est une maladie chronique, très complexe, multifactorielle et qui s'accompagne généralement d'une augmentation de la mortalité et d'autres pathologies qui peuvent être sous-jacentes, a averti docteur Bibatou. Il y a beaucoup de maladies cardiovasculaires qui sont des complications de l'obésité telles que les AVC, l'hypertension artérielle, le diabète, le cancer du sein ou de l’utérus chez les femmes, le cancer du côlon ou de la prostate chez les hommes; tout comme le cancer colorectal ou du pancréas. Les personnes qui souffrent d'obésité sont également confrontés à l’arthrose, à ces complications des douleurs osseuses, des douleurs au niveau des articulations, la goutte, etc. L’asthme, l'infertilité du couple, peuvent également résulter des complications de cette pathologie. La pandémie de Covid-19 a aussi révélé que le taux de mortalité était élevé chez des patients obèses. «Donc, nous voyons que l'obésité est vraiment une maladie dont la mortalité est très élevée et les populations doivent la prendre au sérieux et particulièrement en Afrique», a déclaré la spécialiste.

Comment prévenir l’obésité?

Les mesures de prévention de l’obésité passent d'abord par la modification du style de vie, a soutenu docteur Bibatou. Il convient de soigner l’alimentation, en consommant par exemple des aliments dont l'index en sucre est bas, «c'est à dire que l'index glycémique des sucres sont bas, les sucres qui sont lents», en mangeant plus des légumes et des fruits, la viande maigre comme le poulet, le poisson, la dinde. La nutritionniste conseille également d’éviter des substituts salés, comme les «cubes», de bouillons parfois exagérément consommés en certains endroits en Afrique; le tabac, l'alcool et de faire le sport ou d’autres exercices physiques, mais aussi de lutter contre le stress. Elle insiste surtout pour que les parents puissent limiter le temps que les enfants passent devant la télévision ou les plateformes numériques, ce qui les rend sédentaires et les expose au risque de l’obésité.

Le docteur Aimée Bibatou a conclu en interpellant les populations africaines sur les complications, les conséquences mortelles et néfastes de l’obésité. «Il faut prendre ce fléau au sérieux», a-t-elle exhorté, et s’en prévenir en menant un mode de vie sain, avec l’alimentation et en évitant la sédentarité notamment. «Revenons à nos anciennes cultures, nos anciennes traditions», car nos habitudes africaines peuvent nous mettre hors du danger de l’obésité, a-t-elle déclaré.

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04 mars 2024, 18:22