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Chapelle Redemptoris Mater, Vatican, le 22 mars 2019 Chapelle Redemptoris Mater, Vatican, le 22 mars 2019 

Troisième prédication de Carême du père Cantalamessa

Ce vendredi, le prédicateur de la Maison pontificale s’est exprimé devant le Pape François et les membres de la Curie romaine à propos de l’idolâtrie, «antithèse du Dieu vivant».

Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican

Le père capucin Raniero Cantalamessa a offert ce matin une réflexion sur l’idolâtrie, en s’appuyant sur de nombreux passages des Écritures. L’objectif était de poursuivre la «recherche du Dieu vivant» entamée en début de Carême, à partir d’un «sursaut de conscience», auquel saint Paul, entre autres, nous exhorte: «Réveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera» (Ep 5, 14).

C’est d’ailleurs l’Apôtre qui a guidé la majeure partie de la méditation. En effet, d’après le père Cantalamessa, saint Paul est «celui qui a fait de l'idolâtrie l'analyse la plus lucide et la plus profonde», en particulier dans sa lettre aux Romains (Rm 1, 18-21).

L’idolâtrie hier et aujourd’hui

Le prédicateur avait d’abord expliqué combien le «combat contre l’idolâtrie» est «un problème actuel, et pas seulement passé». «Les idoles ont changé de nom, mais elles sont plus présentes que jamais», a-t-il affirmé.

Dans son épître, saint Paul identifie «le péché fondamental du monde païen dans l'impiété et l'injustice». L’impiété est une forme d’idolâtrie, car elle consiste «dans le refus de “glorifier” et de “remercier” Dieu, autrement dit, dans le refus de reconnaître Dieu en tant que Dieu, dans le fait de ne pas lui attribuer la considération qui lui est due». C’est un manque de reconnaissance qui constitue le «noyau d’origine» du péché. La créature tente «d’annuler l’infinie différence de qualité qui existe entre la créature et le Créateur, en refusant de dépendre de Lui. Ce refus s'est déployé de manière concrète dans l'idolâtrie, dans laquelle on adore la créature à la place du Créateur», a précisé le père Cantalamessa.

Les païens de l’Antiquité ont vécu cela à travers le culte de divinités aux traits humains: «puisque l'homme est violent, il fera de la violence un dieu, Mars; parce qu'il est luxurieux, il fera de la luxure une déesse, Vénus, etc. Il se projette lui-même sur Dieu». Autrement dit, l’idolâtre récuse l’affirmation biblique «Dieu a créé l'homme à son image» et y substitue le précepte inverse, «l'homme crée Dieu à son image».

Saint Augustin a lui aussi analysé ce comportement lié au péché originel (cf. Commentaire du Psaume 94,2). «L’homme a été créé par Dieu “droit”, dans le double sens de juste et de tourné vers le haut. Le péché a consisté en la "curvitas", dans le repliement de l'homme sur lui-même; autrement dit, en se mettant à la place de Dieu», a expliqué le père Cantalamessa.

Du danger de mettre au centre ses propres œuvres

Le prédicateur s’est ensuite référé à un autre passage de l’épître paulinienne (Rm 2, 1-3) pour pointer avec l’Apôtre les méfaits du pharisaïsme. En effet, saint Paul «dévoile l'étrange et fréquente illusion de ces personnes pieuses et religieuses qui se croient à l'abri de la colère de Dieu, uniquement parce qu'elles ont une idée claire du bien et du mal, qu'elles connaissent la Loi et savent l'appliquer à autrui, tout en pensant qu’en ce qui les concerne, le privilège d'être du côté de Dieu ou, la “bonté” et la “patience” de Dieu, qu'ils connaissent bien, feront une exception pour eux». En dépit des apparences, chez ces personnes aussi «l’impiété et l’idolâtrie» sont à l’œuvre. «L'Apôtre le met mieux en lumière dans le reste de sa Lettre, lorsqu'il dénonce la prétention de se sauver par ses propres œuvres et de se faire de ce fait, créanciers, et de faire de Dieu le débiteur».

Le religieux capucin a fortement mis en garde l’assemblée de la chapelle Redemptoris Mater contre cette «idolâtrie cachée qui mine l'homme religieux»… et bien d’autres personnes. Si «l'idolâtrie est “de mettre la créature à la place du Créateur”, alors je suis idolâtre lorsque je mets la créature - ma créature, l’ouvrage de mes mains – à la place du Créateur. Ma créature peut être la maison ou l'église que je construis, la famille que je crée, l'enfant que j’ai mis au monde (combien de mères, même chrétiennes, sans s'en rendre compte, font de leur fils, surtout s'il est unique, leur dieu !); cela peut être l'institut religieux que j'ai fondé, le poste que j’occupe, le travail que je fais, l'école que je dirige, pour moi qui vous parle, ce même sermon que je suis en train de donner», a-t-il souligné.

Ainsi, «au fond de chaque idolâtrie, il y a le culte de soi, l'amour propre, le fait de se placer au centre et à la première place dans l'univers, en y sacrifiant tout le reste». «Le résultat est toujours l’impiété, le fait de ne pas glorifier Dieu, mais toujours et seulement soi-même, de profiter du bien, et même du service que nous rendons à Dieu – y compris Dieu lui-même! -, pour notre propre réussite et notre affirmation personnelle», a fait remarquer le prédicateur.

Se laisser convertir par la Parole

Un changement de comportement est cependant possible, à la lumière de la vérité. «Peut-être en revenant à moi, suis-je prêt, à ce stade, à reconnaître la vérité, à savoir que jusqu’à présent j'ai vécu “pour moi-même” et que je suis moi aussi impliqué dans ce mystère de l'impiété», d’après le père Cantalamessa. Un passage biblique peut provoquer cette prise de conscience personnelle: «Quel tremblement de terre le jour où vous réalisez que la parole de Dieu vous parle ainsi et que ce “tu”, c’est vraiment vous ! […] Ici, il n'y a pas d'échappatoire, il n’y a plus qu’à “s'effondrer” et dire comme David : “J'ai péché !”, sinon le cœur s'endurcit de nouveau et la personne ne se repent pas».

Alors commence le «miracle toujours renouvelé de la conversion». Rectifier sa conduite et rétablir l’alliance avec le Seigneur «ne pourra se faire pendant une prédication ni pendant le Carême; mais nous pouvons au moins prendre la décision sérieuse de le faire, et c'est déjà en quelque sorte, pour Dieu, comme si c’était fait. Si je me range de toutes mes forces du côté de Dieu, contre mon “moi”, je deviens son allié; nous sommes deux pour lutter contre le même ennemi et la victoire nous est assurée», a souligné le religieux capucin.

De cette façon, a-t-il conclut, même si en nous meurt «l’homme ancien» (Ep 4,22), ce «n'est pas cependant une véritable mort, mais une naissance». Jésus-Christ lui-même le promet: «Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera» (Mt 16,25).

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29 mars 2019, 14:47