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Linda Ghisoni, sous-secrétaire du Dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie Linda Ghisoni, sous-secrétaire du Dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie 

Abus: le Vatican aux côtés des associations de fidèles et mouvements ecclésiaux

Une centaine de modérateurs, responsables ou délégués d’associations de fidèles et mouvements ecclésiaux étaient rassemblés à Rome le 13 juin dernier à l’invitation du Dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie pour une rencontre annuelle, sur le thème “Prévention des abus sexuels: l’engagement des associations et des mouvements ecclésiaux”. Ils ont été invités à davantage de responsabilité et de partage des bonnes pratiques.

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

L’ouverture des travaux de cette journée a été assurée par le cardinal Kevin Farrell, préfet du Dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, qui a présenté la rencontre comme une réponse aux appels du Pape François sur le grave sujet des abus. Le Saint-Père, a rappelé le cardinal, «nous demande d’agir dans tous les contextes sociaux, ecclésiaux, en sortant à découvert, en regardant  en face la réalité de manière honnête, (…) en procédant à la nécessaire purification et en préparant une prévention adaptée».  

Le cardinal Farrell a ensuite mis en garde contre la tentation de la sous-évaluation du phénomène des abus dans l’Église et la société civile, et contre le recours au silence. Il a aussi souligné que les données chiffrées ne doivent pas faire oublier les personnes: «les personnes impliquées, les victimes et leurs abuseurs, ont un nom et un prénom, un visage, une histoire personnelle et familiale, sociale et ecclésiale, ils ont des blessures imprimées dans leur esprit, leur cœur, leur chair».

Formation et appel à la responsabilité

Le préfet du dicastère a également adressé plusieurs recommandations à ces représentants d’associations de fidèles et mouvements ecclésiaux, en premier lieu de «purifier» les relations vécues entre les différents membres, ainsi qu’avec les «destinataires» de leurs missions d’évangélisation. Il est aussi nécessaire d’établir des «relations saines dans des environnements sains, dans lesquelles il sera difficile que s’insinuent la domination, la dépendance, la violation de la liberté, la violation de la conscience, l’abus de pouvoir, l’abus sexuel». Il faut par ailleurs dispenser une «nécessaire formation humaine, morale, intellectuelle et spirituelle».

Le cardinal Farrell a déploré les réponses insatisfaisantes obtenues de la part de plusieurs associations de fidèles et mouvements ecclésiaux suite à la lettre du dicastère qui, en mai 2018, demandait à ces groupes de rédiger des règles et des procédures destinées à protéger les mineurs et les personnes vulnérables. «Il faut (…), sans perdre de temps, que vous assumiez les responsabilités qui vous incombent, a estimé le prélat avec fermeté, en rendant compte de ce qui vous est confié, sans détourner le regard des plaies infligées au Corps du Christ qui est l’Église dans nos frères, en prenant soin des personnes blessées et en œuvrant pour que les abus ne surviennent plus».

Des victimes témoignent

Parmi les autres interventions au programme de cette rencontre, des témoignages ont bouleversé l’assemblée: ceux de trois femmes victimes d’abus au sein d’associations de fidèles ou mouvements ecclésiaux. Il en ressortait clairement le lien entre abus de pouvoir, abus sexuels et abus de conscience. Linda Ghisoni, sous-secrétaire du Dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, s’est appuyée sur ces témoignages lors de son intervention, décrivant des femmes qui, «comme toutes les victimes d’abus de pouvoir, de conscience, sexuels, ont vécu le Golgotha»,  un Golgotha «non pas à ciel ouvert, mais enfermé entre quatre murs», lieu de chantages «pour acheter leur silence qui les a imprégnées d’un sentiment de culpabilité. Les abus les ont clouées à une croix que personne ne pouvait voir, justement parce qu’elle s’élevait sur un Golgotha secret», a-t-elle continué. Linda Ghisoni a appelé à mettre au jour «ces Golgotha obscurs», assurant que le Dicastère se tenait aux côtés des associations de fidèles et mouvements ecclésiaux pour les conseiller et les soutenir «dans cette responsabilité ecclésiale partagée».

Se doter des outils nécessaires

Dans la matinée, les participants ont également écouté Philip Milligan, responsable de la section juridique du dicastère, à propos des instruments juridiques dont dispose l’Église pour affronter les cas d’abus sexuels sur mineurs et personnes vulnérables. Philip Milligan est en particulier revenu sur le récent motu proprio Vos estis lux mundi, entré en vigueur le 1er juin dernier.

L’après-midi, le père Hans Zollner, président du Centre pour la protection des mineurs de l’Université pontificale Grégorienne, est intervenu sur le défi éducatif à relever en matière de prévention. Il a insisté, entre autres, sur le fait de ne pas répéter des erreurs déjà commises, invitant les participants à apprendre les uns des autres, à recueillir dans l’expérience d’autrui les éléments les plus précieux pour prévenir les abus ou affronter ceux déjà commis.

Par ailleurs, deux responsables d’associations de fidèles ayant dû faire face à des cas d’abus sexuels au sein de leurs communautés respectives ont apporté un témoignage courageux et apprécié par l’assemblée.

La rencontre s’est conclue par une nouvelle intervention du cardinal Farrell, qui a lui aussi mis l’accent sur l'accompagnement du Saint-Siège et le défi éducatif, soulignant que l’on ne peut pas se «contenter de bonnes intentions» en la matière. «Il faut que chacune de vos associations reconnues par le Saint-Siège élabore les instruments nécessaires, forme des personnes aptes, compétentes, constitue un bureau spécifique, qui soit rendu public à tous, et dont soit informé le Dicastère, avec des personnes en mesure de recevoir d’éventuels signalements d’abus, d’écouter les victimes, de traiter en conséquence toute question, avec la réserve due, avec liberté et conséquence», a indiqué le cardinal-préfet.  

Avec L'Osservatore Romano

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24 juin 2019, 16:53