La Bibliothèque apostolique vaticane a été institutionnalisée en 1475 sous le pontificat de Sixte IV. La Bibliothèque apostolique vaticane a été institutionnalisée en 1475 sous le pontificat de Sixte IV.  

Archives vaticanes et Bibliothèque apostolique rouvrent le 1er juin

Après trois mois de clôture, la Bibliothèque et les Archives apostoliques rouvrent leurs portes aux chercheurs lundi 1er juin. Les admissions se feront uniquement sur réservation en ligne, les règles de sécurité sanitaire devront y être respectées. Le cardinal portugais José Tolentino de Mendonça, archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église Romaine, propose ici une relecture de ce moment historique particulier engendré par la pandémie de coronavirus.

Cardinal José Tolentino de Mendonça – L'Osservatore Romano, Cité du Vatican

La mémoire est une dimension fondatrice commune aux religions bibliques: L'Eucharistie, le sacrement d'où découle l'Église, est une célébration commémorative du don de soi-même à l'humanité de la part de Jésus.

Le Chema, prière centrale de la liturgie juive, présente la mémoire comme une condition essentielle de la sainteté («Vous vous souviendrez ainsi de mes commandements, vous les mettrez en pratique, et vous serez saints pour votre Dieu», Nombres 15,40). 

 

Se souvenir, en somme, est un commandement de salut pour les juifs et les chrétiens qui, par lui, s'ouvrent à cette position d'écoute, qui décentralise l'homme de lui-même, de l'illusion mortelle de considérer sa propre expérience comme un tout, comme un absolu, qui sature la condition humaine à une dimension autosuffisante et exclusive, qui ne laisse aucune place à l'autre, aux autres et à l'Autre.

C'est précisément parce qu'elle n'est pas une externalisation d'un contenu préétabli mais une expression d'écoute incessante, que cette mémoire est messianique, tournée vers l'avenir. La mémoire du croyant n'est pas une reproposition identitaire et tautologique de ce qui a déjà été dit, fait, connu, mais une écoute d'un don rédempteur qui traverse l'histoire pour la guérir du mal et de la violence inscrits dans l'expérience humaine, et trouve donc dans le passé la promesse qui est une garantie de son propre avenir.

La mémoire historique comme perspective

Le croyant ne se souvient pas par nostalgie d'un bien perdu, mais par désir d'un bien qui lui est toujours venu dans l'histoire, qui fait de sa vie un voyage de détachement incessant du «déjà», en accueillant le «pas encore». La mémoire du croyant est, paradoxalement, non pas rétrospective mais perspective, source de transformation et non de stase (état de choses, marqué par l’immobilité absolue) de renouvellement et non de répétition.

Cette mémoire, en effet, et c'est le troisième aspect qui la qualifie, à côté de son écoute et de son orientation messianique vers l'avenir, n'est pas une attitude passive, une contemplation inerte de la «perfection» de ce qui s'est passé une fois pour toutes et ne peut être changé, mais est plutôt «un faire», une mise en pratique.

La mémoire se met en mouvement, elle est industrieuse, elle nous fait sortir de nous-mêmes pour faire partie, consciemment et de manière responsable, de ce surplus par rapport à l'individu et au groupe, qui est l'être commun de la famille humaine.

Écoute, ouverture sur l'avenir, engagement assidu. Ces trois dimensions sont cruciales, ceux qui sont au service d'une bibliothèque ou d'un service d'archives le savent bien.

Ces institutions sont bien plus qu'un espace physique, un contenant neutre, un distributeur de documentation, constituant plutôt un carrefour polyphonique d'instances, de fonctions, de préoccupations, d'obligations, d'intérêts et d'opportunités -matérielles, culturelles, scientifiques, spirituelles- dont la médiation n'est pas toujours facile, jamais préétablie, dont la mesure du succès ou de l'insuffisance est déterminée par de multiples facteurs subjectifs et objectifs, parfois totalement incontrôlables.

Les Archives, conscience historique de l'Église

Lorsque, fin février, s’est tenue la journée d'étude sur l'ouverture aux chercheurs des documents du pontificat de Pie XII recueillis dans les archives du Saint-Siège, aucun d'entre nous n'avait prévu que cette étape, d'importance historique et de grand impact public, serait soudainement suspendue par une crise sans précédent telle que celle de la pandémie de coronavirus. L'urgence sanitaire nous a d'abord contraints à fermer la bibliothèque et les Archives apostoliques aux universitaires, plaçant la majorité de notre personnel en télétravail, et nous oblige maintenant à une réouverture progressive et limitée.

Cette fermeture imprévisible a naturellement été douloureuse pour la Bibliothèque, les Archives apostoliques et ses chercheurs. Comme nous le savons tous, cependant, chaque crise peut être une opportunité, et c'est particulièrement vrai pour une réalité comme la nôtre, qui repose sur la conscience historique de l'Église avec l'aspiration d'en faire un bien public pour toute l'humanité.

La crise engendre l'humilité

Cette pandémie, qui s'est répandue dans le monde entier, sans rupture des frontières politiques, économiques et culturelles, a violemment rouvert les yeux d'une société aveuglée par sa propre performativité technologique et structurelle, par sa vulnérabilité intrinsèque à la condition humaine, évidence qui ne s'est jamais éteinte au niveau individuel, mais qui diminue au niveau collectif. Nous nous sommes tous retrouvés plus fragiles, plus pauvres, plus démunis, dans une situation sans précédent qui exige une humilité supplémentaire, la reconnaissance que nombre de nos certitudes sont une valeur précieuse mais aussi vulnérable, que l'exercice de notre savoir et de notre pouvoir est une succession de réouvertures et de départs.

La mémoire, individuelle et collective, est aussi un recueil de ces incessantes remises en question, de ces purifications, de ces relèvements et recommencements.Le passé surprend toujours le véritable historien, tout comme le présent surprend les contemporains, en redéfinissant les connaissances et les certitudes. Cependant, si la recherche de la vérité peut diviser, dans la multiplicité des chemins et des étapes de son élaboration, la rencontre avec elle, unit et réconcilie les individus.

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29 mai 2020, 11:33