Une session du Synode des évêques Une session du Synode des évêques

Document préparatoire Synode 2023

Pour une Église synodale: communion, participation et mission

1. L’Église de Dieu est convoquée en Synode. Ce cheminement, sous le titre « Pour une Église synodale : communion, participation et mission », s’ouvrira solennellement les 9-10 octobre 2021 à Rome et le 17 octobre suivant dans chaque Église particulière. La célébration de la XVIème Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, en octobre 2023[1], constituera une étape fondamentale. Elle sera suivie de la phase de mise en œuvre qui impliquera à nouveau les Églises particulières (cf. EC, art. 19-21). Par cette convocation, le Pape François invite l’Église entière à s’interroger sur un thème décisif pour sa vie et sa mission : « Le chemin de la synodalité est précisément celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire »[2]. Cet itinéraire, qui s’inscrit dans le sillage de l’“ aggiornamento ” de l’Église proposé par le Concile Vatican II, est un don et un devoir :  en cheminant ensemble et en réfléchissant ensemble sur le parcours accompli, l’Église pourra apprendre, de ce dont elle fera l’expérience, quels processus peuvent l’aider à vivre la communion, à réaliser la participation et à s’ouvrir à la mission. Notre “ marche ensemble ” est, de fait, ce qui réalise et manifeste le plus la nature de l’Église comme Peuple de Dieu pèlerin et missionnaire.

2. Une question de fond nous pousse et nous guide : comment se réalise aujourd’hui, à différents niveaux (du niveau local au niveau universel) ce “ marcher ensemble ” qui permet à l’Église d’annoncer l’Évangile, conformément à la mission qui lui a été confiée ; et quels pas de plus l’Esprit nous invite-t-il à poser pour grandir comme Église synodale ?

Affronter ensemble cette question exige de se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint qui, comme le vent, « souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va » (Jn 3, 8), en restant ouverts aux surprises qu’il prédisposera certainement pour nous au long du chemin. Ainsi s’enclenche une dynamique qui permet de commencer à recueillir certains fruits d’une conversion synodale, qui mûriront progressivement. Il s’agit d’objectifs d’une grande importance pour la qualité de la vie ecclésiale et pour l’accomplissement de la mission d’évangélisation, à laquelle nous participons tous en vertu du Baptême et de la Confirmation. Nous en indiquons ici les principaux, qui déclinent la synodalité comme forme, comme style et comme structure de l’Église :

·         Faire mémoire de la façon dont l’Esprit a guidé le cheminement de l’Église dans l’histoire et nous appelle aujourd’hui à être ensemble des témoins de l’amour de Dieu.

·         Vivre un processus ecclésial impliquant la participation et l’inclusion de tous, qui offre à chacun – en particulier à ceux qui pour diverses raisons se trouvent marginalisés – l’opportunité de s’exprimer et d’être écoutés pour contribuer à l’édification du Peuple de Dieu.

·         Reconnaître et apprécier la richesse et la diversité des dons et des charismes que l’Esprit dispense librement, pour le bien de la communauté et au bénéfice de la famille humaine tout entière.

·         Expérimenter des modes d’exercice de la responsabilité partagée au service de l’annonce de l’Évangile et de l’engagement à construire un monde plus beau et plus habitable.

·         Examiner la façon dont sont vécus dans l’Église la responsabilité et le pouvoir, ainsi que les structures par lesquels ils sont gérés, en faisant ressortir et en essayant de convertir les préjugés et les pratiques déviantes qui ne sont pas enracinés dans l’Évangile.

·         Reconnaître la communauté chrétienne comme sujet crédible et comme partenaire fiable pour s’engager sur les chemins du dialogue social, de la guérison, de la réconciliation, de l’inclusion et de la participation, de la reconstruction de la démocratie, de la promotion de la fraternité et de l’amitié sociale.

·         Renouveler et affermir les relations entre les membres des communautés chrétiennes ainsi qu’entre les communautés et les autres groupes sociaux, par exemple des communautés de croyants d’autres confessions et religions, des organisations de la société civile, des mouvements populaires, etc.

·         Favoriser la valorisation et l’appropriation des fruits des récentes expériences synodales aux niveaux universel, régional, national et local.

3. Ce Document Préparatoire se met au service du cheminement synodal, en particulier comme instrument visant à favoriser la première phase d’écoute et de consultation du Peuple de Dieu dans les Églises particulières (octobre 2021 – avril 2022), dans l’espoir de contribuer à stimuler les idées, les énergies et la créativité de tous ceux qui prendront part à cet itinéraire et faciliter ainsi la mise en commun des fruits de leur engagement. À cette fin : 1) il commence par esquisser quelques caractéristiques saillantes du contexte contemporain ; 2) il illustre de manière synthétique les références théologiques fondamentales pour une compréhension et pratique correctes de la synodalité ; 3) il propose plusieurs passages bibliques qui pourront nourrir la méditation et la réflexion priante au long de ce chemin ; 4) il met en lumière certaines perspectives à partir desquelles relire les expériences de synodalité vécue ; 5) il expose quelques pistes pour enraciner ce travail de relecture dans la prière et dans le partage. Pour accompagner concrètement l’organisation des travaux, ce Document Préparatoire est accompagné d’un Vademecum avec des propositions méthodologiques ; celui-ci est disponible sur le site internet dédié à ce synode[3]. Ce site offre de nombreuses ressources pour approfondir ce thème de la synodalité, et pour accompagner ce Document Préparatoire ; parmi celles-ci, nous en signalons deux, plusieurs fois citées ci-après : le Discours pour la Commémoration du 50ème anniversaire de l’institution du Synode des Évêques, prononcé par le Pape François le 17 octobre 2015, et le document intitulé La synodalité dans la vie et dans la mission de l’Église, élaboré par la Commission Théologique Internationale et publié en 2018.

I. L’appel à marcher ensemble

 

4. Le chemin synodal se déroule au sein d’un contexte historique marqué par des changements majeurs dans la société et par une étape cruciale dans la vie de l’Église, qu’il n’est pas possible d’ignorer : c’est dans les replis de la complexité de ce contexte, dans ses tensions mêmes et ses contradictions, que nous sommes appelés à  « scruter les signes des temps et les interpréter à la lumière de l’Évangile » (GS, n° 4). Nous esquissons ici quelques éléments-clés du paysage global qui sont plus étroitement liés au thème du Synode, mais cette description devra être sera enrichie et complétée au niveau local en fonction de chaque contexte propre.

5. Une tragédie globale comme la pandémie de Covid-19, « a réveillé un moment la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible que de se sauver ensemble » (FT, n° 32). En même temps, la pandémie a fait exploser les inégalités et les injustices déjà existantes : l’humanité apparaît toujours plus secouée par des processus de massification et de fragmentation ; la condition tragique que vivent les migrants dans toutes les régions du monde témoigne de la hauteur et de la solidité des barrières qui divisent encore l’unique famille humaine. Les Encycliques Laudato si’ et Fratelli Tutti explicitent la profondeur des fractures qui parcourent l’humanité, et nous pouvons nous référer à ces analyses pour nous mettre à l’écoute de la clameur des pauvres et de la clameur de la terre et reconnaître les semences d’espérance et d’avenir que l’Esprit continue à faire germer à notre époque : « Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne repent pas de nous avoir créés. L’humanité possède encore la capacité de collaborer pour construire notre maison commune » (LS, n° 13).

6. Cette situation, qui, malgré de grandes différences selon les lieux, concerne de fait la famille humaine tout entière, est un défi pour l’Église dans sa capacité d’accompagner les personnes et les communautés à relire des expériences de lutte et de souffrance. Expériences qui ont permis de démasquer de nombreuses fausses sécurités et de cultiver l’espérance et la foi en la bonté du Créateur et de sa création. Nous ne pouvons toutefois pas nous cacher que l’Église elle-même doit affronter le manque de foi et la corruption jusqu’en son sein-même. En particulier, nous ne pouvons pas oublier la souffrance vécue par des personnes mineures et des adultes vulnérables « à cause d’abus sexuels, d’abus de pouvoir et de conscience commis par un nombre important de clercs et de personnes consacrées »[4]. Nous sommes continuellement interpellés « en tant que Peuple de Dieu d’assumer la douleur de nos frères blessés dans leur chair et dans leur esprit »[5] : pendant trop longtemps, l’Église n’a pas su suffisamment écouter le cri des victimes. Il s’agit de blessures profondes, difficiles à guérir, et pour lesquelles nous ne demanderons jamais assez pardon ; et qui constituent des obstacles, parfois imposants,  à procéder dans la ligne du “ cheminer ensemble ”. L’Église tout entière est appelée à reconnaître le poids d’une culture imprégnée de cléricalisme, héritage de son histoire, et avec pour conséquences des formes d’exercice de l’autorité sur lesquelles se greffent différents types d’abus (de pouvoir, économiques, de conscience, sexuels). « Une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du Peuple de Dieu » [6] est impensable : demandons ensemble au Seigneur « la grâce de la conversion et l’onction intérieure pour pouvoir exprimer, devant ces crimes d’abus, notre compassion et notre décision de lutter avec courage »[7].

7. En dépit de nos infidélités, l’Esprit continue à agir dans l’histoire et à manifester sa puissance vivifiante. C’est précisément dans les sillons creusés par les souffrances en tout genre endurées par la famille humaine et par le Peuple de Dieu que de nouveaux langages de la foi sont en train de germer, ainsi que de nouveaux parcours capables non seulement d’interpréter les événements d’un point de vue théologal, mais de trouver dans l’épreuve les raisons pour refonder le chemin de la vie chrétienne et ecclésiale. Le fait que de nombreuses Églises aient déjà entrepris des rencontres et lancé des processus plus ou moins structurés de consultation du Peuple de Dieu constitue un motif de grande espérance. Là où ceux-ci ont été organisés dans un style synodal, le sens de l’Église a refleuri et la participation de tous a donné un nouvel élan à la vie ecclésiale. Le désir des jeunes d’agir à l’intérieur de l’Église et la demande d’une plus grande valorisation des femmes trouvent également une confirmation, ainsi que leur requête d’espace de participation à la mission de l’Église, déjà signalés par les Assemblées synodales de 2018 et de 2019. C’est également dans cette perspective que s’inscrit la récente institution du ministère laïc de catéchiste et l’ouverture aux femmes de l’accès aux ministères institués du lectorat et de l’acolytat.

8. Nous ne pouvons pas ignorer la diversité des conditions dans lesquelles vivent les communautés chrétiennes dans les diverses régions du monde. À côté de pays où l’Église accueille la majorité de la population et représente une référence culturelle pour la société tout entière, il en existe d’autres où les catholiques ne représentent qu’une minorité ; dans certains d’entre eux, les catholiques, avec les autres chrétiens, endurent des persécutions parfois très violentes, et bien souvent le martyre. Si, d’une part, une mentalité sécularisée domine et tend à expulser la religion de l’espace public, de l’autre, un intégrisme religieux qui ne respecte pas la liberté d’autrui alimente des formes d’intolérance et de violence qui se reflètent aussi dans la communauté chrétienne et dans ses rapports avec la société. Il n’est pas rare de voir les chrétiens adopter les mêmes attitudes, fomentant aussi les divisions et les oppositions jusque dans l’Église. Il faut aussi tenir compte de la façon dont se reflètent au sein de la communauté chrétienne et dans ses rapports avec la société les fractures qui parcourent cette dernière, pour des raisons ethniques, raciales, de caste ou à travers d’autres formes de stratification sociale ou de violence culturelle et structurelle. Ces situations impactent profondément la signification de l’expression “ marcher ensemble ” et les possibilités concrètes de le réaliser.

9. Dans ce contexte, la synodalité constitue la voie royale pour l’Église, appelée à se renouveler sous l’action de l’Esprit et grâce à l’écoute de la Parole. La capacité d’imaginer un futur différent pour l’Église et pour ses institutions, à la hauteur de la mission qu’elle a reçue, dépend pour une large part du choix d’entreprendre des processus d’écoute, de dialogue et de discernement communautaire, auxquels tous et chacun peuvent participer et contribuer. En même temps, le choix de “ marcher ensemble ” est un signe prophétique pour une famille humaine qui a besoin d’un projet commun, en mesure de rechercher le bien de tous. Une Église capable de communion et de fraternité, de participation et de solidarité, dans la fidélité à ce qu’elle annonce, pourra se placer aux côtés des pauvres et des plus petits et leur prêter sa voix. Pour “ marcher ensemble ”, il est nécessaire que nous laissions l’Esprit forger en nous une mentalité vraiment synodale, en entrant avec courage et avec une liberté de cœur dans un processus de conversion sans lequel cette « réforme continue dont elle [l’Église] a toujours besoin en tant qu’institution humaine et terrestre » (UR, n° 6 ; cf. EG, n° 26) ne sera pas possible.

II. Une Église constitutivement synodale

 

10. « Ce que le Seigneur nous demande, en un certain sens, est déjà entièrement contenu dans le mot “ Synode ” »[8], qui « est un mot ancien et vénéré dans la Tradition de l’Église, dont la signification évoque les contenus les plus profonds de la Révélation »[9]. C’est le « Seigneur Jésus qui se présente lui-même comme “ le chemin, la vérité et la vie ” (Jn 14, 6) », et « les chrétiens, à sa suite, sont à l’origine appelés “ les disciples de la Voie ” (cf. Ac 9, 2 ; 19, 9.23 ; 22, 4 ; 24, 14.22) »[10]. Dans cette perspective, la synodalité est bien plus que la célébration de rencontres ecclésiales et d’assemblées d’évêques, ou qu’une question de simple organisation interne à l’Église ; elle « désigne le modus vivendi et operandi spécifique de l’Église Peuple de Dieu qui manifeste et réalise concrètement sa communion en cheminant ensemble, en se rassemblant en assemblée et par la participation active de tous ses membres à sa mission évangélisatrice »[11]. Ainsi s’imbriquent ce qui constituent les piliers d’une Église synodale : communion, participation et mission. Dans ce chapitre, nous illustrons synthétiquement plusieurs références théologiques fondamentales sur lesquelles se fonde cette perspective.

11. Durant le premier millénaire, “ marcher ensemble ”, c’est-à-dire pratiquer la synodalité, constituait la façon de procéder habituelle de l’Église conçue comme « Peuple rassemblé par l’unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit »[12]. À ceux qui divisaient le corps ecclésial, les Pères de l’Église opposaient la communion des Églises dispersées de par le monde, ce que saint Augustin qualifiait de « concordissima fidei conspiratio »[13], à savoir l’accord dans la foi de tous les baptisés. C’est ici que s’enracine le vaste développement d’une pratique synodale à tous les niveaux de l’Église – local, provincial, universel –, dont le Concile œcuménique a représenté la manifestation la plus haute. Dans cet horizon ecclésial, inspiré par le principe de participation de tous à la vie de l’Église, saint Jean-Chrysostome pouvait dire : « Église et Synode sont synonymes »[14]. Durant le deuxième millénaire non plus, quand l’Église a mis davantage l’accent sur la fonction hiérarchique, cette façon de procéder n’a pas disparu : si, au Moyen-Âge et à l’époque moderne, la célébration de synodes diocésains et provinciaux est bien attestée en plus de celle des Conciles œcuméniques, lorsqu’il s’est agi de définir des vérités dogmatiques les Papes ont voulu consulter les évêques pour connaître la foi de toute l’Église, recourant ainsi à l’autorité du sensus fidei de l’ensemble du Peuple de Dieu, qui est « infaillible "in credendo" » (EG, n° 119).  

12. C’est à ce dynamisme de la Tradition que s’est ancrée le Concile Vatican II. Celui-ci met en relief que « le bon vouloir de Dieu a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément (…) ; il a voulu en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (LG, n° 9). Les membres du Peuple de Dieu ont en commun le Baptême et « même si certains, par la volonté du Christ, sont constitués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité » (LG, n° 32). Par conséquent, tous les baptisés participent à la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ, et « dans l’exercice de la richesse multiforme et ordonnée de leurs charismes, de leurs vocations, de leurs ministères »[15], ce sont des sujets d’évangélisation actifs, tant individuellement que comme totalité du Peuple de Dieu.  

13. Le Concile a souligné qu’en vertu de l’onction de l’Esprit Saint reçue au Baptême, la totalité des fidèles « ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de la foi qui est celui du Peuple tout entier lorsque, “ des évêques jusqu’au dernier des fidèles laïcs ”, elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel » (LG, n° 12). C’est l’Esprit qui guide les croyants « dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Par son œuvre, « cette Tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église », car tout le Peuple saint de Dieu grandit dans la compréhension et dans l’expérience de « la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur (cf. Lc 2, 19 et 51), soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des réalités spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, ont reçu un charisme certain de vérité » (DV 8). De fait, ce Peuple, rassemblé par ses pasteurs, adhère au dépôt sacré de la Parole de Dieu confié à l’Église, persévère constamment dans l’enseignement des Apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain et dans la prière, « si bien que pour le maintien, la pratique et la profession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et fidèles, un remarquable accord » (DV, nº 10).

14. Les pasteurs, agissent comme d’« authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église »[16] ; ils ne craignent donc pas de se mettre à l’écoute du Troupeau qui leur est confié : la consultation du Peuple de Dieu n’entraine pas que l’on se comporte à l’intérieur de l’Église selon des dynamiques propres à la démocratie, basées sur le principe de la majorité, car à la base de la participation à tout processus synodal se trouve la passion partagée pour la mission commune de l’évangélisation et non pas la représentation d’intérêts en conflit. En d’autres termes, il s’agit d’un processus ecclésial qui ne peut se réaliser qu’« au sein d’une communauté hiérarchiquement structurée »[17]. C’est dans le lien fécond entre le sensus fidei du Peuple de Dieu et la fonction de magistère des pasteurs que se réalise le consensus unanime de toute l’Église dans la même foi. Tout processus synodal, dans lequel les évêques sont appelés à discerner ce que l’Esprit dit à l’Église, non pas seuls mais en écoutant le Peuple de Dieu qui « participe aussi à la fonction prophétique du Christ » (LG, n° 12), est la forme évidente de ce “ marcher ensemble ” qui fait grandir l’Église. Saint Benoît souligne que « souvent le Seigneur révèle la meilleure décision »[18] à ceux qui n’occupent pas de positions importantes dans la communauté (dans ce cas le plus jeune) ; aussi les évêques auront-ils soin de toucher tout le monde pour que, dans le déroulement ordonné du chemin synodal, se réalise ce que l’Apôtre Paul recommande aux communautés : « N’éteignez pas l’Esprit, ne dépréciez pas les dons de prophétie ; mais vérifiez tout : ce qui est bon, retenez-le » (1 Th 5, 19-21).

15. Le sens du cheminement auquel nous sommes tous appelés est avant tout celui de redécouvrir le visage et la forme d’une Église synodale où « chacun a quelque chose à apprendre. Le Peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’“ Esprit de Vérité ” (Jn 14, 17), pour savoir ce qu’il “ dit aux Églises ” (Ap 2, 7) »[19]. L’Évêque de Rome, comme principe et fondement de l’unité de l’Église, demande à tous les évêques et à toutes les Églises particulières, dans lesquelles et à partir desquelles existe l’une et unique Église catholique (cf. LG, n° 23), d’entreprendre avec confiance et courage le chemin de la synodalité. Dans ce “ marcher ensemble ”, nous demandons à l’Esprit de nous faire découvrir que la communion, qui assemble dans l’unité la diversité des dons, des charismes et des ministères, existe pour la mission : une Église synodale est une Église “ en sortie ”, une Église missionnaire, « aux portes ouvertes » (EG, n° 46). Cela inclut l’appel à approfondir les relations avec les autres Églises et communautés chrétiennes, auxquelles nous sommes unis par l’unique Baptême. Par ailleurs, la perspective du “ marcher ensemble ” est encore plus vaste et étreint l’humanité tout entière, dont nous partageons « les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses » (GS, n° 1). Une Église synodale est un signe prophétique surtout pour une communauté des nations incapable de proposer un projet commun, qui permettrait de poursuivre le bien de tous : pratiquer la synodalité est, aujourd’hui, pour l’Église, la façon la plus évidente d’être « sacrement universel de salut » (LG, n° 48), « signe et instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain » (LG, n° 1).

III. À l’écoute des Écritures

16. L’Esprit de Dieu qui illumine et vivifie ce “ marcher ensemble ” des Églises est le même qui œuvre dans la mission de Jésus, promis aux Apôtres et aux générations des disciples qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique. L’Esprit, selon la promesse du Seigneur, ne se limite pas à confirmer la continuité de l’Évangile de Jésus, mais il éclairera les profondeurs toujours nouvelles de sa Révélation et inspirera les décisions nécessaires pour soutenir le chemin de l’Église (cf. Jn 14, 25-26 ; 15, 26-27 ; 16, 12-15). Voilà pourquoi il est opportun que notre processus de construction d’une Église synodale soit inspiré par deux “ images ” de l’Écriture. L’une émerge dans la représentation de la “ dimension communautaire ” qui accompagne constamment le chemin de l’évangélisation ; l’autre se rapporte à l’expérience de l’Esprit vécue par Pierre et la communauté primitive par laquelle ils reconnaissent le risque de mettre des limites injustifiées au partage de la foi. L’expérience synodale du marcher ensemble, à la suite du Seigneur et dans l’obéissance à l’Esprit, pourra recevoir une inspiration décisive à travers la méditation de ces deux moments de la Révélation.

Jésus, la foule, les Apôtres

17. Dans sa structure fondamentale, une scène originelle apparaît comme la modalité constante par laquelle Jésus se révèle tout au long de l’Évangile, en annonçant l’avènement du Royaume de Dieu. Les acteurs en présence sont essentiellement trois (plus un). Le premier, naturellement, c’est Jésus, le protagoniste absolu qui prend l’initiative, en semant les paroles et les signes de la venue du Royaume sans aucune « préférence de personnes » (cf. Ac 10, 34). Sous diverses formes, Jésus accorde une attention spéciale à ceux qui sont “ séparés ” de Dieu et à ceux qui sont “ exclus ” par la communauté (les pécheurs et les pauvres, dans le langage évangélique). Par ses mots et ses actions, il offre la libération du mal et de conversion à l’espérance, au nom de Dieu le Père et dans la force de l’Esprit Saint. Au milieu de la diversité des appels du Seigneur et des réponses pour accueillir son appel, on voit ce trait commun  : la foi émerge toujours comme une prise en compte et valorisation de la personne : sa demande est écoutée, une aide est proposée pour répondre à ses difficultés, sa disponibilité est appréciée, sa dignité est confirmée par le regard même de Dieu et restituée à la reconnaissance de la communauté.

18. De fait, l’action d’évangélisation et le message de salut ne seraient pas compréhensibles sans l’ouverture constante de Jésus à s’adresser aux interlocuteurs les plus larges possibles, que les Évangiles désignent comme la foule, c’est-à-dire l’ensemble des personnes qui le suivent tout au long du chemin et, parfois même, le poursuivent dans l’attente d’un signe et d’une parole de salut : tel est le deuxième acteur de la scène de la Révélation. L’annonce évangélique n’est pas limitée à quelques illuminés ou personnes choisies. L’interlocuteur de Jésus, c’est “ le peuple ” de la vie ordinaire, le “ quiconque ” de la condition humaine, qu’il met directement en contact avec le don de Dieu et l’appel au salut. D’une manière qui surprend et parfois scandalise les témoins, Jésus accepte comme interlocuteurs tous ceux qui font partie de la foule : il écoute les remontrances passionnées de la Cananéenne  (cf. Mt 15, 21-28), qui ne peut pas accepter d’être exclue de la bénédiction qu’il apporte ; il dialogue avec la Samaritaine (cf. Jn 4, 1-42), malgré sa condition de femme compromise socialement et religieusement; il sollicite l’acte de foi libre et reconnaissant de l’aveugle de naissance (cf. Jn 9), que la religion officielle avait exclu du périmètre de la grâce.

19. Certains suivent plus explicitement Jésus, en faisant l’expérience à être ses disciples, tandis que d’autres sont invités à retourner à leur vie ordinaire : tous, cependant témoignent de la force de la foi qui les a sauvés (cf. Mt 15, 28). Parmi ceux qui suivent Jésus, se détache avec relief  la figure des apôtres qu’Il appelle lui-même dès le début ; il les destine à être particulièrement des médiateurs de la Révélation et de l’avènement du Royaume de Dieu auprès de la foule. L’entrée de ce troisième acteur sur la scène n’est pas liée à une guérison ou à une conversion mais elle correspond à l’appel de Jésus. Le choix des apôtres n’est pas un privilège attribuant une position exclusive de pouvoir et entrainant une séparation, mais bien la grâce d’un ministère inclusif de bénédiction et de communion.  Grâce au don de l’Esprit du Seigneur ressuscité, ceux-ci doivent garder la place de Jésus, sans le remplacer : ne pas mettre de filtres à sa présence, mais faciliter la rencontre avec Lui.

20. Jésus, la foule dans sa diversité, les apôtres : voilà l’image et le mystère à contempler et à approfondir continuellement pour que l’Église devienne toujours davantage ce qu’elle est. Aucun de ces trois acteurs ne peut quitter la scène. Si Jésus vient à manquer et que quelqu’un d’autre s’installe à sa place, l’Église devient un contrat entre les apôtres et la foule, et leur dialogue finira par être réduit à un jeu politique. Sans les apôtres, qui reçoivent leur autorité de Jésus et sont instruits par l’Esprit, le rapport avec la vérité évangélique s’interrompt et la foule risque de réduire sa vision de Jésus à un mythe ou à une idéologie, qu’elle l’accueille ou qu’elle le rejette. Sans la foule, la relation des apôtres à Jésus se corrompt pour prendre une forme sectaire dans laquelle la religion devient auto-référencée et  l’évangélisation perd alors sa lumière, qui provient seule de Dieu qui se révèle lui-même à l’humanité et s’adresse directement à quiconque pour lui offrir le salut.

21. Il existe aussi l’acteur “ de plus ”, l’antagoniste, qui apporte sur la scène la division diabolique entre les trois autres. Face à la perspective perturbatrice de la croix, certains disciples s’en vont et des foules changent d’humeur. Le piège qui divise – et qui entrave donc un cheminement commun – se manifeste aussi bien sous les formes de la rigueur religieuse, de l’injonction morale, qui se présente comme plus exigeante que celle de Jésus, ou sous celles de la séduction d’une sagesse politique mondaine qui se veut plus efficace qu’un discernement des esprits. Pour se soustraire aux tromperies du “ quatrième acteur ”, une conversion permanente est nécessaire. L’épisode du centurion Corneille (cf. Ac 10), qui précède le “ concile ” de Jérusalem (cf. Ac 15) et constitue une référence cruciale pour une Église synodale, est ici emblématique..

Une double dynamique de conversion : Pierre et Corneille (Ac 10)

22. L’épisode raconte avant tout la conversion de Corneille qui reçoit même une sorte d’annonciation. Corneille est païen, vraisemblablement romain, centurion (officier d’un grade relativement bas) de l’armée d’occupation, il exerce un métier basé sur la violence et les abus. Pourtant il se consacre à la prière et à l’aumône, c’est-à-dire qu’il cultive sa relation à Dieu et prend soin de son prochain. Or, de façon surprenante, c’est précisément chez lui que l’ange entre, l’appelle par son nom et l’exhorte à envoyer – le verbe de la mission ! – ses serviteurs à Jaffa pour appeler – le verbe de la vocation ! – Pierre. Le récit devient alors celui de sa conversion. Le même jour, il a eu une vision dans laquelle une voix lui a ordonné de tuer et de manger des animaux, dont certains étaient considérés comme impurs. La réponse de Pierre a été ferme : « Oh non, Seigneur ! » (Ac 10, 14). Il reconnaît que c’est le Seigneur qui lui parle, mais il oppose un net refus, car cet ordre anéantit certains préceptes de la Torah, qui sont parties incontournables de son identité religieuse, traduisant une façon de concevoir l’élection comme une différence qui induit la séparation et l’exclusion par rapport aux autres peuples.

23. L’apôtre est profondément perturbé et, alors qu’il s’interroge sur le sens de ce qui vient de se passer, arrivent les hommes envoyés par Corneille et l’Esprit lui indique qu’ils sont ses envoyés. Pierre leur répond par des mots qui rappellent ceux de Jésus au Jardin : « Je suis celui que vous cherchez » (Ac 10, 21). Il s’agit d’une véritable conversion, d’un passage douloureux et immensément fécond de sortie de ses propres catégories culturelles et religieuses : Pierre accepte de manger avec les païens la nourriture qu’il avait toujours considérée jusque-là comme interdite, la reconnaissant comme un instrument de vie et de communion avec Dieu et avec les autres. C’est dans la rencontre avec les personnes, en les accueillant, en cheminant avec elles et en entrant dans leurs maisons, qu’il se rend compte de la signification de sa vision : aucun être humain n’est indigne aux yeux de Dieu et la différence instituée par l’élection n’est pas une préférence exclusive, mais un service et un témoignage d’une ampleur universelle.

24. Aussi bien Corneille que Pierre entrainent d’autres personnes dans leur parcours de conversion, faisant d’elles des compagnons de route. L’action apostolique accomplit la volonté de Dieu en créant des communautés, en abattant des barrières et en favorisant la rencontre. La parole joue un rôle central dans la rencontre entre les deux acteurs principaux. Corneille commence par partager l’expérience qu’il a vécue. Pierre l’écoute et prend ensuite la parole, pour communiquer à son tour ce qui lui est advenu, en témoignant ainsi de la proximité du Seigneur qui va à la rencontre de chaque personne pour la libérer de ce qui la rend prisonnière du mal et qui diminue son humanité (cf. Ac 10, 38). Cette façon de communiquer est semblable à celle que Pierre adoptera quand, à Jérusalem, les fidèles circoncis lui reprocheront et l’accuseront d’avoir enfreint les normes traditionnelles, sur lesquelles semble se concentrer toute leur attention, sans considérer l’effusion de l’Esprit : « Tu es entré chez des incirconcis et tu as mangé avec eux ! » (Ac 11, 3). Lors de ce moment de conflits, Pierre raconte ce qui lui est advenu et exprime ses réactions de perplexité, d’incompréhension et de résistance. C’est précisément cela qui aidera ses interlocuteurs, tout d’abord agressifs et réfractaires, à écouter et à accueillir ce qui s’est passé. L’Écriture contribuera à en interpréter le sens, comme cela sera aussi le cas au “ concile ” de Jérusalem, à travers un processus de discernement qui est une écoute en commun de l’Esprit.

IV. La synodalité en action :
pistes pour la consultation du Peuple de Dieu

25. Illuminé par la Parole et fondé sur la Tradition, le chemin synodal s’enracine dans la vie concrète du Peuple de Dieu. Il présente, en effet, une particularité qui constitue en même temps une extraordinaire ressource : son objet – la synodalité – est aussi sa méthode. En d’autres termes, il constitue une sorte de chantier ou d’expérience pilote, qui permet de commencer à recueillir, dès à présent, les fruits du dynamisme que la conversion synodale progressive distille dans la communauté chrétienne. D’un autre côté, il ne peut que renvoyer aux expériences de synodalité déjà vécues, à différents niveaux et à différents degrés d’intensité : leurs points de force et leurs réussites, de même que leurs limites et leurs difficultés, offrent des éléments précieux pour discerner la direction vers laquelle continuer à évoluer. Certes, nous nous référons ici aux expériences suscitées par le présent chemin synodal, mais aussi à toutes celles à travers lesquelles l’on expérimente déjà des formes de ce “ marcher ensemble ” dans la vie ordinaire de l’Eglise, même lorsque l’on ne connaît pas ou que l’on n’utilise pas encore le terme de synodalité.

L’interrogation fondamentale

26. L’interrogation fondamentale qui guide cette consultation du Peuple de Dieu, comme cela a déjà été rappelé au début de ce document, est la suivante :

Une Église synodale, en annonçant l’Évangile, “ marche ensemble ” : comment ce “ marcher ensemble ” se réalise-t-il aujourd’hui dans votre Église particulière ? Quels pas l’Esprit nous invite-t-il à accomplir pour grandir dans notre “ marcher ensemble ” ?

Pour répondre, vous êtes invités à :

a)      vous demander à quelles expériences de votre Église particulière cette question fondamentale vous fait penser ?

b)      relire plus profondément ces expériences : quelles joies ont-elles provoquées ? Quelles difficultés et obstacles ont-elles rencontrés ? Quelles blessures ont-elles fait émerger ? Quelles intuitions ont-elles suscitées ?

c)      recueillir les fruits à partager : comment résonne la voix de l’Esprit dans ces expériences « synodales » ? Qu’est-ce que l’Esprit est en train de nous demander aujourd’hui ? Quelles sont les points à confirmer, les changements à envisager , les nouveaux pas à franchir ? Où voyons-nous s’établir un consensus ? Quels chemins s’ouvrent pour notre Église particulière ?

Divers aspects de la synodalité

27. Dans la prière, la réflexion et le partage suscités par cette question fondamentale, il est opportun de garder bien présents à l’esprit trois niveaux sur lesquels s’articule la synodalité comme « dimension constitutive de l’Église »[20] :

·         Le niveau du style ordinaire selon lequel l’Église vit et œuvre au quotidien, qui exprime sa nature de Peuple de Dieu cheminant ensemble et se rassemblant en assemblée convoquée par le Seigneur Jésus dans la force de l’Esprit Saint pour annoncer l’Évangile. Ce style se réalise à travers « l’écoute communautaire de la Parole et la célébration de l’Eucharistie, la fraternité de la communion et la responsabilité partagée, et la participation de tout le Peuple de Dieu, à ses différents niveaux et dans la distinctions des divers ministères et rôles, à la vie et à la mission de l’Église »[21] ;

·         Le niveau des structures et des processus ecclésiaux, déterminés notamment du point de vue théologique et canonique, par lesquels la nature synodale de l’Église s’exprime d’une manière institutionnelle au niveau local, au niveau régional et au niveau universel ;

·         Le niveau des processus et des événements synodaux durant lesquels l’Église est convoquée par l’autorité compétente, selon des procédures spécifiques déterminées par la discipline ecclésiastique.

Bien que distincts d’un point de vue logique, ces trois niveaux s’articulent l’un à l’autre et doivent être considérés ensemble de façon cohérente ; autrement, on transmet un contre-témoignage et on mine la crédibilité de l’Église. De fait, si celle-ci ne s’incarne pas concrètement dans des structures et dans des processus, le style de la synodalité se dégrade rapidement, passant du niveau des intentions et des désirs à celui de la rhétorique ; quant aux processus et aux événements synodaux, s’ils ne sont pas animés par un style adéquat, ils apparaissent comme des formalités vides.

28. En outre, lors de la relecture des expériences, il faut se souvenir que “ marcher ensemble ” peut être compris selon deux perspectives différentes, fortement liées entre elles. La première concerne la vie interne des Églises particulières, les rapports entre les sujets qui les constituent (en premier lieu les relations entre les fidèles et leurs pasteurs, notamment par le biais des organismes de participation prévus par la discipline canonique, y compris le synode diocésain) et les communautés qui les composent (en particulier les paroisses). Elle considère aussi les rapports entre les évêques entre eux et l’Évêque de Rome, notamment par le biais des organismes intermédiaires de synodalité (Synode des Évêques des Églises patriarcales et archiépiscopales majeures, Conseils des Hiérarques et Assemblées des Hiérarques des Églises sui iuris, Conférences épiscopales, avec leurs expressions nationales, internationales et continentales). Elle s’élargit ensuite à la façon dont chaque Église particulière intègre en son sein la contribution des diverses formes de vie monastique, religieuse et consacrée, d’associations et mouvements laïcs, d’institutions ecclésiales et ecclésiastiques de différents genres (écoles, hôpitaux, fondations, organismes de charité et d’assistance, etc.). Enfin, cette perspective englobe également les relations et les initiatives communes avec frères et sœurs des autres Confessions chrétiennes, avec lesquelles nous avons en commun le don du même Baptême.

29. La seconde perspective considère la façon dont le Peuple de Dieu chemine avec la famille humaine tout entière. Le regard s’attardera ainsi sur l’état des relations, du dialogue et des éventuelles initiatives communes avec les croyants d’autres religions, avec les personnes éloignées de la foi, de même qu’avec des milieux et groupes sociaux spécifiques, avec leurs institutions (monde de la politique, de la culture, de l’économie, de la finance, du travail, syndicats et associations d’entrepreneurs, organisations non gouvernementales et de la société civile, mouvements populaires, minorités de différent genre, pauvres et exclus, etc.).

Dix pôles thématiques essentiels à approfondir

30. Pour faciliter la mise en lumière d’expériences et favoriser de manière plus riche la consultation, nous indiquons également ci-après dix pôles thématiques qui ont trait à diverses facettes de la “ synodalité vécue ”. Ces pistes devront être adaptées aux divers contextes locaux et, selon les situations, intégrées, explicitées, simplifiées, approfondies, en accordant une attention spéciale à ceux qui ont le plus de difficulté à participer et à répondre : le Vademecum qui accompagne ce Document Préparatoire offre à cet égard des ressources, des parcours et des suggestions afin que les différents domaines de questions inspirent concrètement des moments de prière, de formation, de réflexion et d’échange.

I. LES COMPAGNONS DE VOYAGE

Dans l’Église et dans la société, nous sommes sur la même route, côte à côte. Dans votre Église locale, quels sont ceux qui “ marchent ensemble ” ? Quand nous disons “ notre Église ”, qui en fait partie ? Qui nous demande de marcher ensemble ? Quels sont les compagnons de voyage avec qui nous cheminons, même en dehors du cercle ecclésial ? Quelles personnes ou quels groupes sont-ils laissés à la marge, expressément ou de fait ?

II. ÉCOUTER

L’écoute est le premier pas, mais demande d’avoir l’esprit et le cœur ouverts, sans préjugés. Vers qui notre Église particulière a-t-elle “ un manque  d’écoute ” ? Comment les laïcs sont-ils écoutés, en particulier les jeunes et les femmes ? Comment intégrons-nous la contribution des personnes consacrées, hommes et femmes ? Quelle place occupe la voix des minorités, des marginaux et des exclus ? Parvenons-nous à identifier les préjugés et les stéréotypes qui font obstacles à notre écoute ? Comment écoutons-nous le contexte social et culturel dans lequel nous vivons ?

III. PRENDRE LA PAROLE

Tous sont invités à parler avec courage et parrhésie, c’est-à-dire en conjuguant liberté, vérité et charité. Comment favorisons-nous, au sein de la communauté et de ses divers organismes, un style de communication libre et authentique, sans duplicités ni opportunismes ? Et vis-à-vis de la société dont nous faisons partie ? Quand et comment réussissons-nous à dire ce qui nous tient à cœur ? Comment fonctionne le rapport avec le système des médias (pas seulement les médias catholiques) ? Qui parle au nom de la communauté chrétienne et comment ces personnes sont-elles choisies ?

IV. CÉLÉBRER

“ Marcher ensemble ” n’est possible que si ce chemin repose sur l’écoute communautaire de la Parole et sur la célébration de l’Eucharistie. De quelle façon la prière et la célébration liturgique inspirent et orientent effectivement notre “ marcher  ensemble ” ? Comment est-ce que cela inspire les décisions les plus importantes ? Comment encourageons-nous la participation active de tous les fidèles à la liturgie et à l’exercice de la fonction de sanctification ? Quelle place est donnée à l’exercice des ministères du lectorat et de l’acolytat ?

V. CORESPONSABLES DANS LA MISSION

La synodalité est au service de la mission de l’Église, à laquelle tous ses membres sont appelés à participer. Puisque nous sommes tous des disciples missionnaires, de quelle manière chaque baptisé est-il convoqué à être un acteur de la mission ? Comment la communauté soutient-elle ses membres qui sont engagés dans un service au sein de la société (engagement social et politique, engagement dans la recherche scientifique et dans l’enseignement, au service de la promotion des droits humains et de la sauvegarde de la Maison commune, etc.) ? Comment la communauté aide-t-elle à vivre ces engagements dans une dynamique missionnaire ? Comment se fait le discernement concernant les choix missionnaires et qui y participe ? Comment ont été intégrées et adaptées les diverses traditions en matière de style synodal, qui constituent le patrimoine de nombreuses Églises, en particulier des Églises orientales, en vue d’un témoignage chrétien fécond ? Comment fonctionne la collaboration dans les territoires où sont présentes des Églises sui iuris différentes ?

VI. DIALOGUER DANS L’ÉGLISE ET DANS LA SOCIÉTÉ

Le dialogue est un chemin qui demande de la persévérance, et comporte aussi des moments de silences et de souffrances, mais qui est capable de recueillir l’expérience des personnes et des peuples. Quels sont les lieux et les modalités de dialogue au sein de notre Église particulière ? Comment sont gérées les divergences de vue, les conflits et les difficultés ? Comment encourageons-nous la collaboration avec les diocèses voisins, avec et entre les communautés religieuses présentes sur le territoire, avec et entre les associations et mouvements de laïcs, etc. ? Quelles expériences de dialogue et d’engagement en commun mettons-nous en œuvre avec des croyants d’autres religions et avec ceux qui ne croient pas ? Comment l’Église dialogue-t-elle et apprend-elle d’autres instances de la société : le monde de la politique, de l’économie, de la culture, la société civile, les pauvres… ?

VII. AVEC LES AUTRES CONFESSIONS CHRÉTIENNES

Le dialogue entre chrétiens de diverses confessions, unis par un seul Baptême, occupe une place particulière sur le chemin synodal. Quels relations entretenons-nous avec les frères et sœurs des autres Confessions chrétiennes ? Quels domaines concernent-ils ? Quels fruits avons-nous recueillis de ce “ marcher ensemble ” ? Quelles difficultés aussi ?

VIII. AUTORITÉ ET PARTICIPATION

Une Église synodale est une Église de la participation et de la coresponsabilité. Comment sont définis les objectifs à poursuivre, la voie pour y parvenir et les pas à accomplir ? Comment est exercée l’autorité au sein de notre Église particulière ? Quelles sont les pratiques de travail en équipe et de coresponsabilité ? Comment sont encouragés les ministères laïcs et la prise de responsabilité de la part des fidèles ? Comment fonctionnent les organismes de synodalité au niveau de l’Église particulière ? Constituent-ils une expérience féconde ?

IX. DISCERNER ET DÉCIDER

Dans un style synodal, les décisions sont prises via un processus de discernement, sur la base d’un consensus qui jaillit de l’obéissance commune à l’Esprit. Avec quelles procédures et avec quelles méthodes discernons-nous ensemble et prenons-nous des décisions ? Comment peuvent-elles être améliorées ? Comment favorisons-nous la participation de tous aux décisions au sein de communautés structurées d’une manière hiérarchique ? Comment conjuguons-nous la phase consultative et la phase délibérative, le processus menant à la prise de décision (decision-making) et le moment de la décision (decision-taking) ? De quelle façon et avec quels instruments encourageons-nous la transparence et la responsabilité (accountability) ?

X. SE FORMER À LA SYNODALITÉ

La spiritualité du marcher ensemble est appelée à devenir le principe éducatif de la formation humaine et chrétienne de la personne, la formation des familles et des communautés. Comment formons-nous les personnes, spécialement celles qui occupent des rôles de responsabilité à l’intérieur de la communauté chrétienne, pour les rendre davantage capables de “ marcher ensemble ”, de s’écouter mutuellement et de dialoguer ? Quelle formation au discernement et à l’exercice de l’autorité  offrons-nous? Quels instruments nous aident-ils à lire les dynamiques de la culture dans laquelle nous sommes immergés et leur impact sur notre style d’Église ?

Pour contribuer à la consultation

31. L’objectif de la première phase du chemin synodal est de favoriser un vaste processus de consultation pour rassembler la richesse des expériences de synodalité vécue, dans leurs différents aspects et leurs différentes facettes, en impliquant les pasteurs et les fidèles des Églises particulières à tous les niveaux, en utilisant les moyens les plus appropriés en fonction des réalités locales spécifiques : la consultation,  coordonnée par l’évêque, s’adresse  « aux prêtres, aux diacres et aux fidèles laïcs de leurs Églises, tant séparément que collectivement, sans négliger l’apport précieux qui peut venir des hommes et des femmes consacrés » (EC, n° 7). En particulier, la contribution des organismes de participation des Églises particulières est requise, spécialement celle du Conseil presbytéral et du Conseil pastoral, à partir desquelles « une Église synodale peut (véritablement) commencer à prendre forme »[22]. La contribution des autres réalités ecclésiales auxquelles sera envoyé ce Document Préparatoire sera également précieuse, tout comme l’apport de ceux qui voudront envoyer directement leur contribution . Enfin, il est d’une importance capitale d’écouter la voix des pauvres et des exclus et pas uniquement celle de ceux qui occupent un rôle ou une responsabilité au sein des Églises particulières.

32. La synthèse élaborée par chaque Église particulière au terme de ce travail d’écoute et de discernement constituera sa contribution propre au parcours de l’Église universelle. Pour rendre plus faciles et viables les phases suivantes du cheminement, il est important de parvenir à condenser les fruits de la prière et de la réflexion en une synthèse d’une dizaine de pages au maximum. Si cela est nécessaire, pour les contextualiser et mieux les expliquer, on pourra joindre d’autres textes en annexes. Rappelons que le but du Synode, et donc de cette consultation, n’est pas de produire des documents, mais de « faire germer des rêves, susciter des prophéties et des visions, faire fleurir des espérances, stimuler la confiance, bander les blessures, tisser des relations, ressusciter une aube d’espérance, apprendre l’un de l’autre, et créer un imaginaire positif qui illumine les esprits, réchauffe les cœurs, redonne des forces aux mains »[23].

 

Table des matières

 

I. L’appel à marcher ensemble

II. Une Église constitutivement synodale

III. À l’écoute des Écritures

              Jésus, la foule, les apôtres

              Une double dynamique de conversion : Pierre et Corneille (Ac 10)

IV. La synodalité en action : pistes pour la consultation du Peuple de Dieu

              L’interrogation fondamentale

              Divers aspects de la synodalité

              Dix pôles thématiques à approfondir

                        Pour contribuer à la consultation

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07 septembre 2021, 11:30