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Le Pape François et le cardinal Achille Silvestrini, en juillet 2013 Le Pape François et le cardinal Achille Silvestrini, en juillet 2013 

Le cardinal Silvestrini, architecte de l'Ostpolitik du Vatican

Le cardinal Parolin s'est exprimé lors de la conférence organisée par l'ambassade d'Italie auprès du Saint-Siège sur les 45 années écoulées depuis les accords d'Helsinki, qui ont amélioré les relations entre les États-Unis et l'URSS. Le Secrétaire d’État du Saint-Siège est revenu sur le rôle du cardinal Achille Silvestrini, figure de la diplomatie vaticane décédé il y a un an, et qui a exercé une «tâche diplomatique très délicate» avec une grande «sensibilité humaine et chrétienne».

Giancarlo La Vella - Cité du Vatican

Le Secrétaire d'État du Saint-Siège a rappelé ce matin la figure du cardinal Achille Silvestrini, l’un des protagonistes de l'Ostpolitik du Vatican et des premiers contacts avec les communautés catholiques martyrisées de l'Europe de l'Est. Une activité inspirée par le Pape Paul VI qui, dans l'encyclique Ecclesiam Suam de 1967, a écrit: «Nous ne désespérons pas que ces régimes puissent un jour ouvrir un dialogue positif avec l'Église». Le cardinal Silvestrini lui-même, a rappelé le cardinal Parolin, a dit qu’il s’agissait de «la clé de l'Ostpolitik de Paul VI, qui a déterminé son action à ne pas renoncer à d'éventuelles tentatives, même avec un succès réduit et même lorsqu'elles s'avérèrent infructueuses». Des paroles prophétiques, même s'il reste encore beaucoup à faire. Mais les accords d'Helsinki ont été un bon début pour mettre fin, il y a près d'un demi-siècle, à des années de frictions entre l'Union soviétique et les États-Unis. Le cardinal Sivestrini, a souligné le cardinal Parolin, a mis en œuvre sa sensibilité humaine et chrétienne dans l'accomplissement d'une tâche diplomatique très délicate.

Un dialogue qui a commencé à distance

Signés le 1er août 1975 à l’issue de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe lancée en 1973, les accords d’Helsinki consacrent l’inviolabilité des frontières européennes, rejettent tout recours à la force et toute ingérence dans les affaires intérieures. Ils engagent dès cette époque les 35 États signataires, dont les États-Unis, le Canada, l’URSS et l’ensemble des pays européens, à l’exception de l’Albanie, à respecter les droits de l’Homme.

L'analyse de ce que nous a laissé le cardinal Silvestrini, a expliqué le Secrétaire d’État du Saint-Siège dans son discours, nous permet de saisir précisément les passages historiques qui ont conduit l'Eglise à se placer sur la scène internationale d'une manière nouvelle par rapport à l'époque du “grand anéantissement” dans les pays marxistes et staliniens. Il a rappelé que les premiers pas de l'Ostpolilik - terme né avec le changement de politique envers l'Allemagne de l'Est du chancelier Willy Brandt - sont des antécédents et reposent sur certains gestes rendus possibles par l'atténuation des persécutions dans les pays communistes: l'envoi de délégués de l'Église orthodoxe russe pour assister au Concile œcuménique Vatican II, l'audience papale avec le couple Ajubei, les premières visites de Mgr Agostino Casaroli en Hongrie et en Tchécoslovaquie en mai 1963.

Ces ouvertures ont été initiées par la clairvoyance de Jean XXIII qui, selon les mots de Mgr Casaroli, «semblait faire fondre une profonde barrière de glace». Dans ce contexte, la conférence d'Helsinki «a représenté une expérience unique par sa valeur. C'était la première fois, après le Congrès de Vienne en 1815, que le Saint-Siège participait en tant que membre à part entière à un Congrès d'États». Et surtout, elle a été «un signe concret de la conception de la paix entre les nations comme valeur morale, avant même d'être une question politique, et une occasion de revendiquer la liberté religieuse comme l'une des libertés fondamentales de chaque personne et comme valeur et corrélation dans les relations entre les peuples».

Le martyre de la patience

Le cardinal Parolin a ensuite retracé les étapes de ce scénario, qui remonte au début des années 1960, et qui est celui de la dévastation, de la persécution, de la tentative d'anéantissement de la présence religieuse et des Églises. «Après les arrestations, condamnations, emprisonnements ou relégations de la majorité des évêques catholiques dans les années après 1945 et en premier lieu de Mgr Stepinac, du cardinal Mindsdzenty, de Mgr Beran, de Mgr Wyszyński et la rupture des relations diplomatiques, a poursuivi le cardinal Parolin, avec le Saint-Siège dans les pays communistes d'Europe centrale et orientale, un lourd manteau de glace était tombé». Dans ce contexte, a poursuivi le secrétaire d'État, le «martyre de la patience» qui a conduit l'Église à saisir chaque petite lueur d'ouverture a commencé, conduisant Mgr Casaroli et le cardinal Silvestrini à ce pèlerinage douloureux dans certains pays d'Europe de l'Est comme la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Pologne, et qui a conduit à l'acceptation de la perspective d'une Conférence qui se tiendrait à Helsinki, dans un pays neutre.

Liberté de pensée, de conscience et de religion

C'était une démarche «lente», mais courageuse et raisonnée, a souligné le cardinal Parolin, dans laquelle les gestes significatifs ne manquaient pas, et qui résonne aujourd'hui aux yeux de tous, y compris l'adhésion, demandée par l'Union soviétique, du Saint-Siège au traité de non-prolifération des armes nucléaires. Le cardinal Achille Silvestrini lui-même, a été le protagoniste de nombreux pas dans la direction du dialogue. Ce rôle l'a conduit à être présent à toutes les réunions officielles et informelles, à tous les interlocuteurs et aux innombrables réunions de la Conférence d'Helsinki.

Jusqu'à la signature de l'Acte final d'Helsinki, avec la Déclaration sur les principes régissant les relations entre les États participants, tels que «le respect des droits de l'homme et des libertés, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction», ou le principe selon lequel «les États participants reconnaissent et respectent la liberté de l'individu de professer et de pratiquer, seul ou en commun, une religion ou une conviction agissant selon les exigences de sa propre conscience». Il y a aussi le principe selon lequel «les États participants reconnaissent la signification universelle des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont le respect est un facteur essentiel de paix, de justice et de bien-être nécessaire pour assurer le développement de relations amicales et de coopération entre eux, comme entre tous les États».

Le dialogue: l'arme la plus puissante pour construire la paix

Les accords d'Helsinki, a aussi déclaré le cardinal Parolin, ont véritablement représenté un tournant. À partir de là, le chemin vers l'application de la liberté religieuse et des droits fondamentaux pouvait devenir plus rapide et se réaliser progressivement jusqu'à la chute du communisme en 1989. Le Saint-Siège a estimé, sur la base des principes sanctionnés à Helsinki, qu'il était le «médiateur direct des demandes en matière de conscience religieuse». Il semble évident, a conclu le cardinal Parolin, que la Conférence d'Helsinki a été l'un de ces moments de l'histoire où, pour reprendre un principe cher au Pape François, les protagonistes se sont davantage préoccupés d'initier des processus plutôt que d'occuper l'espace.

Elle a garanti le passage d'une détente timide, presque craintive, dans les relations internationales, à un engagement courageux en faveur de la paix et de la consolidation des droits de l'homme universels dans tous les États européens. Elle a montré que le dialogue, lorsqu'il est sincère et animé de bonne volonté, est véritablement l'«arme» la plus puissante pour construire une paix qui ne soit pas seulement une absence de conflit, mais avant tout une affirmation de la dignité transcendante de chaque être humain: des réalisations doivent être mises au crédit du cardinal Silvestrini. 

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14 septembre 2020, 19:09