Pauvreté, femmes, évêques, numérique: les thèmes de François pour le prochain Synode
Salvatore Cernuzio – Cité du Vatican
Le cri des pauvres; la mission à l'ère numérique; les ministères, y compris la réflexion sur la place et la participation des femmes dans l'Église et la recherche théologique et pastorale sur l'accès des femmes au diaconat; les relations avec les Églises orientales et celles entre les évêques, la vie consacrée et les réalités ecclésiales; la formation des prêtres; la figure et le ministère de l'évêque; le rôle des nonces; les questions doctrinales, pastorales et éthiques «controversées» afin de mieux clarifier la relation entre pastorale et morale. Tous ces points sont appelés à être analysés dans une perspective synodale et missionnaire. Sur ces dix thèmes qui ont émergé de la première session du Synode sur la synodalité en octobre dernier et du Rapport de synthèse voté à la quasi-unanimité, seront constitués autant de "groupes d'étude". Actifs jusqu'en juin 2025, ils en approfondiront les nuances, les cas, les éventuelles nouveautés, les possibles "répercussions" théologiques ou juridiques et pastorales.
Lettre et documents
La décision du Pape a été annoncée dans un chirographe le 16 février et est devenue effective ce jeudi 14 mars, comme l'annonce François lui-même dans une lettre au cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode, signée en date du 22 février et diffusée ce jour, en même temps que la publication et la présentation de deux documents par le Secrétariat général du Synode. Celui portant sur les groupes d'étude, mais aussi un autre document intitulé «Comment être une Église synodale en mission?» concentré sur les cinq perspectives à approfondir théologiquement en vue de la deuxième session, prévue du 2 au 27 octobre 2024.
Un des fruits du processus synodal
Dans cette missive, François explique que «comme il n'est pas possible de réaliser cette étude» à temps pour l'automne prochain, il est ordonné «de les confier à des groupes d'étude spécifiques, afin qu'ils puissent être examinés de manière appropriée». «Ce sera l'un des fruits du processus synodal lancé le 9 octobre 2021», écrit-il.
Ainsi le Secrétariat général du Synode, en accord avec les dicastères, devra mettre en place ces groupes en faisant appel à des pasteurs et à des experts de tous les continents et «en prenant en considération non seulement les études existantes, mais aussi les expériences les plus pertinentes qui se déroulent au sein du Peuple de Dieu rassemblé dans les Églises locales». Le souhait du Pape est que ces groupes d'étude «travaillent selon une méthode authentiquement synodale» et le Secrétariat général du Synode devra en être le «garant». Toute l'attention sera portée sur le thème général qui peut se résumer en une question: «Comment être une Église synodale en mission?» Les groupes d'étude, précise enfin le Pape, présenteront un premier rapport d'activité lors de la deuxième session et, éventuellement, concluront leur mandat d'ici juin 2025.
Relations avec les Églises orientales
Les thèmes sur lesquels se concentreront les travaux des différents groupes sont au nombre de dix et s'inspirent du rapport de synthèse. Le premier concerne les aspects des relations entre les Églises orientales catholiques et l'Église latine, suite à l'indication d'une plus grande connaissance mutuelle et d'un dialogue entre les membres respectifs, dans un contexte de migration et de diaspora croissantes des communautés chrétiennes orientales. Le groupe d'étude sur ce thème sera composé de théologiens et de canonistes orientaux et latins, coordonnés par le Secrétariat général du Synode et le dicastère pour les Églises orientales, qui -entre autres- pourra également préparer les dossiers relatifs à la demande de création d'un «Conseil des patriarches et archevêques majeurs des Églises orientales catholiques auprès du Saint-Père» et étudier «la représentation adéquate» des Églises orientales catholiques au sein de la Curie romaine.
Le cri des pauvres et des marginaux
Deuxième thème, l'écoute du cri des pauvres. Il s'agit de personnes unies par l'expérience d'être victimes de marginalisation, d'exclusion, d'abus ou d'oppression, «même au sein de la communauté chrétienne». «Pour ces personnes, recevoir une écoute est une expérience d'affirmation et de reconnaissance de leur propre dignité qui est profondément transformatrice», peut-on lire. «Pour l'Église, l'écoute permet de prendre conscience de leur point de vue et de se placer concrètement à leurs côtés». Afin «d'approfondir et de renforcer la capacité de l'Église à écouter, à différents niveaux et surtout au niveau local, les différentes formes de pauvreté et de marginalité», un groupe d'étude a été créé, coordonné par le dicastère pour le Service du développement humain intégral, en collaboration avec le Secrétariat général du Synode. Le dicastère pour le Service de la charité y participera également, ainsi que les personnes, projets, organisations et réseaux concernés par ces domaines.
La mission à l’ère du numérique
La mission à l’ère du numérique, une frontière non sans risque mais une «dimension cruciale» du témoignage de l'Église dans la culture contemporaine, est l'autre thème pour lequel un groupe d'étude a été créé. L'accent est mis en particulier sur les jeunes, y compris les séminaristes et les nouveaux membres des ordres religieux; l'objectif est d'évaluer et de détecter les «implications aux niveaux théologique, spirituel et canonique, et d'identifier les exigences aux niveaux structurel, organisationnel et institutionnel pour mener à bien la mission numérique». Le groupe d'étude sera coordonné par le dicastère pour la Communication et le Secrétariat général du Synode; les dicastères pour la Culture et l'Éducation et celui pour l'Évangélisation seront également impliqués. Les personnes impliquées dans l'initiative «L'Église vous écoute» apporteront leur contribution.
Prêtres, formation et relations
Quatrième thème: la révision «dans une perspective synodale missionnaire» de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis, le document de 2016 de l'ancienne Congrégation pour le clergé sur le don de la vocation sacerdotale. Les séminaires et les parcours de formation, leur lien avec la vie quotidienne, le patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, l'articulation des parcours de formation au ministère ordonné avec ceux proposés pour les autres figures ministérielles, sont les pistes sur lesquelles travaillera le groupe d'étude coordonné par le dicastère pour le Clergé avec la participation des dicastères pour l'Évangélisation; pour les Églises orientales; pour les Laïcs, la Famille et la Vie; pour les Instituts de vie consacrée; pour la Culture et l'Éducation. Compte tenu de l'importance du sujet, une réflexion commune au niveau interdicastériel est nécessaire.
Les ministères et le rôle des femmes
Un groupe d'étude se concentrera sur certaines questions théologiques et canoniques concernant des formes ministérielles spécifiques, un sujet qui englobe également la tâche de poursuivre «la recherche théologique et pastorale sur l'accès des femmes au diaconat». Il s'agit d'approfondir «la compréhension théologique des relations entre charismes et ministères». La réflexion sur la participation réelle des laïcs, les relations entre les différentes formes de ministère ecclésial, les fonctions et services ecclésiaux qui ne requièrent pas le sacrement de l'ordre et les problèmes découlant d'une conception erronée de l'autorité ecclésiale sont au centre de cette réflexion.
La réflexion sur «la place des femmes dans l'Église et leur participation aux processus de décision et à l'animation de la communauté» ne manquera pas. Dans ce contexte, la question de l'accès éventuel des femmes au diaconat est posée: Ce groupe de travail est chargé de poursuivre «la recherche théologique et pastorale sur l'accès des femmes au diaconat, en profitant des résultats des commissions spécialement mises en place par le Saint-Père», précise le document. Le travail visera également à répondre au désir de l'Assemblée synodale d'une «plus grande reconnaissance et appréciation de la contribution des femmes et d'un accroissement des responsabilités pastorales qui leur sont confiées dans tous les domaines de la vie et de la mission de l'Église». L'étude de ces questions est confiée au dicastère pour la Doctrine de la Foi, en dialogue avec les dicastères compétents.
Vie consacrée et mouvements ecclésiaux
Un autre thème sera la révision, dans une perspective synodale et missionnaire, des documents sur les relations entre les évêques, la vie consacrée et les agrégations ecclésiales. L'assemblée d'octobre a parlé de reconnaître la contribution de la vie consacrée et des agrégations ecclésiales au développement de la vie synodale de l'Église, et a demandé un examen approfondi de la façon dont les relations entre les pasteurs, les personnes consacrées, les membres des mouvements ecclésiaux et les communautés nouvelles «peuvent être mieux articulées et mises au service de la communion et de la mission». Les travaux du groupe d'étude confié aux dicastères pour les Évêques, pour les Instituts de vie consacrée, pour l'Évangélisation et pour les Laïcs, la Famille et la Vie seront menés dans ce sens. Les organismes internationaux de la vie consacrée, tels que l'UISG et l'USG, ainsi que diverses agrégations ecclésiales y seront également associés.
Les évêques, figure et fonctions
Dans une perspective synodale missionnaire, quelques aspects de la figure et du ministère de l'évêque seront ensuite étudiés. Autant de thèmes centraux, lors de la session d'octobre, mais déjà auparavant dans l'Instrumentum laboris. L'examen de ces thèmes fera également l'objet de la session d'octobre; c'est pourquoi il a été décidé de constituer deux groupes d'étude: le premier, coordonné par le Dicastère pour les Évêques et le Secrétariat général du Synode, avec la participation des dicastères pour l'Évangélisation et pour les Églises orientales, traitera de thèmes tels que les critères de sélection des candidats à l'épiscopat, l'implication des Églises locales et du Peuple de Dieu dans les processus de sélection, le service des nonces, la nature et le déroulement des visites ad limina. Le second groupe sera coordonné par le dicastère pour les textes législatifs, avec la participation des dicastères pour les Évêques et pour l'Évangélisation, et approfondira la fonction judiciaire de l'évêque, déjà évoquée par le motu proprio Vos estis lux mundi sur les abus, en essayant de «concilier dans certains cas le rôle de père et celui de juge».
Le rôle des nonces
Le rôle des représentants pontificaux dans une perspective missionnaire synodale: c'est le septième thème abordé par un groupe d'étude «centré sur la coordination» de la Secrétairerie d'État et du Secrétariat général du Synode, avec la participation des dicastères pour les Évêques et pour l'Évangélisation. Des représentants des Églises locales et de leurs épiscopats seront également impliqués. Ils examineront, entre autres, le travail des représentants pontificaux auprès des Églises locales des pays où ils exercent leur mission, afin d'améliorer leur service, ainsi que les moyens de renforcer les liens de communion entre les Églises locales et le successeur de Pierre, pour lui permettre de connaître, de manière plus confiante, leurs besoins et leurs aspirations.
Questions «controversées»
Un huitième groupe d'étude coordonnera le travail sur les critères théologiques et les méthodologies synodales pour un discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées. Il s'agira de relire «les catégories traditionnelles de l'anthropologie, de la sotériologie et de l'éthique théologique en vue de mieux clarifier les rapports entre charité et vérité, en fidélité à la vie et à l'enseignement de Jésus, et par conséquent aussi entre pastorale et doctrine (morale)». Des thèmes d'une grande «autorité», c'est pourquoi la «direction» de ce groupe est confiée -de manière unique- au préfet du dicastère de la Doctrine de la Foi et au secrétaire de la Commission théologique internationale, respectivement le cardinal Victor Manuel Fernández et Mgr Antonio Staglianò. L'Académie pontificale pour la Vie est invitée à apporter sa contribution. «Dans ce domaine, souligne le document, peut-être plus encore que dans d'autres, il est urgent d'avancer vers une plus grande collaboration entre les organismes qui, bien qu'à des titres différents, parlent au nom du Saint-Siège, en vue d'une plus grande choralité dans leurs positions. Les dissonances, et plus encore les oppositions, risquent en effet de favoriser la division et la désorientation plutôt que la confrontation et la réflexion. Une approche synodale ne vise pas l'homogénéité, mais l'harmonie».
Dialogue œcuménique
Le dernier thème est celui de la réception des fruits du cheminement œcuménique dans les pratiques ecclésiales, en tenant en compte de la richesse des convergences atteintes et du caractère concret des propositions faites en octobre dernier, ainsi que des dialogues théologiques et des «retombées ecclésiales» concrètes. D'autres pistes seront une étude théologique, canonique et pastorale approfondie de la question de l'hospitalité eucharistique; l'expérience des couples et des familles interconfessionnels; une réflexion ouverte sur le phénomène des communautés «non confessionnelles» et des mouvements de «réveil» charismatiques/pentecôtistes. Ces questions seront traitées par le groupe d'étude coordonné par le Secrétariat général du Synode et le dicastère pour la Promotion de l'unité des chrétiens.
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