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Des personnes déplacées par les violences djihadistes au Burkina Faso, dans un village proche de Ouagadougou en septembre 2019. Des personnes déplacées par les violences djihadistes au Burkina Faso, dans un village proche de Ouagadougou en septembre 2019. 

Père Baggio: ne pas oublier les habitants des périphéries existentielles

Le sous-secrétaire de la Section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral explique que des collaborations œcuméniques, interreligieuses et institutionnelles sont nécessaires pour répondre au cri des personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, et qui sont encore plus invisibles aujourd'hui.

Cecilia Seppia - Cité du Vatican

La mission de l'Église universelle continue à étendre son regard vers les périphéries physiques et existentielles, où les personnes déplacées vivent pendant des mois, des années, des décennies, dans une situation de pauvreté totale, privées de tout, des droits fondamentaux et de dignité.

L'objectif du document Orientations pastorales sur les déplacés internes (Pastoral Orientations on Internally Displaced People), édité par la Section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, présenté mardi 5 mai dans la salle Marconi de Radio Vatican à Rome, est d'offrir des suggestions et lignes directrices pour accueillir, protéger, promouvoir, intégrer, non seulement par des mots, mais par des actions concrètes ceux qui, à cause de la guerre, des conflits ethniques, de la faim, du changement climatique, sont contraints de quitter leur foyer et de se déplacer, à l'intérieur des frontières nationales, pour tenter d'assurer un avenir à leurs enfants.

Le père Fabio Baggio, sous-secrétaire de la section des migrants et des réfugiés, qui a édité le livre et relevé le défi lancé par le Pape François, a été interrogé par la section italienne de Radio Vatican-Vatican News.

Entretien avec le père Fabio Baggio

«Le Saint-Père a voulu ouvrir l'année 2020 par son discours au Corps diplomatique en faisant directement référence aux personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays comme un thème d'attention prioritaire en matière de pastorale, qui va évidemment au-delà des conditions politiques, mais qui s'intéresse à l'amour et au service que l'Église veut toujours dédier et adresser à toutes ces personnes qui vivent dans les périphéries existentielles du monde et de notre société.

Je crois que le Saint-Père a voulu s'attarder sur les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays parce qu'elles restent souvent invisibles. En effet, le fait ne pas traverser de frontière internationale les rend invisibles dans leur vulnérabilité. D'où la volonté de la Section Migrants et Réfugiés de consacrer une réflexion plus large à ces personnes déplacées en réunissant des experts catholiques, des organisations internationales catholiques travaillant sur ce front, et notamment les conférences épiscopales des différents pays.

Le cœur de ce document que nous présentons aujourd'hui est un engagement renouvelé de tous les principaux acteurs catholiques envers ceux qui vivent, comme l'Enfant Jésus dans sa fuite vers l'Égypte, la tragédie, le drame de devoir quitter précipitamment leur patrie, leur pays, leur région, de se retrouver à vivre dans une autre région avec toutes les conditions de fragilité caractérisant ce déplacement.

Ce document s'appuie toujours sur les 4 verbes, les 4 actions dictées par le Pape pour répondre au phénomène migratoire: accueillir, protéger, promouvoir, intégrer...

Oui. Je voudrais souligner un élément de chacun des verbes qui doivent être déclinés dans les situations contingentes, mais nous ne pouvons pas ne pas penser aux chiffres. Rien qu'en 2019, nous avons eu 33,4 millions de nouvelles personnes déplacées à l'intérieur de 145 pays. Les conflits ont déplacé, toujours en 2019, plus de 8,5 millions d'entre eux sur leur propre territoire. Au lieu de cela, nous avons 1 900 catastrophes et désastres qui en ont déplacé près de 25 millions, dans 140 pays. Donc, des chiffres importants à l'intérieur desquels il est nécessaire de décliner les 4 verbes.

Par exemple, l'accueil implique toujours la connaissance afin de surmonter l'invisibilité qui caractérise souvent les déplacements internes. Pour protéger au contraire, malheureusement, les instruments internationaux n'existent pas encore, puisque la protection de ces personnes est confiée aux pays individuels: c'est donc un grand appel à faire un effort supplémentaire pour la protection de la dignité et des droits de ces personnes.

Promouvoir: il est nécessaire de penser à l'inclusion de nos frères et sœurs dans les processus de développement et de les considérer comme une ressource, et non pas seulement comme une difficulté ou un problème. En ce qui concerne l'intégration, le plus grand problème prend le dessus lorsqu'il y a rivalité et discrimination, il est donc nécessaire de surmonter ces barrières afin de reconnaître que nous sommes toujours membres de la même humanité qui est le fruit de la création divine.

Le texte contient des orientations pastorales à diffuser auprès des Églises, des travailleurs, mais aussi des propositions pratiques pour remédier à la situation dramatique dans laquelle vivent les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, privées d'accès à l'éducation, au travail, à la propriété et aux soins de santé. Il y a donc un cinquième appel qui est d'agir...

Oui, bien que plusieurs pays garantissent aujourd'hui certains droits fondamentaux aux personnes déplacées à l'intérieur de leur territoire, il existe des situations d'urgence, par exemple, qui conduisent à faire des choix et à se retrouver face à des surpopulations non prévues, avec évidemment des exclusions qui découlent du grand nombre de personnes arrivant soudainement en banlieues, pour parler des centres urbains. Ou, si l'on se réfère aux camps de réfugiés, on doit constater toute une série de difficultés liées à la nécessité de pourvoir à l'éducation, à l'enseignement mais aussi aux besoins de base, à l'alimentation, aux médicaments, au logement, à l'assainissement. C'est donc très important et nous voulons le répéter, soulever cette question et réaliser qu'il faut un effort supplémentaire de collaboration et de coopération entre les différents acteurs.

En fait, dans ce document, nous avons également ajouté le verbe collaborer, car personne ne peut résoudre ce problème seul. Des acteurs qui sont évidemment les institutionnels avec nos acteurs catholiques, diocèses, organisations et congrégations religieuses et qui pensent aussi à ceux qui, tant au niveau interconfessionnel qu'interreligieux, travaillent sur le territoire, donc de nouveaux projets qui peuvent nous unir sur la base d'une foi commune ou au moins de lignes directrices communes inspirées par la même spiritualité afin de pouvoir intervenir ensemble et suivre les opérations mises en place.

L'engagement le plus urgent que vous appelez de vos vœux est également de ramener ces personnes déplacées dans le système de protection internationale afin de promouvoir l'identification et la reconnaissance officielles....

Les Églises locales ont toujours été invitées, même dans les documents précédents, à rechercher ces formes de collaboration fructueuse avec les institutions responsables de l'aide et du service aux personnes déplacées à l'intérieur du pays. Il est certain que l'absence de reconnaissance et de protection internationales établies par une convention commune rend la fragilité plus grande, elle fait donc référence à l'absence de lois internationales qui devraient faire partie du paquet de protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays. Nous examinons certainement très attentivement les processus qui ont déjà été engagés au sein des Nations unies et nous espérons que d'ici cette année, ils pourront se concrétiser afin de trouver des solutions communes à un problème qui ne concerne pas seulement la Syrie ou l'Irak, mais qui touche désormais la plupart des pays du monde.

N'oublions pas que les personnes déplacées, comme celles qui migrent en quittant leur propre pays, sont victimes de la traite à des fins sexuelles et de travail, et qu'elles ont donc d'autant plus besoin de protection et d'assistance...

Absolument. D'après les rapports que nous recevons des personnes travaillant dans les camps de réfugiés, nous savons, par exemple, que le trafic est malheureusement en augmentation. La situation de vulnérabilité, l'absence de perspective de retour dans leurs propres régions - car beaucoup restent déplacés pendant des années, des décennies -, font de ces personnes des proies faciles pour ceux qui proposent d'autres moyens imaginaires et trompeurs qui ne sont que des pièges pour le travail en esclave, l'exploitation sexuelle, l'exportation d'organes et bien d'autres qui marquent le scénario très complexe de la traite.

Ces lignes directrices sont valables tant dans les situations d'urgence, comme par exemple les soins de santé, que nous connaissons à toutes les latitudes, que pour trouver des solutions durables et, surtout, elles tentent de prendre en compte les nombreuses causes différentes qui sont à l'origine des déplacements internes, des guerres aux conflits ethniques, de la famine à la crise économique. Alors, en pensant aussi à la situation actuelle, quel est l'avertissement de l'Église, l'appel pour que ces invisibles soient à nouveau au centre des décisions et des solutions de protection et d'intégration ?

Nous nous joignons à la voix du Saint-Père. Il l'a dit un vendredi pluvieux avec une place vide, il l'a répété dans le message de Pâques Urbi et Orbi: nous ne pouvons et ne devons pas oublier ceux qui vivent le drame actuel et le vivent de manière encore plus grave précisément parce qu'ils sont exclus des circuits de secours et de protection. N'oublions pas les habitants des périphéries existentielles qui sont nos frères et sœurs!»

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05 mai 2020, 11:30