Cardenal Michael Czerny, SJ Cardenal Michael Czerny, SJ 

Le Cardinal Michael Czerny plaide pour les droits des migrants et des refugiés

La Conférence Épiscopale Régionale de l’Afrique de l’Ouest, RECOWA/CERAO a organisé du 9 au 13 mars à Abidjan, en Côte d’ivoire, un atelier dénommé « Terres communautaires et droits environnementaux ». La Section Migrants et Réfugiés a été invitée à intervenir sur le thème : « Les droits des migrants et des réfugiés, et les défis de leur Accueil, Protection, Promotion et Intégration ».

Dans son message donné le 10 mars 2020 à l’occasion de cette rencontre, le Cardinal Michael Czerny, sous-secrétaire de la Section des migrants et des réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral, a indiqué que l’organisation de l’atelier répondait notamment au souci et à l’engagement envers les étrangers, les migrants, les réfugiés, les déplacés internes et les victimes de la traite des personnes dans la Région de RECOWA/CERAO. Il a ainsi remercié les organisateurs de l’attention qu’ils ont apportée à ces personnes afin de donner des réponses qui reflètent leur dignité et leurs droits.

Le message du cardinal Michael Czerny, lu par Mgr Robert Vitillo, Secrétaire général de la Commission internationale catholique pour les migrations, s’est axé sur les verbes actifs que le Pape François a demandé de conjuguer pour une réflexion et une action pastorale plus fructueuses en faveur des personnes impliquées dans la mobilité humaine et des victimes de la traite: Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer.

Texte intégral 

Ndlr: Pour des raisons de commodité, le texte ci-contre n'a pas de notes infrapaginales.

Les droits des Migrants et des Réfugiés, et les défis de leur Accueil, Protection, Promotion et Intégration

Contribution du Card. Michael Czerny S.J.
présentée par Mons. Robert Vitillo

Ce qui nous unit ici aujourd’hui, c’est le souci et l’engagement envers les étrangers, les migrants, les réfugiés, les déplacés internes et les victimes de la traite des personnes dans la Région de CERAO-RECOWA, et je vous remercie de l’attention que vous voulez apporter à ces personnes pour les donner des réponses qui reflètent leur dignité et leurs droits.
J’aimerais commencer en évoquant un monument spécial dévoilé à Rome le 29 septembre à la Place Saint Pierre du Vatican:

1. « Angels Unawares »

La sculpture est inspirée des paroles de l’Écriture : « N’oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges » (Hb 13, 2), et c’est à ces mots de l’Épître aux Hébreux que fait référence le Saint-Père dans son appel à la miséricorde envers tous ceux qui sont exclus : « l’attention de l’Eglise pour les diverses catégories de personnes vulnérables en mouvement ... réaffirme la nécessité que personne ne soit exclu de la société, que ce soit un citoyen résidant depuis très longtemps ou un nouvel arrivant » . La sculpture dit que la migration n'est sûrement pas une crise ou une urgence inattendue et sans précédent, car la mobilité humaine caractérise notre race depuis la nuit des temps; elle fait partie de notre génétique.
Pendant la prochaine heure, je voudrais vous parler des possibilités d’intervention qui s’offrent à l’Église dans ce domaine de la mobilité humaine. Par exemple, dans certains pays européens, mais aussi en Afrique, de nombreuses paroisses, communautés chrétiennes, congrégations et institutions assument des ministères concrets, et beaucoup d'entre elles exercent activement la miséricorde attendue par le Christ. Cela permet à l’Église d’élaborer une praxis pastorale des migrants, une politique migratoire et une stratégie de communication.
Du côté du Saint-Siège, j'attirerai votre attention sur la section Migrants et Réfugiés, qui vous offre des outils d’analyse, des interprétations bibliques et théologiques, ainsi que des éléments de discernement. Nous allons aborder la dignité et les droits humains, le développement intégral qui englobe nécessairement l’écologie intégrale, et tout ça comme politique et réponses pastorales, missionnaires et évangéliques.
Nos discussions d’aujourd’hui nous amèneront à explorer (et en fait à expérimenter !) cette triple approche sur un chantier en développement constant : une praxis pastorale, une stratégie de communication et une politique migratoire de l'Église Catholique. Ou bien comme vous avez formulé dans le thème qui m’a été confié : Les droits des Migrants et des Réfugiés, et les défis de leur Accueil, Protection, Promotion et Intégration. Ces actions sont propres aux verbes actifs que le Pape François a demandé de conjuguer pour une réflexion et une action pastorale plus fructueuses en faveur des personnes impliquées dans la mobilité humaine et des victimes de la traite: Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer.

LA SITUATION GÉNÉRALE

La foi des trois religions monothéistes a pris naissance avec la migration d’Abraham et de Sarah, et notre Seigneur Jésus a passé les premières années de sa vie comme réfugié en Égypte avec ses parents. À l’époque moderne, l’Église célèbre la Journée mondiale du migrant et du réfugié depuis 1914.
Il y a plus de six ans, au cours de sa visite à Lampedusa en juillet 2013, le pape François a fait de cette grande préoccupation un élément prioritaire du programme d’action et de charité de l’Église, et il a contribué considérablement à maintenir cette question parmi les dossiers importants de la planète. Le souci de toutes les personnes déracinées, particulièrement celles qui sont chassées de leur foyer, est une pierre de touche concrète et un symbole puissant de son pontificat. Il s’agit là d’un parfait exemple de l’intervention et de la défense des personnes au niveau le plus important et le plus authentique – là où l’Église apporte ses valeurs et ses priorités dans le discours public et les institutions publiques. La prochaine vidéo montre l’attitude du Saint-Père à l’égard des migrants, des réfugiés et d’autres personnes déplacées.

2. Accueillir

La migration englobe malheureusement aussi ceux qui sont contraints de fuir pour diverses raisons compréhensibles. Face à cette réalité des gens forcés de fuir et qui souffrent actuellement, la société doit s’interroger : est-ce que les gouvernements, les entreprises, les organes de communication et la société civile réagissent de manière compétente et responsable ?
Le pape François offre sa grille de quatre verbes pour mener cette évaluation. « Notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes : Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer. Je crois que conjuguer ces quatre verbes, à la première personne du singulier et à la première personne du pluriel, représente aujourd’hui un devoir, un devoir à l’égard de frères et sœurs qui, pour des raisons diverses, sont forcés de quitter leur lieu d’origine : un devoir de justice, de civilisation et de solidarité. Aujourd’hui plus que jamais, il est nécessaire de réaffirmer le caractère central de la personne humaine, sans permettre que des conditions contingentes et accessoires, ainsi que le respect nécessaire de conditions bureaucratiques ou administratives, n’en obscurcissent la dignité essentielle » .
Pour la Journée mondiale du Migrant et du Réfugié de 2019, le Saint-Père a choisi un thème d’une grande portée : « Il ne s'agit pas seulement des migrants ». Le thème a été élaboré et développé en sept sous-thèmes mensuels, qui ajoutent tous une signification et un contexte particulier au thème :

Mars : Il s'agit aussi de nos peurs.
Avril : Il s’agit aussi de la charité.
Mai : Il s’agit aussi de notre humanité.
Juin : Il s’agit aussi de n’exclure personne.
Juillet : Il s’agit aussi de mettre les derniers à la première place.
Août : Il s’agit aussi de toute la personne, de toutes les personnes.
Septembre : Il s’agit aussi de construire la cité de Dieu et de l’homme.

Alors, il ne s’agit pas de la question unique et simple (même si la question revêt une grande ampleur) de la migration. « Les migrants sont avant tout des personnes humaines, et au sens où ils sont aujourd’hui le symbole de tous les exclus de la société globalisée » . Qu'elles partent, passent, arrivent, s'installent ou reviennent, les personnes vulnérables en mouvement ont des affinités et des relations avec de nombreuses autres personnes « déjà ici » qui sont dans le besoin. Le Saint-Père nous invite à rencontrer les nouveaux venus, à les accompagner, à prier pour eux et à partager leur vie, dans le cadre de notre préoccupation plus large pour toutes les personnes marginalisées, tous ceux qui habitent « les périphéries existentielles » comme il les appelle sans cesse. Veuillez noter que cela va à l'encontre de la tendance de la société, des médias et des médias sociaux à les ignorer, à les caricaturer, à les garder invisibles ou à les faire disparaître . « Les réfugiés ne sont pas des nombres et des contingents à distribuer et à assigner, mais des personnes possédant un nom, une histoire, des personnes qui ont subi des blessures, mais aussi qui manifestent beaucoup de force et de potentiel, d’espérance et d’aspirations.» .

Le cardinal Jean-Claude Hollerich S.J., Archevêque de Luxembourg et Président de la Commission des Episcopats de l’Union européenne (COMECE), a précisé que « Le message du Pape est un appel lancé à l'Église en Europe. Il ne s'agit pas seulement des migrants .... il s'agit de notre humanité, de notre existence comme chrétiens, de l'écoute de l'appel du Christ. Et en même temps, il s'agit précisément des migrants, de chacun d'eux, de toute personne humaine en marge de l'Europe ... dans les camps en Grèce et en Libye, dans les différents centres de migration des pays membres de l'Union européenne. À toutes ces personnes, marginalisées en Europe, donnons-leur une place dans le cœur de l'Église! » .
Une telle vision pourrait avoir un bon écho dans la Région CERAO-RECOWA qui est point de départ, transit et destination des migrants et victimes de la traite, sachant que la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), avec son protocole de 1979, est un modèle en matière de la libre circulation des personnes et de leurs biens.
Le 22 janvier le Saint-Père déclarait avec force : « Comme chrétiens, nous devons travailler ensemble pour montrer aux migrants l’amour de Dieu… nous pouvons et nous devons témoigner qu’il n’existe pas seulement l’hostilité et l’indifférence, mais que toute personne est précieuse pour Dieu et aimée par Lui » .

Mgr. Joachim Ouedraogo, Evêque de Koudougou, Président de la Commission Migration de la Conférence Épiscopale du Burkina Faso et de celle de CERAO/RECOWA, a déclaré dans son Appel à la solidarité en faveur des déplacés internes dans son diocèse: “L’Eglise ne peut rester sourde au cri et aux larmes de tant de frères et sœurs. Ils sont visage du Christ qui implore, non nos discours démagogiques, mais un peu d’affection et de soutien ; ils nous interpellent à sortir de nos conforts, à avoir honte de nos revendications égoïstes et de nos choix politiques partisans. (...) Il ne s’agit pas seulement de migrants ! Il s’agit aussi de moi ; il s’agit aussi de vous; il s’agit aussi de nous! L’Église doit demeurer toujours fidèle à son option préférentielle pour les pauvres, les marginalisés, les souffrants. Elle doit être prête à les rejoindre où qu’ils se trouvent, et quoi qu’il arrive” .

Ces propos manifestent l’influence d’une praxis pastorale sur les politiques sociales et les choix stratégiques. Ils exercent une influence salutaire et légitime dans la CEDEAO en tant que région emblématique en matière de la migration dans l’Union Africaine (UA) ; et enfin sur la CEDEAO et l'UA au sein de la communauté mondiale.
Il ne faut cependant pas oublier que les sentiments xénophobes et le rejet des migrants ont également augmenté ici en Afrique et pas seulement ailleurs. Dans plusieurs pays, les attitudes de méfiance, de médisance et d'accusation, amplifiées par les médias et les réseaux sociaux, se nourrissent envers les étrangers et les migrants, et finissent souvent par se traduire par des actes de xénophobie et de violence. L'Église est appelée à affronter ces attitudes avec courage et sans ambivalence, montrant qu'elle est pour tous, donc pour les migrants, les réfugiés et les victimes de la traite, qu’elle est un havre qui accueille, protège, promeut et intègre.

Je voudrais juste rappeler quelques mots forts de l'archevêque de Johannesburg, Mgr. Buti Tlhagale, dont le pays, comme nous le savons, a été confronté à des vagues périodiques de violence xénophobe: “Les attaques contre les migrants sont un rejet provoquant du Commandement de Dieu: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De telles attaques jettent malheureusement une ombre obscure sur la valeur insurpassable de la vie. Elles montrent une diminution tragique du sens de la présence de Dieu” .

Dans son Message pour le Carême 2019, avait déclaré Mgr. Tlhagale: “Nous venons de commencer notre saison de Carême. Les Écritures nous encouragent à nous débarrasser de notre attitude avilissante et de nos paroles désobligeantes et méchantes envers les migrants et les réfugiés parmi nous. Il nous est enjoint de donner du pain aux affamés et de soulager les opprimés (cf. Is 58, 9). Nous devons faire le jeûne afin de partager avec ceux qui en ont besoin, en particulier les migrants et les réfugiés. Nous devons faire pénitence pour la négligence grossière, l'indifférence et parfois même notre aversion ouverte pour les personnes que nous considérons comme des étrangers (...). Les Écritures nous rappellent que si nous ne parvenions pas à répondre aux besoins des migrants et des réfugiés qui sont les moindres des frères et sœurs du Christ, nous n'aurions pas rendu service à Christ lui-même (cf. Mt 25, 45)” .

LES 20 POINTS D’INTERVENTION POUR LES PACTES MONDIAUX

Le 8 janvier 2020 à Strasbourg, Mgr. l’archevêque Paul Gallagher, Secrétaire du Saint-Siège pour les Relations avec les États, a résumé le contexte historique et les risques tout à fait réels des mouvements humains : « Le fait demeure que l’histoire est faite de migrations. Et les migrations font partie également de notre histoire moderne et contemporaine; elles affectent en particulier de nombreux pays de notre chère Europe… Il y a également le danger très réel que le phénomène des migrations se déploie de façon aberrante et devienne un terreau pour la traite des personnes, l’exploitation des migrants et leur recrutement par des groupes criminels » . Ce qui est dit pour là-bas pourrait valoir aussi pour ici et cela comporte très souvent de terribles violations des droits humains des migrants.

Reconnaissant ces défis pour les individus comme pour les États, un Sommet des Nations Unies réuni le 19 septembre 2016 a lancé un processus pour que des dirigeants mondiaux prennent en main la situation des réfugiés et des migrants, afin « de sauver des vies, de protéger les droits de l'homme et de partager la responsabilité à l'échelle mondiale » .
Comme contribution aux processus vers les Pactes Mondiaux pour les Migrants et les Réfugiés, la Section Migrants et Réfugiés a utilisé les quatre verbes en 2017 et 2018 pour structurer l’apport important de l’Église aux deux processus.

L’Église insiste sur la centralité de la personne humaine. On doit éviter les stéréotypes, éviter de stigmatiser un individu sur la base de quelques éléments spécifiques. Il faut prendre en considération toutes les dimensions de la personne. Les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés doivent être reçus comme des êtres humains, dans la dignité et le plein respect de leurs droits humains, quel que soit leur statut migratoire : « La mise en œuvre concrète des droits de l’homme est vraiment avantageuse aussi bien pour les migrants que pour les pays d’origine et de destination… La promotion et le respect des droits humains des migrants et de leur dignité garantit que les droits et la dignité de tous dans la société soient totalement respectés » .
Même si un État a le droit de gérer et de contrôler ses frontières, les migrants et les réfugiés doivent être reçus en conformité avec les obligations contenues dans les lois sur les droits de l’homme et les lois sur les réfugiés internationaux. Plus les voies alternatives et légales seront ouvertes aux migrants et aux réfugiés, moins ils seront la proie de réseaux criminels et moins ils se retrouveront victimes de la traite des êtres humains ou de l’exploitation et des abus dans le contexte de la contrebande des migrants .

Au plus fort de la crise actuelle, l’expérience nous enseigne que des réponses communes et appropriées peuvent être trouvées. Les 20 points que l’Église a offerts aux Nations Unies pour parvenir à deux Pactes mondiaux sont regroupés sous les quatre paroles-clés : Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer. Chacun constitue un verbe actif et une invitation à l’action. Leur objectif est de partir de ce qui est actuellement possible, pour progresser ensuite vers le but final, soit de construire une maison commune, inclusive et durable, pour tous. L’objectif final, bien entendu, est le développement humain intégral de tout le monde : migrants et réfugiés, ainsi que leur communauté d’origine et leur nouvelle communauté .
La Section M&R est convaincue que les deux Pactes mondiaux constituent un progrès historique dans la concrétisation de notre responsabilité commune d’agir de façon solidaire en faveur des personnes en déplacement, notamment celles qui vivent des situations précaires et celles qui sont forcées de quitter leur foyer. Avec nos partenaires, nous sommes déterminés à faire en sorte qu’un engagement concret traduise les mots des deux Pactes en actions concrètes . Ça dépend aussi de vous en tant que conférence épiscopale régionale et toujours en tant que membres de vos conférences épiscopales nationales.

DEUX MESURES DE POLITIQUE : NON AUX EXPULSIONS, OUI AUX VOIES ALTERNATIVES

3. Protéger

L’Église en Afrique/Afrique de l’Ouest pourrait rappeler que la migration doit être sûre, légale et ordonnée, et que la décision de migrer doit être volontaire, et travailler à la mise en œuvre de ces objectifs. Dans cet esprit, nous suggérons d’encourager les États à bannir les expulsions arbitraires et collectives. Le principe de « non-refoulement » devrait toujours être respecté. Ce principe est basé sur la situation individuelle de la personne et non sur le degré de « sécurité » qu’un pays est généralement censé offrir. Aussi les États devraient-ils éviter d’utiliser des listes de pays sûrs, dans la mesure où elles ne prennent pas en compte les besoins réels de protection des réfugiés. L’Église pourrait aussi donner sa disponibilité à collaborer avec d’autres institutions pour l’intégration des migrants qui décident de retourner volontairement dans leurs pays dans un cadre d’accompagnement.
De même, l’Église en Afrique/Afrique de l’Ouest pourrait encourager les États et tous les acteurs concernés à étendre le nombre et la gamme des voies légales alternatives pour une migration et une réinsertion sûres et volontaires, dans le plein respect du principe de non-refoulement. Ces voies pourraient inclure :

a) L’amorce ou l’augmentation de l’émission de visas humanitaires.
b) L’amorce ou l’augmentation de l’émission de visas d’étudiants, y compris pour l’apprentissage et les programmes internes, ainsi que pour tous les niveaux de l’enseignement formel.
c) L’établissement de couloirs humanitaires.
d) La facilitation de l’intégration locale grâce aux « parrainages privés » [« parrainages communautaires » au Canada].
e) Des politiques de traitement des réfugiés.
f) L’amorce ou l’augmentation de l’émission de visas pour le regroupement familial.
g) L’offre du statut de personne temporairement protégée.
h) La prestation d’un premier hébergement adéquat et décent.

Les 20 points d’action élaborent beaucoup d’autres suggestions pour que partout l’Eglise puisse encourager les États à mettre en œuvre des politiques et des programmes qui promeuvent activement une vision positive des migrants et des réfugiés et la solidarité à leur égard. Mentionnons entre autres l’éducation, la santé et la sauvegarde et enrichissement de la vie familiale .
Vu que les 20 points d’action ont été élaborés pendant le processus de développement des Pactes mondiaux de l’ONU, il est assez facile de voir comment ces points pastoraux pourraient être traduits en discours gouvernementaux et prolongés en des mesures de défense des droits dans la sphère publique pour les administrations publiques de tous les niveaux, depuis celle du niveau municipal jusqu’à celle des Nations Unies.

LES ORIENTATIONS PASTORALES SUR LA TRAITE DES PERSONNES

La section des M&R a adopté la même méthode d’écoute, de réflexion à la lumière de la doctrine sociale de l’Église, de consultation, de production de lignes directrices pastorales et de stratégie de communication en ce qui concerne d’autres secteurs de personnes vulnérables en déplacement. En 2018, nous avons prêté l’oreille à des gens qui avaient fait l’objet de la traite des personnes, et en particulier avec des représentants de l’Église qui les accompagnent nous avons produit les Orientations pastorales sur la traite des personnes (OPTP).

4. Promouvoir

L’objet de ces Orientations est d’offrir une lecture de la réalité de la traite des personnes (TP) et une compréhension qui motive et soutienne le combat qui s’impose à long terme. Voici quelques-unes des sections.
La Traite des personnes et la contrebande des migrants : « Au cours des dernières années, dans des afflux massifs mixtes de migrants et de réfugiés, un grand nombre de personnes désespérées, forcées par l’absence de solutions de rechange légales accessibles – en raison également des politiques sur les migrations de plus en plus restrictives – ont entrepris leur migration comme clients de contrebandiers pour se retrouver victimes de trafiquants » (OPTP § 35). En réalité, la ligne entre la contrebande des migrants et la TP est de plus en plus mince. Une situation de contrebande de migrants peut facilement se transformer en TP.

La variété de ses formes, l’hétérogénéité de ses victimes et ses nombreux types de responsables font de la TP un problème très complexe. Cette complexité exige une approche multidisciplinaire permettant de comprendre le phénomène et ses causes, de déterminer les processus et les personnes qui y prennent part – victimes, responsables et consommateurs (conscients ou inconscients) – avant que puissent être façonnées des interventions appropriées.
L’Aspect de la demande : Les gens qui créent la demande partagent une véritable responsabilité dans l’impact destructeur de leur comportement sur d’autres personnes et sur les valeurs morales violées dans ce processus. « Bien sûr, les systèmes de justice doivent arrêter les trafiquants. Mais la véritable solution réside dans une conversion des cœurs, dans l’extinction de la demande pour assécher le marché » .

Soutenir la collaboration : Le manque de collaboration – ou même la concurrence – entre divers acteurs gouvernementaux rend souvent inefficaces des politiques et des programmes bien intentionnés. « Dans certains cas, le manque de coopération entre les États laisse de nombreuses personnes en dehors de la légalité et sans possibilité de faire valoir leurs droits, les obligeant à prendre place parmi celles qui profitent des autres ou à se résigner à être victimes d’abus » . Cela est vrai sur les plans international, national et local. Des difficultés semblables diminuent l’efficacité des mesures prises par des organismes de la société civile.

« Les bureaux qui en sont chargés dans les Églises locales, les congrégations religieuses et les organisations catholiques sont appelés à partager leurs expériences et leurs connaissances et à unir leurs forces dans une action synergique qui concerne les pays d’origine, de transit et de destination des personnes qui font l’objet de la traite » .
Il y a également beaucoup à faire pour améliorer la collaboration entre les Églises de départ des migrants africains, celles de transit, notamment en Afrique du Nord, et celles d'arrivée, en Europe et ailleurs. C'est avec satisfaction que la Section des Migrants et des Réfugiés était présente à la mission organisée par le SCEAM en novembre dernier au Maroc, à laquelle ont également participé quelques évêques de CERAO-RECOWA. Nous espérons qu'on pourra “accroître cette coopération entre les Églises de départ, de transit et d’arrivée et à continuer [la] plateforme de travail déjà initiée” .

L’acceptation des migrants et des réfugiés offre une possibilité de mieux comprendre le phénomène et d’élargir nos horizons. Cela vaut pour ceux qui sont acceptés, qui ont la responsabilité de respecter les valeurs, les traditions et les lois de la communauté qui les accueillent, tout autant que pour la population résidente, qui est appelée à reconnaître la contribution bénéfique que chaque migrant peut apporter à la communauté tout entière. Les deux parties s’enrichissent mutuellement par leur interaction et la communauté dans son ensemble est renforcée par une plus grande participation de tous ses membres, résidents et migrants.

AUTRES ORIENTATIONS...

En 2019, la Section des Migrants et Réfugiés s’est penchée sur le phénomène troublant des personnes déplacées à l’intérieur de leur pays. J’ai ajouté l’adjectif « troublant » parce que le même État qui n’a pas offert la protection et la sécurité au début, obligeant ainsi les gens à fuir leur foyer, se voit maintenant obligé (mais refuse souvent) de leur fournir la protection et la sécurité dont ils ont besoin ailleurs sur son territoire, là où ils se trouvent. Les nouvelles Orientations pastorales pour les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays devraient être prêtes dans quelques semaines, sous forme d’une brochure et en version PDF, de même que sur le site Web de la Section des M&R.
Au cours de l’année 2020, qui marquera le 5e anniversaire de Laudato si’, nous nous concentrerons sur les personnes déplacées en raison des changements climatiques. Là aussi, nous adopterons les mêmes démarches : écoute, réflexion, propositions et communication.
En observant ces démarches, chers amis, vous pourriez dire que nous avons mis à l’essai une façon particulière d’être l’Église. Nous avons exploré les trois éléments : une praxis pastorale, une stratégie communicative et une politique migratoire de l'Église Catholique. Je pense que vous conviendrez tous que le chantier doit demeurer en développement constant ….

EN CONCLUSION, NOUS NOUS METTONS EN ROUTE VERS LA NOUVELLE CITÉ

Jésus se présente lui-même comme un pèlerin, qui « n’a pas d’endroit où reposer la tête » (Matthieu 8, 20) et qui « prit résolument le chemin de Jérusalem » (Luc 9,51). Il s’est mis en route pour annoncer la bonne nouvelle et la réaliser avec sa mort et résurrection : Dieu se fait tout proche, et il nous invite à notre tour à participer à ce projet de renouveau pour la famille humaine.

5. Intégrer

Le cinquième anniversaire de sa visite à Lampedusa, Pape François a réfléchi : « Face aux défis migratoires d’aujourd’hui, la seule réponse sensée est celle de la solidarité et de la miséricorde ; une réponse qui ne fait pas trop de calculs mais qui exige un partage équitable des responsabilités, une honnête et sincère évaluation des possibilités et une gestion avisée. La politique juste est celle qui se met au service de la personne, de toutes les personnes intéressées ; qui prévoit des solutions adaptées pour garantir la sécurité, le respect des droits et de la dignité de tous ; qui sait voir le bien de son propre pays en prenant en compte celui des autres pays, dans un monde toujours plus interconnecté »
Enfin, je voudrais vous proposer de vous joindre au Saint Père dans sa prière : « Je rends grâce au Seigneur pour tous ceux qui ont décidé ne pas rester indifférents et se prodiguent pour porter secours au malheureux, sans se poser trop de questions sur comment et pourquoi cette pauvre personne à demi-morte s’est retrouvée sur leur chemin. Ce n’est pas en bloquant les embarcations que l’on résout le problème. Il faut s’engager sérieusement à vider les camps de détention en Libye en étudiant et en mettant en œuvre toutes les solutions possibles. Il faut dénoncer et poursuivre les trafiquants qui exploitent et maltraitent les migrants, sans crainte de révéler les connivences et les complicités avec les institutions. Il faut mettre de côté les intérêts économiques afin qu’au centre, il y ait la personne, chaque personne, dont la vie et la dignité sont précieuses aux yeux de Dieu. Il faut secourir et sauver, parce que nous sommes tous responsables de la vie de notre prochain, et nous devrons en rendre compte au Seigneur au moment du jugement dernier » .
Chers amis, à travers une dernière vidéo, écoutons encore le Saint-Père alors qu’il réitère et souligne les idées et convictions que nous avons partagées au cours de la dernière heure, et nous encourage à accompagner les personnes vulnérables en mouvement (ou empêchées de se mouvoir) que la Providence divine à confiées à notre soins pastoral pour nous illuminer.

Je vous remercie de votre attention.

Card. Michael Czerny S.J.
Sous-secrétaire,
Section des migrants et des réfugiés,
Dicastère pour le service du développement humain intégral

 

 

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11 mars 2020, 17:40