Le Pape Jean-Paul II serre un enfant dans ses bras lors d'une audience générale place Saint-Pierre de Rome. Le Pape Jean-Paul II serre un enfant dans ses bras lors d'une audience générale place Saint-Pierre de Rome.  

Saint Jean-Paul II, un Pape philosophe à la spiritualité polonaise

Le premier Pape polonais de l’Histoire fête ses 100 ans ce lundi 18 mai 2020. Pape de la jeunesse, de la famille, des voyages, de la culture, les qualificatifs pleuvent lorsqu’on s’essaie à caractériser les 26 ans de pontificat de Jean-Paul II; plus encore, lorsque l’on se penche sur son existence tumultueuse, étroitement liée aux soubresauts historiques du XXème siècle, et au destin de son cher pays natal, la Pologne.

Entretien réalisé par Delphine Allaire – Cité du Vatican

Lors de la canonisation de Jean-Paul II, le 27 avril 2014, le Pape argentin François se rappelait de lui comme «un contemplatif des plaies du Christ et témoin de sa miséricorde», mais aussi comme «le Pape de la famille»: «Lui-même a dit un jour qu’il aurait voulu qu’on se souvienne de lui comme du Pape de la famille», ajoutait François.  

Jean-Paul II ou le courage de la vérité

« Par son témoignage de foi, d’amour et de courage apostolique, ce fils exemplaire de la nation polonaise a aidé les chrétiens du monde entier à ne pas avoir peur de se dire chrétiens. En un mot: il nous a aidés à ne pas avoir peur de la vérité, car la vérité est garantie de liberté». En ces termes élogieux et limpides, le successeur du Pape polonais, le Pape bavarois, Benoît XVI, évoquait quant à lui son prédécesseur dans son homélie de béatification, le 1 er mai 2011.

À l’occasion du centenaire de sa naissance, à Wadowice au sud de la Pologne le 18 mai 1920, retour sur les fondations spirituelles de la pensée de Jean-Paul II et toutes ses implications polonaises, qui ont insufflé sur l’Église universelle la ferveur et les subtilités intellectuelles d’Europe centrale. Karol Tarnowski, ancien ami de Jean-Paul II, philosophe polonais, professeur à l’Université pontificale Jean-Paul II et à l’Université Jagellone de Cracovie, nous les détaille.

Quel a été l’itinéraire spirituel de saint Jean-Paul II?

D’abord, il a été élevé dans une famille très pieuse, sa mère est morte très tôt. Sa formation spirituelle «par la maison» était donc déjà très bonne. Ensuite, dans sa ville natale de Wadowice, il a fait la rencontre «d’un mystique laïc», qui s’appelait Taranowski. Génie de la lecture, il lisait tous les grands mystiques. Ce biais mystique l’a introduit à la vie spirituelle. C’est aussi une formation par la littérature.

Par ailleurs, durant son séminaire pendant la guerre, il habitait chez le prince-cardinal Adam Stefan Sapieha qui avait grande influence sur lui. À Cracovie, il avait aussi des contacts après la guerre avec l’hebdomadaire universel Tygodnik Powszechny: une formation formidable. Il était sous l’influence de la philosophie française, Jacques Maritain et d’autres. Aussi, bien qu’il était personnellement attaché à la tradition, il était ouvert à tout ce qu’il se passait en Europe. 

 

De quelle manière l’identité de Jean-Paul II se confond-elle avec l’identité polonaise?

Jean-Paul II était sous l’influence du romantisme polonais, de la grande poésie polonaise du XIXème siècle: Adam Mickiewicz, Juliusz Slowacki, Stanisław Wyspiański… Il avait la conviction que la Pologne a un rôle à jouer dans le monde, un rôle de christianisme ouvert. Je crois qu’il se voulait lié à la Pologne jagellonne, celle du XVIème siècle, qui n’était pas nationaliste, mais patriote. L’Histoire comprise à travers la culture, surtout, et l’ouverture aux autres, lui tenaient à cœur. Karol Wojtyla avait des sentiments pour la religiosité paysanne, mais la chose est complexe.

Il appuie naturellement le sens du patriotisme polonais, mais en même temps, devenu Pape, il s’est avéré assez critique envers les Polonais après la libération de 1989. Je crois que pour le moment, son influence sur l’Histoire et l’Église de Pologne, demeure assez réduite dans le sens où ses écrits et encycliques ne sont pas très lus du grand public. Ses textes sont très difficiles. Jean-Paul II était un philosophe. Un philosophe formé partiellement par le thomisme, partiellement par la phénoménologie première d’Edmund Husserl. Ses écrits étaient donc denses, difficiles, et assez spéculatifs. Il n’est pas facile du tout à appréhender comme écrivain.

En revanche, il est adoré comme Pape polonais. C’est l’un des saints patrons de la Pologne. Il avait naturellement le souci pastoral. C’est aussi lui qui a joué un rôle dans l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne en 2004.

Qu’a-t-il apporté de la foi et de la spiritualité polonaise à Rome?

D’abord Sainte Faustine Kowalska et le culte de la Divine Miséricorde. C’est une provenance polonaise, qui plus est, prolongée par le Pape François, sensible au rôle de la miséricorde. Jean-Paul II a aussi apporté la spiritualité de ce coin de l’Europe, ce second poumon, oriental, de l’Europe. L’ouverture à saint Cyrille et saint Méthode, pourrait-on dire, la spiritualité orientale du christianisme. C’est pourquoi aujourd’hui peut-être l’acceptation des Ukrainiens et des gréco-catholiques est facilitée.

Je crois que le Pape François poursuit cette spiritualité de Jean-Paul II, qui était ouverte. Ouverte aussi à un certain côté sentimental et poétique. François aussi met l’accent sur la compassion et les sentiments. C’est le côté résolument émotionnel du christianisme.

Entretien avec Karol Tarnowski, philosophe polonais, ancien ami de Jean-Paul II

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18 mai 2020, 06:30