Le cardinal Parolin, image d'archives. Le cardinal Parolin, image d'archives. 

Cardinal Parolin: «le Pape viendra en France»

Dans un entretien préalablement enregistré et diffusé ce vendredi soir sur la chaîne de télévision catholique française, KTO, le cardinal Secrétaire d’État revient sur la réforme de la Curie, le prochain voyage du Pape en Irak et le dialogue interreligieux promu par l’Église. Est-il vraiment partagé par ses interlocuteurs ? La question de l’accord passé avec la Chine fut également abordée lors de cette interview.

Dans un français parfait, le cardinal Parolin apporte au début de cet entretien quelques précisions sur son parcours. Jeune prêtre de Vénétie envoyé à Rome pour étudier le droit canon afin, un jour de s’occuper de pastorale familiale, il entra finalement à l’Académie ecclésiastique qui forme les diplomates du Saint-Siège, avec l’aval -bien qu’à contre-cœur- de son évêque.

Nommé Secrétaire d’État par le Pape François en 2013 après des années de nonciature, notamment au Venezuela, le cardinal Parolin reconnait que son rôle pourrait être comparé à celui de «Premier ministre» dans un gouvernement civil. À la tête de la Secrétairerie d’État «qui aide le Pape dans la gouvernance de l’Église», le cardinal Parolin aide François à «régler des problèmes». Des rencontres régulières sont organisées et le Pape est «toujours disponible» pour aborder une question spécifique. «Le contact est très facile», explique-t-il à Philippine de Saint-Pierre, directrice générale de KTO.

Réorganisation de la Curie

Sur la réforme de la Curie, des «pas remarquables» ont été accomplis, notamment concernant son volet économique avec la création du Secrétariat pour l’Économie, du Conseil pour l’Économie et du Bureau du réviseur général qui travaillent de concert avec l’APSA. Le cardinal Parolin évoque également «la grande réforme» du secteur de la communication et la fusion de dicastères. Il faut maintenant harmoniser le tout, et cela sera fait avec la nouvelle Constitution apostolique dont il rappelle le titre provisoire, Praedicate Evangelium soit «Prêchez l'Evangile», dans la lignée d’Evangelii Gaudium, car «tout doit être revu à la lumière de l’annonce de l’Évangile». Le travail est fait, assure le numéro deux du Saint-Siège. Le texte devrait être publié d’ici la fin de l’année.

Est-ce que les derniers scandales financiers, la récente condamnation d’un ancien directeur de l'IOR ou la démission du cardinal Becciu sont le signe de cette réorganisation ou la crise est encore en cours, demande la journaliste. Le cardinal Parolin estime que «parler de crise est excessif», il y a toujours eu dans l’histoire et même dans l’histoire récente, assure-t-il, des «moments difficiles». Le Pape affronte ces problématiques pour rendre la Curie plus transparente, «aujourd’hui les gens n’acceptent pas l’Évangile d’une Église qui n’est pas complètement évangélique». Mais cela vaut pour l’Église. Le Saint-Père veut qu’elle soit capable d’annoncer l’Évangile aux gens d’aujourd’hui, «il veut une Église capable d’apporter de l’eau fraîche à ceux qui ont soif, même si ces derniers ne le savent pas toujours».

Le Pape veut encourager les Irakiens

Le Pape François est attendu début mars en Irak, si les conditions de sécurité le permettent –un double attentat a fait au moins 31 morts le 21 janvier dernier à Bagdad, rappelle le prélat italien. François souhaite se rendre sur place depuis longtemps «pour encourager les chrétiens» locaux et de la région à «témoigner malgré le contexte». Dans ces pays, les communautés de chrétiens se sont «réduites au minimum», après une «hémorragie» liée aux conflits et persécutions dont elles ont été victimes. Le Pape rencontrera les autorités politiques pour encourager à la «stabilité politique». Enfin, le dialogue interreligieux sera aussi au cœur de ce voyage.

Deux ans après la signature en 2019 du Document sur la Fraternité humaine, l’aboutissement de gestes en direction de l’islam sunnite, comment être sûr que cette volonté de dialogue de l’Église est partagée par ses interlocuteurs ? Pour l’Église, la déclaration d’Abou Dhabi est «un grand progrès». Elle stipule que «nous sommes tous des créatures de Dieu», qu’aucune violence ne peut être justifiée au nom de Dieu et que les religions ont un rôle à jouer. Tout cela est mis «noir sur blanc», après «il y a ceux qui partagent beaucoup et d’autres un peu moins, mais cela est normal», souligne le cardinal Parolin.

Loi contre le séparatisme et engagement public

En France, un projet de loi contre le séparatisme sera débattu à l’Assemblée nationale le 1er février prochain. S’il estime difficile et «délicat» de donner un avis sur les lois d’un autre pays, d’autant qu’il ne dispose pas de tous les éléments pour se prononcer, le cardinal Parolin s’interroge sur l’opportunité d’une loi qui «risquerait de mettre en jeu l’équilibre trouvé» depuis la loi de 1905, «cela risque de toucher toutes les religions». Une loi est-elle nécessaire, ne peut-on «affronter ce réel problème» qu’est l’islam radical avec d’autres solutions «d’ordre public»? Un dialogue a été amorcé entre les autorités ecclésiales et le gouvernement, des amendements proposés. Le Secrétaire d’État espère que cela puisse se résoudre sans que ne soit créées de nouvelles «problématiques».

Quitte à être à contre-courant, le cardinal Parolin encourage les catholiques à s’exprimer dans la sphère publique, le christianisme est une religion d’incarnation, souligne-t-il. «Les croyants sont des citoyens de ce monde» et ils affrontent les problématiques qui se présentent à eux «de leur point de vue», à partir de leur foi. «Les religions ont un rôle à jouer, surtout en cette période où les politiques semblent parfois aphones».

«L’Église ne peut se détourner de sa mission» qui consiste à «donner raison à l’espérance» en ayant toujours à l’esprit de se comporter de manière douce et correcte. Un travail de «moralsuasion», de persuasion morale mais qui s’appuie aussi sur la raison, et que fait également le Saint-Siège au sein d’organisations internationales ou lorsque des chefs d’État sont accueillis au Vatican.

En Chine, la politique des petits pas

Certains considèrent l’accord conclu avec la Chine sur la nomination des évêques comme «une trahison», affirme la directrice de KTO. Ils accusent le Saint-Siège de «faire preuve de naïveté» face à un pays «qui continue à persécuter les chrétiens» ; que leur répondre ? «Je respecte ceux qui ont des opinions différentes et critiquent la politique du Saint-Siège», explique le Secrétaire d’État. «Il est licite de le faire». Face à une situation «complexe», et à la suite d’un travail déjà «bien avancé», «nous avons choisi la politique des petits pas». Le numéro deux du Saint-Siège reconnait que «cela ne résout pas tout », mais il croit au pouvoir de la graine que l’on sème. «On espère qu’elle pourra germer, croître et porter des fruits. C’est notre espérance, mais cela nécessite de la patience» conclut-il.

Face à la pandémie, espérance et solidarité

Pour le cardinal Parolin, la «crise» actuelle n’est pas que sanitaire, elle est également environnementale, politique, affecte les relations sociales, et toute crise offre une opportunité à saisir. Celle de garder et transmettre un message d’espérance et de solidarité. L’Église défend une culture du soin.

Concernant les doutes que nourrissent certains catholiques concernant les vaccins, il dit les entendre. Le Pape qui a déjà reçu sa première dose, a lui défendu le recours aux remèdes pour protéger sa vie et celle d’autrui.

Le Pape en France

Le cardinal Parolin confirme que les autorités ecclésiastiques et politiques ont invité le Saint-Père à plusieurs reprises à venir en France, «il faut maintenant trouver l’opportunité», mais le Pape est «disposé» à cette visite. Sans se prononcer sur aucun calendrier, le cardinal Parolin a confirmé la venue du Pape en France. «Il viendra» assure-t-il.

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29 janvier 2021, 20:29