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La Sagrada Familia, initiée en 1882, encore en construction aujourd’hui. La Sagrada Familia, initiée en 1882, encore en construction aujourd’hui.  

Antoni Gaudí, architecte avant-gardiste et amoureux de Dieu

L’architecte catalan a été déclaré vénérable par le Pape François ce 14 avril. Union de l’art et de la liturgie, la basilique de la Sagrada Familia, dont Antoni Gaudí est l’architecte, rayonne dans le monde entier et éclaire aussi bien les fidèles que les non-croyants. L’archevêque de Barcelone revient sur la profondeur de l’héritage de cette «louange à Dieu faite de pierre».

Alexandra Sirgant – Cité du Vatican

Au lendemain du dimanche des Rameaux, le Pape François a autorisé la publication de décrets reconnaissant les vertus héroïques d'Antoni Gaudí, l'architecte espagnol connu dans le monde entier pour avoir dirigé la construction de la Sagrada Familia à Barcelone, également surnommée «la Bible de pierre». Inspiré par l’ardeur de sa foi chrétienne, l’architecte de Dieu consacrera toute sa vie à l’édification de la basilique catalane, initiée en 1882, et encore en construction aujourd’hui. Antoni Gaudí «a réussi à transformer cette église en une louange à Dieu faite de pierre» avait déclaré le Pape Benoît XVI lors de son voyage apostolique à Barcelone le 7 novembre 2010.

Retour sur l’ampleur de la foi du génie catalan avec le cardinal Juan José Omella, archevêque de Barcelone depuis 2015, qui a reçu la nouvelle avec joie.

Suite à la reconnaissance des vertus héroïques d'Antoni Gaudí, quels sont les éléments fondamentaux de son héritage que vous soulignez, et que signifie cette reconnaissance pour vous en particulier et pour votre Église?

En tant qu'archevêque de Barcelone, mes évêques auxiliaires et l'ensemble de la communauté chrétienne sont très heureux de cette reconnaissance des vertus que le Pape a déclarées aujourd'hui! Mais je pense que c'est aussi une joie pour toute la ville de Barcelone, car Antonio Gaudí est très aimé en tant que personne, et surtout en tant qu'architecte pour la construction de la célèbre et merveilleuse œuvre de la Sagrada Família.

C'est également une joie pour les nombreux disciples de Gaudí dans le monde, qu'ils soient croyants ou non. C'est un homme si admiré, si vénérable et si vénéré, que c'est une joie pour nous tous. D'une certaine manière, nous reconnaissons aujourd'hui les vertus que, en tant que croyant, cet homme a démontrées dans son œuvre d'art. Nous reconnaissons l'œuvre d'art bien sûr, mais l'œuvre d'art accompagnée de cette âme qui est celle d'un saint.

L’objectif d’Antoni Gaudí était de servir Dieu à travers l'architecture. Comment cela s'est-il traduit dans son travail?

Je pense qu'Antoni Gaudí, comme tout le monde en Espagne au XVIIIe et au XIXe siècle, a reçu une formation chrétienne dès sa naissance dans sa propre famille. La foi que les parents transmettaient à leurs enfants était très importante, et elle était également renforcée au catéchisme, à la paroisse et à l'école. Il a étudié au «Collegio de los Escolapios» [Des écoles pies, congrégation religieuse destinée à l’éducation et fondé par saint Joseph Calasanz en 1597] et là, d'une certaine manière, la foi qu'il a reçue de ses parents s'est formée et a grandi. Ensuite, il a choisi le métier d'architecte, et, dans cette profession, il a voulu exprimer la foi qu'il vivait.

Je trouve cela impressionnant. Il exprime la foi qu'il a dans son cœur pour aider les autres. Je crois que c'est ce qu'il nous a laissé, et cela s'exprime dans la beauté de la Sagrada Familia, où l'on peut distinguer deux espaces: l'un, à l'extérieur, où il montre tout l'Évangile et toute la Bible, de sorte que quiconque qui ne peut pas ou ne veut pas entrer à l’intérieur peut lire à travers la pierre les Actes de la Bible et de l'Évangile: la création de l'univers, la naissance, la passion, la mort…On peut tout voir. Et à l'intérieur, la basilique nous place dans la grandeur de la transcendance à l’aide des colonnes qui nous élèvent vers le haut, tout cela dans le silence, la lumière et la contemplation. Ainsi, l'être humain qui entre dans la cathédrale a d'abord été touché par l'extérieur, et le message de Jésus qui y est raconté, puis il trouve à l'intérieur ce silence, cette paix que produit la rencontre avec le Transcendant qui est Dieu.

Combien de personnes, qui n'étaient pas croyantes, nous ont dit qu'elles admiraient l'architecture, et qu'une fois à l'intérieur, elles avaient envie de s'allonger sur le plancher, de garder le silence et de contempler la grandeur? Elles sont ensuite sorties en ressentant une grande paix intérieure. C'est d'une certaine façon ce qu’a ressenti Paul Claudel [poète français converti au catholicisme en 1886] quand il est entré à Notre-Dame de Paris…

Je crois que c'est là le mystère que l'architecte Antoni Gaudí a en quelque sorte capturé et transmis dans son œuvre.

Antoni Gaudi a puisé son inspiration dans cette foi et dans la piété mariale. Que sait-on de sa dévotion mariale et comment son amour de la Vierge a-t-il guidé son œuvre?

Paul Claudel s’est converti en regardant la lumière qui se dirigeait vers l'image de la Vierge. La Vierge Marie a dit «oui» quand l’ange lui a proposé d’être la Mère de Dieu. Elle a eu peur, mais l'a accepté en disant «Voici la servante du Seigneur; que tout m’advienne selon ta parole». D'une certaine façon, chaque croyant est appelé à cela: Antoni Gaudi comme architecte, nous comme personnes différentes et chacun selon sa profession, sa vocation. Nous tous, sommes appelés à dire «oui» comme la Vierge Marie, et c'est elle, délicatement, qui nous conduit vers le Seigneur. Et Gaudi a été conduit vers le Seigneur par la délicatesse de Marie.

N'oubliez pas qu'il a vécu à Reus [ville du nord-est de l’Espagne, en Catalogne] et que la patronne de Reus est la Mère de la miséricorde, la mère de tous les croyants qui, avec une tendresse et un amour miséricordieux, nous appelle à suivre le Seigneur. Gaudi la suivit en contemplant le Seigneur, en faisant une grande basilique pour la gloire de Dieu, mais sans oublier ses frères. La Mère de la miséricorde protège sous son aile et sous son manteau tous ses enfants:  hommes et femmes, évêques et prêtres, pauvres, religieux, mères et pères de famille. Nous sommes tous sous son manteau. Si vous voyez une image de la Vierge de la Miséricorde, elle apparait toujours comme cela. Et lui, porté par elle, a trouvé le Seigneur et a voulu le montrer au monde.

Il était surnommé «l'architecte de Dieu». Par son geste, le Pape François réaffirme-t-il le lien indéfectible entre l'art et la foi?

Nous trouvons là quelque chose de très important: on a toujours trouvé que l'art et la foi étaient unis. On le voit à Rome, par exemple, avec les nombreuses églises où sont unies la foi et l'architecture! Et avec la science aussi, dans les universités, car les universités sont nées à l'intérieur de l'Église. La première université en Europe a été fondée par des évêques.

Petit à petit, le monde avance et à un moment donné on commence à distancier la science de la foi, en soutenant que tout ce qui n’est pas démontrable n'appartient pas à la foi. Ce n’est pas vrai. La foi aide la science parce que la science n'a pas réponse à tout. Elles sont comme des sœurs, elles doivent rester unies.

Et moi, je vois qu’Antoni Gaudi, comme tant de saints, qu’ils soient poètes, architectes, intellectuels ou autre, a su unir ces deux choses: foi et science. Architecture et foi. Personnellement, je trouve cela formidable. Unir les choses, ne pas les dissocier et les confronter, c'est très beau. Je crois que nous devons apprendre des grands scientifiques croyants et des grands architectes croyants également. 

Mais en plus de cela, il y a aussi un appel adressé à tous à vivre la sainteté. En voyant la reconnaissance des vertus dans un homme -architecte scientifique ou universitaire-, j’entends l’appel du Pape qui nous dit: «Nous sommes tous appelés à être des saints». Il y a des saints scientifiques mais aussi des saints humbles, agriculteurs ou père de famille. Et donc, nous constatons que nous sommes tous capables, avec l'aide de Dieu, de devenir des saints si nous laissons l'Esprit Saint travailler en nous.

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14 avril 2025, 19:17