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Le cardinal Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, envoyé spécial du Pape François pour la célébration de la clôture du 140e anniversaire de l’évangélisation du Congo-Brazzaville; au cours du point de presse à Brazzaville le samedi 3 juin 2023 Le cardinal Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, envoyé spécial du Pape François pour la célébration de la clôture du 140e anniversaire de l’évangélisation du Congo-Brazzaville; au cours du point de presse à Brazzaville le samedi 3 juin 2023 

Le cardinal Czerny au Congo: l’Evangile, un antidote aux nouveaux colonialismes

En visite au Congo-Brazzaville pour le 140e anniversaire de l’évangélisation de ce pays, le cardinal Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, a souligné samedi 2 juin au cours d’une conférence, l’aide que l’Eglise peut apporter dans la lutte contre la pauvreté, la promotion de la santé, la protection de la création et l’éducation.

Michele Raviart – Cité du Vatican

Comment l’Eglise peut-elle annoncer l’Evangile dans un pays comme la République du Congo, marqué par l’injustice, la souffrance et le péché? Comment faire face aux effets du «paradigme technocratique», qui réduit la personne à un bien de consommation, et aux effets néfastes de la mondialisation? Quelle peut être la contribution de l’Église au développement de la justice et de la paix? Le cardinal Michael Czerny, préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral, envoyé spécial du Pape François à Brazzaville pour la célébration de la clôture du 140e anniversaire de l’évangélisation du pays, a tenté de répondre à ces questions au cours d’une conférence.

Colonialisme et évangélisation

Partant du postulat inscrit dans Gaudium et spes, confirmé et approfondi par le magistère du Pape François et de ses prédécesseurs, à savoir que la dignité de la personne doit être au centre de l’œuvre d’évangélisation, le cardinal Czerny n’a pas manqué de remarquer comment «l’annonce de l’Évangile au Congo-Brazzaville s’est faite en correspondance avec le processus de colonisation par la Belgique». Ce qui signifie, en tentant d’historiciser ce phénomène, que l’on risque d’une part «de construire l’identité d’aujourd’hui sur la haine des méfaits du passé, ou de rester enfermé dans un ressentiment qui se nourrit de lui-même et de tomber dans une victimisation qui dissipe toute énergie», et d’autre part «de ne pas se distancier des excès abusifs du colonialisme conduirait à reproduire des attitudes de domination et de sujétion, favorisant un sentiment de dévalorisation et d’infériorité».

Eradiquer la pauvreté

Le premier défi à relever, et il s’applique à toute l’Afrique, est celui de l’éradication de la pauvreté. Le colonialisme, explique le cardinal, «réapparaît aujourd’hui sous de nouvelles formes, notamment le fardeau écrasant de la dette internationale, les conditions économiques injustes pour le commerce et les conditions excessivement dures imposées par les programmes d’ajustement structurel». Cela aggrave la situation économique et sociale: bas salaires, contrats de travail injustes, voire totalement absents, manque de technologies adéquates, en particulier dans l’agriculture, discrimination systématique subie par les femmes, en raison de «l’héritage d’une culture patriarcale qui les relègue à une position subordonnée et servile, limitant gravement le progrès d’un pays». En ce sens, le rôle de l’Église doit être de «montrer son visage maternel, en soutenant les aspirations des personnes et en accompagnant le développement humain authentique», en particulier auprès des jeunes générations.

Le rôle des hôpitaux catholiques

Le droit à la santé, comme on l’a vu lors de la pandémie de coronavirus, qui se manifeste aussi dans la lutte contre la mortalité infantile, l’accès à l’eau et le relèvement des normes d’hygiène, est un autre aspect essentiel, dans un pays «où de plus en plus de personnes âgées, d’orphelins, de handicapés et de malades sont abandonnés par leurs familles». Dans ce domaine, a souligné le préfet du dicastère, «l’évangélisation a sans aucun doute apporté une contribution significative», en rendant les soins accessibles à de nombreuses personnes démunies. Nombre de ces structures sanitaires sont encore actives en République du Congo, a-t-il rappelé, «bien qu’elles fassent l’objet de vives critiques quant à leur approche, jugée trop paternaliste et inadaptée aux besoins réels de la population locale».

Protéger la création

Le colonialisme et l’ampleur alarmante de l’exploitation des terres sont également à l’origine de la dégradation de la création et de la perte de biodiversité. Les activités extractives ne profitent pas seulement à quelques personnes à l’extérieur du pays mais, en dégradant l’environnement, elles encouragent aussi les migrations et les personnes déplacées à l’intérieur du pays, augmentant ainsi les tensions sociales. Ici, a rappelé le cardinal Czerny, l’Eglise «est appelée à agir ensemble, avec un style synodal, avant tout en diffusant une culture du respect de notre maison commune, parce que le cri de la terre fait écho à celui du plus petit de nos frères, l’exclu».

L’éducation à la base de tout

A la base de l’amélioration de chacun de ces aspects, il ne peut y avoir que l’éducation. «Les écoles catholiques ont donné la possibilité de lire et d’écrire à de nombreuses personnes dans tout le Congo, des zones rurales aux plus grands centres», a poursuivi le préfet, «un travail réalisé avec passion par de nombreuses institutions religieuses qui ont fait un effort extraordinaire pour faire face à des difficultés considérables, y compris la variété des langues et des dialectes locaux». En même temps, a souligné le cardinal Czerny, il faut bannir l’idée qu’apporter le Christ aux nations signifie les «civiliser». Les institutions éducatives catholiques présentes au Congo, en effet, «ne doivent pas renoncer à leur tâche éducative, ni à la spécificité confessionnelle qui les distingue. Cependant, il est nécessaire d’examiner attentivement les formes à adopter pour faciliter la rencontre entre la culture et l’Évangile, dans l’appréciation et le plein respect de l’identité des peuples».

La démocratie et l’Évangile

Pour progresser de manière significative dans la résolution de ces problèmes souvent endémiques, il est nécessaire de disposer d’une classe politique stable et responsable. «La stabilité politique du pays et l’élargissement de la base représentative de ses diverses composantes sociales sont des éléments essentiels pour promouvoir le développement», a affirmé le préfet du Dicastère pour le service du développement humain intégral. «La paix, a encore observé le cardinal Czerny, est souvent confondue avec l’unanimité ou avec une tranquillité imposée par la menace et la force, garantissant le maintien du pouvoir de petits groupes au détriment de l’ensemble de la population».  Inévitablement, a-t-il souligné, «les citoyens se désintéressent et se désengagent». «La véritable démocratie, qui protège la dignité humaine et promeut le bien commun, est» donc «une condition indispensable au développement, mais aussi un fruit de celui-ci». L’implication des fidèles laïcs dans la vie politique et dans le leadership, a conclu le cardinal Czerny, est donc essentielle pour introduire les valeurs évangéliques dans la société civile, car «c’est la rencontre avec le Christ, qui n’est ni une idéologie ni une sociologie qui génère l’option préférentielle pour les pauvres».

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03 juin 2023, 21:09