Le général portugais Antonio Sebastio Ribeiro de Spinola intronisé président de la République le 15 mai 1974. Le général portugais Antonio Sebastio Ribeiro de Spinola intronisé président de la République le 15 mai 1974.   (AFP or licensors)

Le rôle de l'Église dans la démocratie portugaise

À l’occasion de l'installation de la démocratie au Portugal il y a cinquante ans et moins d'un an après la visite du Pape François dans le pays, une conférence a été organisée à Rome par l'ambassade du Portugal près le Saint-Siège et l'Ordre Souverain Militaire de Malte. Le professeur portugais Manuel Braga da Cruz y a incité les catholiques à s’engager en politique, malgré les risques de corruption et de malhonnêteté.

Deborah Castellano Lubov – Cité du Vatican

Il y a 50 ans, le 25 avril 1974, les militaires portugais sortaient de leur caserne un œillet à la main pour libérer leur pays de la dictature salazariste. Le coup d’État militaire porte alors au pouvoir plusieurs généraux réunis dans une Junte de Salut National, chargée de démocratiser le pays. Deux ans plus tard, le 2 avril 1976, la révolution des Œillets aboutira à l’adoption d’une Constitution toujours en vigueur aujourd’hui.

À cette occasion, l'ambassade du Portugal près le Saint-Siège et l'Ordre Souverain Militaire de Malte ont organisé à Rome une conférence pour célébrer le 50ème anniversaire de la démocratie dans le pays, mais aussi pour souligner et approfondir le rôle de l’Église.

Introduisant la conférence, l'ambassadeur du Portugal au Vatican, Domingos Fezas Vital, a voulu insister sur le rôle de l’Église dans le changement de régime dans son pays, allant d’une dictature vers une démocratie.

L'ambassadeur du Portugal près le Saint-Siège, Domingos Fezas Vital, ouvre la conférence sur l'Église et la démocratie dans sa résidence.
L'ambassadeur du Portugal près le Saint-Siège, Domingos Fezas Vital, ouvre la conférence sur l'Église et la démocratie dans sa résidence.

Pendant le long régime dictatorial, ancré dans le corporatisme et les valeurs traditionnelles, du premier ministre António de Oliveira Salazar, l'Église était l'une des institutions les plus puissantes du pays.

Toutefois, dans les années 1960, l’Église catholique portugaise poursuit son rôle politique et critique la pauvreté endémique dans le pays. Elle a ensuite accompagné le pays dans la transition vers la démocratie. En 1976, la Constitution a séparé l'Église et l'État, et fait entrer le Portugal dans l'ère de la démocratie.

Le soutien de l'Église à la démocratie

L'expert politique portugais Manuel Braga da Cruz, qui a été doyen de la prestigieuse université catholique du Portugal de 2002 à 2012, s’est intéressé à la manière dont les citoyens, en particulier les catholiques, peuvent se mobiliser ensemble en faveur du bien commun.

Il a rappelé l’encyclique de saint Jean-Paul II Centesimus Annus de 1991, qui commémorait le 100e anniversaire de l'encyclique révolutionnaire Rerum Novarum de son prédécesseur Léon XIII. Le Pape polonais expliquait alors que «l’Église apprécie le système démocratique» (n.46). Déjà en 1891, Léon XIII évoquait la «faveur» de l'Église à l'égard de la démocratie et de son engagement à protéger et promouvoir les droits, en particulier ceux qui promeuvent la dignité humaine.

Tout au long du XIX siècle, et plus encore avec le concile Vatican II et Gaudium et spes, les Papes ont valorisé le processus démocratique, a expliqué l’universitaire portugais.  

La participation des peuples pour éviter les guerres

Le directeur éditorial du dicastère pour la Communication, Andrea Tornielli, a, pour sa part, souligné comment la sagesse du passé peut être appliquée au présent, d'autant plus que «la démocratie semble souffrir» et nécessite un changement de cap.

«Le pape Pie XII a livré des réflexions mémorables sur la démocratie», a observé Andrea Tornielli, soulignant que le pape à la tête de l'Église pendant la Seconde Guerre mondiale, «a expliqué qu'une véritable participation des peuples est nécessaire pour éviter les guerres». Son message à la veille de Noël 1944 appelait à «un système de gouvernement plus conforme à la dignité et à la liberté des citoyens».

«Aujourd'hui, nous sommes témoins d'une crise et d'un vide dans les démocraties occidentales, causés par les populismes, ainsi que par le pouvoir des bureaucraties et de la finance. C'est pourquoi le magistère des papes et ce que nous dit le Pape François sont importants. »

De la dictature à la démocratie

Le catholicisme exerce encore une forte influence dans certains domaines de la société et de la culture portugaises, notamment dans l'éducation et la santé. Cependant, l'Église n'a plus l'influence d'autrefois.

Constat qui pousse Andrea Tornielli à interroger le professeur Manuel Braga da Cruz sur l’engagement des catholiques dans un contexte où aucun candidat ne correspond pleinement à leurs désirs, les électeurs catholiques se sentant comme «orphelins».


Pour l’universitaire portugais, cette réalité conduit à des électeurs «fluides» qui changent facilement leur vote en fonction des questions qui leur semblent les plus importantes selon le contexte, et parce que les électeurs éprouvent un manque de confiance envers leurs politiciens. Il a également blâmé en partie le manque d'organisation efficace des catholiques, et plus encore «leur sentiment d'être découragés de s'engager en politique, en raison de la corruption et de la malhonnêteté».

Enfin, l'expert portugais a exprimé son inquiétude face à des citoyens «instrumentalisés et exploités», et a appelé à la mise en place de systèmes dans lesquels les citoyens sont libres de contrôler leurs politiciens et leurs dirigeants, et où ils peuvent «contribuer au bien commun et à la paix».

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23 avril 2024, 15:11