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Le Pape François seul sur la place Saint-Pierre pour la bénédiction apostolique Urbi et Orbi, le 27 mars 2020. Le Pape François seul sur la place Saint-Pierre pour la bénédiction apostolique Urbi et Orbi, le 27 mars 2020.   Regard sur la Crise

Place pleine et Place vide

Journal de bord en temps de crise du père Federico Lombardi. L'ancien directeur de Radio Vatican et de la Salle de presse du Saint-Siège nous livre chaque semaine son regard sur la période que nous vivons.

Federico Lombardi, sj – Cité du Vatican

Des millions et des millions de personnes en Italie et dans le monde ont suivi et suivent les moments de prière menés par le Pape François à travers la télévision et les médias. Les niveaux d'audience sont extraordinaires. Il n’y a rien d’étonnant. Le contexte porte naturellement à compenser le manque de participation physique et sociale par une communication médiatique.

Par ailleurs, et surtout, il nous porte à rechercher cette parole et cette image qui répondent aux attentes profondes de consolation, de recherche de lumière dans un temps d'obscurité, de réconfort dans un temps d'incertitude.

Lorsque le Pape François a commencé à célébrer la messe du matin à la Maison Sainte-Marthe avec un groupe de fidèles - l'une des premières et des plus caractéristiques innovations de ce pontificat - il y a eu très vite une demande (de la part de la chaîne italienne TV 2000) de retransmettre la messe en direct afin qu'un plus grand nombre de personnes puissent suivre ce moment touchant de prière avec le Pape. Je me souviens bien qu'il en a ensuite été discuté avec le Pape lui-même et qu'une réflexion a été menée sur la question de savoir s'il fallait dire oui ou non. 

La conclusion a alors été de ne pas diffuser cette messe en direct, car, contrairement aux célébrations publiques, elle était destinée à conserver un caractère plus intime et privé, simple et spontané, sans que le célébrant et l'assemblée n'aient à se sentir sous les yeux du monde. Certes, il était possible de rendre public des morceaux et de brèves images de l'homélie et de la célébration, mais pas de les diffuser dans leur intégralité. D’autres occasions de rendre publiques les activités du Pape à un public plus large via les moyens de télécommunications ne manquaient pas.  

Aujourd'hui, la situation a changé. À Sainte-Marthe, il n'y a pas d'assemblée de fidèles, aussi petite soit-elle, et la messe du Pape - qu'il célèbre presque seul - est diffusée en direct et suivie par un très grand nombre de personnes qui reçoivent réconfort et consolation, qui s'unissent à lui dans la prière et sont invitées par lui à "la communion spirituelle" car elles ne peuvent s'approcher pour recevoir le Corps du Seigneur. Le mystère célébré est le même, mais la façon d'y participer a changé. Dans son homélie, le Pape François aime regarder dans les yeux les personnes présentes et dialoguer avec elles. Aujourd'hui, le regard et la voix sont médiatisés par la technologie, mais ils parviennent toujours à atteindre le cœur. L'assemblée n'est plus physiquement présente, mais elle est là et elle est vraiment unie, à travers la personne du célébrant, autour du Seigneur qui meurt et ressuscite.

L'expérience du Pape parlant et priant dans la Basilique ou sur la Place Saint-Pierre elle-même, complètement vide, est similaire et encore plus intense. Combien de fois au fil des ans nous sommes-nous trouvés à lancer des nombres de plus en plus impressionnants de fidèles présents: 50, 100, 200 000 personnes... sur toute la place, même dans la via della Conciliazione jusqu'au Tibre... Le lieu d'innombrables assemblées... Au cours du siècle dernier, nous avions appris à ajouter progressivement à cette présence physique de nombreuses autres personnes qui, grâce à la radio, puis à la télévision, puis aux nouveaux instruments de communication, ont étendu ces assemblées à différentes parties du monde. Bénédiction Urbi et Orbi, "à la ville et au monde". En particulier, Jean-Paul II, avec ses vœux de Noël et de Pâques en des dizaines de langues, nous avait fait comprendre que la grande assemblée réunie sur la place était le centre, le cœur d'une assemblée beaucoup plus vaste, répandue sur tous les continents, unie par le désir d'écouter, grâce à la voix du Pape, un seul message de salut.

Maintenant, nous avons vu la place absolument vide, mais la plus grande assemblée, celle qui n'était pas présente physiquement mais spirituellement, était là, et peut-être même plus nombreuse et intensément unie qu'en d'autres occasions. Le Pape peut être seul sur la place Saint-Pierre, comme dans la chapelle Sainte-Marthe, mais l'Église, assemblée universelle des fidèles, est fortement réelle et unie par des liens très profonds enracinés dans la foi et dans le cœur humain. 

La place vide, mais dans laquelle on perçoit la présence très dense et l'entrelacement des relations spirituelles d'amour, de compassion, de souffrance, de désir, d'attente, d'espérance...est un signe fort de la présence de l'Esprit, qui tient ensemble le "Corps Mystique" du Christ. Une réalité spirituelle qui se manifeste lorsque l'assemblée est physiquement unie et présente, mais qui n'est pas liée et limitée à la présence physique, et paradoxalement, de nos jours, peut être vécue de manière plus forte et plus évidente. «Le vent souffle où il veut: tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d'où il vient ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l'Esprit», disait Jésus à Nicodème dans la nuit.

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15 avril 2020, 14:30