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Paquebot de croisière au large de San Marco à Venise. Paquebot de croisière au large de San Marco à Venise. 

Envisager la reprise du tourisme avec espérance

À l’occasion de la Journée mondiale du tourisme ce mardi 27 septembre, le dicastère pour le Service du développement humain intégral se propose de voir dans ce secteur, un des plus gravement touchés par la pandémie de Covid, l’un des moteurs de la reconstruction d’un monde plus juste, durable et intégral.

Marie Duhamel - Cité du Vatican

L’industrie économique qu’est le tourisme a pâti de la crise sanitaire mondiale. Le monde s’est arrêté et voilà qu’il repart, le secteur touristique avec lui. Mais comment sortir d’une crise qui a révélé tant d’inégalités et d’injustices en étant meilleurs ?

Le dicastère pour le Service du développement humain intégral croit un en secteur qui puisse repartir en se repensant, comme l’invite à le faire l’intitulé de cette journée mondiale, «repenser le tourisme».

Un changement de cap, et vite !

Dans un message publié ce mardi, le dicastère propose de puiser pour se faire aux origines dans le Code mondial d’Éthique du Tourisme qui a édicté des principes qui peuvent servir de référence. L’activité touristique y est conçue comme «une force vitale au service de la paix et comme un facteur d’amitié et de compréhension entre les peuples du monde», un «facteur de développement durable», un «moyen d’utiliser le patrimoine culturel de l’humanité pour contribuer à son enrichissement», «une activité avantageuse pour les pays et les communautés d’accueil». Des fondamentaux pour la construction de la fraternité et de l’amitié sociales, mais surtout pour le service d’un développement humain intégral, écrit le préfet du dicastère.

Un tourisme juste

Pour passer de l’industrie à une activité se déroulant selon les principes d’équité et de transformation sociale, «un changement de direction est urgent», estime le dicastère qui énumère une série de mauvais traitements réservés aux employés de ce secteur, comme «le personnel saisonnier qui accomplit les tâches les plus humbles au service des touristes». Beaucoup œuvrent dans des conditions de précarité et parfois d’illégalité, avec des salaires non équitables, contraints à un travail pénible, souvent loin de leur famille, à haut risque de stress et sujets aux règles d’une compétitivité agressive. Un phénomène dénoncé dans ce message 2022.

Un engagement attendu des chrétiens

Les chrétiens sont appelés à s’associer à toutes les personnes de bonne volonté, et qui souhaite changer cet état de choses. Le dicastère exprime d’ailleurs sa proximité aux «opérateurs du secteur touristique qui agissent déjà selon une conscience droite et qui ont construit non seulement leur professionnalisme, mais aussi leur vie même autour de l’accueil». Sont également salués les entrepreneurs attentifs aux plus vulnérables et aux travailleuses et travailleurs exposés à l’exploitation.

L’objectif sera atteint quand seront respectés les droits du travail des employés à tous les niveaux et dans chaque pays, et «quand le tourisme lui-même, comme activité de temps libre et de loisirs, se réalise dans le plein respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes». Il souligne également l’importance d’une répartition équitable des profits ou la justice l’emporterait sur «une logique prédatrice, surtout à l’égard de populations et d’aires géographiques particulièrement éprouvées» par les crises écrit le cardinal Czerny.

Un tourisme vert, de proximité

Parce que le tourisme a un impact «très conséquent» sur l’environnement –«le paradigme dominant de la maximisation de la consommation peut entraîner sa dégradation de façon rapide et féroce», le dicastère estime «de plus en plus évident qu’il est bon de tendre, avant tout, à un tourisme de proximité». Il invite à s’intéresser au patrimoine, à la cuisine ou à la spiritualité de ses voisins directs, et à repenser les politiques locales en terme d’hospitalité.

Le cardinal Czerny invite également dans ce message à un rééquilibrage des flux des marchandises, des déplacements des touristes et des rythmes de consommation. Il faut s’engager sur la voie «d’un rapport correct entre les êtres humains et la création». Il suggère plus de sensibilisation sur la protection des écosystèmes, pour «assurer un passage harmonieux des touristes dans les milieux qui ne leur appartiennent pas, ni même à une seule génération». Le chef de dicastère souligne qu’à moyen terme, le changement climatique peut avoir une incidence négative sur l’attrait de nombreuses destinations traditionnelles, avec le risque de pénaliser ultérieurement, de ce point de vue aussi, des régions déjà économiquement fragiles. «Protection de la biodiversité et stupeur devant les merveilles de la création doivent donc cohabiter dans le tourisme repensé» estime le prélat.

Un tourisme intégral

Si le tourisme offre à l’esprit humain et à l’Esprit de Dieu d’énormes possibilités d’interactions, en activant une rencontre entre les diversités, les éléments contraires ne manquent pas. Le dicastère constate que les espaces permettant d’inclure des façons de penser et de vivre différentes «se réduisent culturellement». Dans ce secteur, «le système de production tend rapidement à la standardisation des contenus, surtout avec le contingentement des temps – de visite, de voyage, de séjour –, ce qui entraîne une expérience plus individualiste et moins collective». Un tourisme en reprise a besoin d’avoir bien présente une «vision intégrale de la personne» qui, comme le souligne le Pape François, n’est pas une théorie, mais «une façon de vivre et d’agir ; cette vision ne se trouve pas d’abord dans un manuel, mais dans des personnes qui vivent selon ce style : les yeux ouverts sur le monde, les mains unies à d’autres mains, le cœur sensible aux faiblesses des frères». Ce n’est qu’ainsi que l’on peut rencontrer une culture différente, demander des comptes de son histoire, découvrir les valeurs profondes qu’elle conserve, rappelle le cardinal Czerny. En favorisant le dialogue entre les communautés locales et leurs visiteurs, l’accueil touristique devient une manière de transformer les espaces civils, le milieu social et urbain, grâce à la mise en valeur des identités au sein d’un juste équilibre entre conservation des racines et offre de services.

Un tourisme pour cultiver l’espérance

L’Église catholique s’engage à promouvoir cette nouvelle vision du tourisme. En plein processus synodale, elle propose sa «méthodologie d’écoute et de participation» qui pourrait permettre de conjuguer plus aisément des intérêts et des points de vue opposés dans la société civile et dans les organisations économiques.  «L’art du discernement et la capacité collective de parvenir à de nouvelles synthèses constituent des défis historiques, dont dépend un futur à mesure d’homme pour tous», écrit le cardinal Czerny qui annonce d’ultérieurs travaux de réflexion du 5 au 8 octobre prochain lors du VIIIème Congrès mondial de la Pastorale du Tourisme, à Saint-Jacques-de-Compostelle. L’événement s’insère dans le cadre de l’Année sainte compostelienne. Il aura pour thème : «Tourisme et pèlerinages: chemins d’espérance».

Une personne sur dix est concernée

La Journée mondiale du tourisme est célébrée chaque année depuis 1980, à l’initiative des Nations unies. Le secteur du tourisme emploie une personne sur dix dans le monde et garantie le quotidien de centaines de millions de personnes et peut représenter jusqu’à 20% du PIB de certains pays, affirme l’Organisation mondial du tourisme, une agence onusienne. 

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27 septembre 2022, 15:09