Mgr Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, le 12 décembre 2019. Mgr Bruno-Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le Service du Développement humain intégral, le 12 décembre 2019. 

Notre monde a besoin d’un nouveau rythme et de bienveillance, confie Mgr Duffé

Mgr Bruno-Marie Duffé a achevé son mandat en tant que secrétaire du dicastère pour le service du développement humain intégral, le 1er juillet dernier. Il invite à déployer un nouveau mode de relations et à relever le défi de l'espoir, dans un monde inquiet.

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

Mgr Bruno-Marie Duffé, prêtre du diocèse de Lyon, avait été choisi par le Pape François en juin 2017 pour seconder le cardinal Peter Turkson à la tête du dicastère pour le service du développement humain intégral. Durant son mandat, il a ouvert une réflexion sur nos modes de développement et d’interaction.

Mgr Duffé a également effectué plusieurs voyages pour panser les plaies d’un monde en souffrance. Il a notamment été envoyé par le Pape François au Brésil, en 2019, à Brumadinho, après la rupture du barrage minier, ayant fait plus de 270 morts, se faisant proche des populations.

Dressant un premier bilan de sa mission au Vatican, il revient sur la réforme menée par le Pape François et exhorte à «revisiter notre mémoire collective et individuelle» afin de construire un nouveau modèle de relations, en harmonie avec la Création. 

Il évoque «le défi majeur de la coexistence et de l'hospitalité mutuelle» et met en garde contre la frénésie qui s’est emparée de nos vies, soulignant l’importance de «réapprendre la limite et le rythme», alors que «nous vivons un temps de l'épuisement».

Entretien avec Mgr Bruno-Marie Duffé

Quels sont les dossiers les plus importants qui ont marqué votre mandat au sein du dicastère pour le service du développement humain intégral ?

Je pourrais commencer évidemment par le dossier de la santé, parce que nous sommes encore en train de vivre cette pandémie qui nous interroge de manière assez radicale sur la place importante de la santé dans la vie et les conséquences de notre mode de développement qui, sans doute, n'est pas pour rien dans les virus et dans le développement de certaines pathologies, de certaines maladies. Il y a évidemment en amont toute la réflexion autour de l'écologie, mais je ne peux plus séparer l'écologie des questions sociales et l’on peut dire que la mission qui nous a été confiée de la part du Saint-Père, est cette redécouverte de la création.

Et puis, il s'agit d'écouter aussi notre très grande difficulté à vivre ensemble et ce défi majeur qui est le défi de la coexistence, de la reconnaissance mutuelle, de l'hospitalité mutuelle. Il s'agit vraiment de se positionner dans cette mission et sur une ligne de crête entre les dérèglements et la violence d'un côté, le dialogue, la reconnaissance et l'encouragement mutuel de l'autre.

Alors qu'une profonde réflexion est actuellement menée sur la période post pandémie, le Dicastère pour le Service du Développement humain intégral est-il un acteur clé pour ouvrir d'autres horizons?

Je crois que l'on peut le dire dans la mesure où le désir du Saint-Père a été de créer une commission Vatican Covid-19. Nous sommes dans une révolution absolument fondamentale de l'économie. Le même mot est d’ailleurs à la racine d’écologie et d’économie. Il faudrait y ajouter aussi que l'on a besoin du dialogue œcuménique. C'est la même racine aussi.

C’est-à-dire que nous avons besoin de tous les acteurs, de tous ceux qui portent les convictions, qu'elles soient de la religion chrétienne ou des autres religions, pour construire, reconstruire, déployer un nouveau mode de relations entre nous et un nouveau mode de dialogue entre tous.

Dans ce contexte de crise, qui invite à repenser nos modèles de développement, nos modèles d'interaction, quels sont aujourd'hui les principaux défis?

Il s'agit de revisiter notre mémoire. Nous avons, dans notre mémoire collective et dans notre mémoire personnelle, un certain nombre d'éléments qui peuvent nous aider à penser ce nouveau modèle. Il ne s'agit pas de retourner au passé, il s'agit de revisiter les valeurs, les références que nous avons.

Un des défis, est, par exemple, de réapprendre la limite et le rythme. Nous sommes dans un rythme effréné. Le mouvement de l'activité, de l'information, de la communication, des échanges est sans fin. Il y a nécessité de penser la limite, sinon nous sommes épuisés. Nous vivons d’ailleurs un temps de l'épuisement. Comment passer de l'épuisement à une nouvelle confiance en soi, une nouvelle confiance dans les échanges? Parce que nous avons besoin de ça.

Un des éléments que j'ai développé dans certaines missions, en particulier en Amérique latine, c'est de revisiter la mémoire. Nous ne pouvons pas être en harmonie ou en tout cas en paix avec la nature, en paix les uns avec les autres, en paix dans le monde politique et dans le monde économique, si nous ne trouvons pas un bon rythme. Or, il s'agit de relever le défi de l'espoir. Mémoire, espoir, conviction et solidarité concrète, c'est un peu comme une boussole que l'on pourrait offrir d'ailleurs à chacun.

Quel regard portez-vous, Mgr Duffé, sur la réforme menée par le Pape François ?

Il s'agit d'ouvrir des chemins, des perspectives pour que les baptisés soient des acteurs de la mission. Nous sommes une Église au milieu d'un monde inquiet, parfois même angoissé. Nous sommes une Église qui est appelée à offrir une présence, une considération, une bienveillance, un soin des personnes. Et c'est ça le sens de cette réforme. Ce n'est pas une réforme purement structurelle, administrative ou en termes de réglementation. C'est une réforme en termes de dynamique de la mission et de présence de l'Église dans le monde contemporain.

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06 août 2021, 11:30